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2001 : Norman contre le Sunday Times (et Barry) : aux origines du Bond Theme [3/3]

En mars 2001, Monty Norman et John Barry se trouvent salle n° 13 de la High Court de Londres. Les deux hommes ne sont pas du même côté : en effet chacun d’eux prétend être l’auteur du fameux James Bond Theme et essayent d’en convaincre les jurés. Parmi les personnes venues observer le procès se trouvent un certain Peter Greenhill, membre du groupe The John Barry Discussion Group de Yahoo sur lequel il résume aux internautes le déroulement de l’affaire jour après jour.

Le groupe Yahoo n’est plus consultable de nos jours mais les rapports de Greenhill sont toujours trouvables, reproduits sur le site The John Barry Resource de James Ollinger.

Bien qu’ils ne puissent pas être considérés comme sans erreur ou neutres (Greenhill étant un fan de Barry), ces rapports dont nous vous proposons la traduction française ci-dessous permettent de voir les deux versions contradictoires (celle de Norman et de Barry) sur la création du Bond Theme.

Les semaines dernière on avait vu les circonstances qui avaient amené Norman à porter plainte contre le Sunday Times (et rappelons-le non contre Barry) pour diffamation et les premiers jours du procès dans lesquels Norman avait notamment donné sa version des événements de 1962. Aujourd’hui c’est à John Barry de donner sa version. Si vous avez loupé les premières parties :

2001 : Norman contre le Sunday Times (et Barry) : aux origines du Bond Theme | Partie 1
2001 : Norman contre le Sunday Times (et Barry) : aux origines du Bond Theme | Partie 2

Jour 7

John Barry n’a pas été vu au tribunal depuis le mardi 6 mars et a été atteint d’une forme de pneumonie. Heureusement il s’est suffisamment rétabli pour témoigner aujourd’hui, ce qu’il a fait pendant environ 5 heures.

John a déclaré au tribunal qu’en raison de sa rupture de l’œsophage en 1988, le rhume et la grippe pouvaient lui causer des difficultés. Il a donné un bref résumé de sa carrière, comment il a suivi un cours par correspondance dans l’arrangement et la composition et était le seul étudiant non américain du cours. Il a orchestré pour John Dankworth et Jack Parnell mais le salaire était mauvais ; il a alors formé le groupe John Barry Seven avec trois anciens collègues de l’armée et trois musiciens locaux. Leur percée est survenue lorsque Harold Fielding les a embauchés pour accompagner Tommy Steele à un spectacle d’été à Blackpool et ils ont également eu leur propre place dans le spectacle. Le John Barry Seven a eu un certain nombre de succès, dont Walk Don’t Run et Hit and Miss. Il a continué à jouer avec le groupe jusque vers 1963, lorsque son travail cinématographique et d’arrangement a commencé à augmenter.

The John Barry Seven

Le tribunal a entendu certains des succès du John Barry Seven. Quelque chose d’amusant s’est produit lorsque Beat Girl était censé être joué mais qu’à la place nous avons entendu Dr. No’s Fantasy de Monty Norman. Barry a rapidement déclaré au tribunal « Ce n’est pas ça ».

Il a continué à travaillé sur la musique de 122 films et a remporté 5 Oscars, Grammies et Golden Globes.

En 1962 sa carrière dans l’industrie pop était bonne, le groupe avait eu des succès et sa carrière d’arrangeur et de compositeur commençait à décoller. John a dit qu’il avait récemment retrouvé son journal de 1962.

La premier moment où il fut impliqué dans Dr No c’est lorsqu’il a reçu un appel téléphonique de Noel Rogers, directeur du service d’édition d’United Artists Music à Londres. Rogers a demandé à Barry de venir à une réunion à son bureau près du Dominion (Tottenham Court Road) le lendemain, un samedi matin. Barry connaissait déjà Rogers comme il connaissait la plupart des éditeurs de musique à Londres.

Rogers a dit à Barry que Broccoli et Saltzman avaient embauché Norman pour écrire la musique du film mais qu’il y avait eu des problèmes. Barry a été informé qu’il y avait eu une session d’enregistrement plus tôt dans la semaine qui avait été très insatisfaisante ; les producteurs et le réalisateur Terence Young étaient très mécontents. Le nom de Barry avait été proposé par Noel Rogers. Ils connaissaient le succès commercial de Barry et voulaient qu’il jette un oeil sur le thème principal que Norman avait présenté et voit ce qu’il pouvait en tirer. Barry était très ambitieux à l’époque et y voyait une opportunité clé. Barry a été surpris que Norman ait été choisi pour la musique le film car il était fondentalement un auteur-compositeur plutôt qu’un compositeur de musiques de films. Barry a été informé que Broccoli et Saltzman avaient des options sur la plupart des romans Bond de Ian Fleming. Si Dr No s’avérait être un succès, plus de films Bond seraient produits et s’il pouvait sauver le thème principal de Dr No, il serait alors employé pour composer la musique de futurs films de la saga.

Barry n’avait lu aucun des romans de Fleming mais était familier avec les adaptations en bande dessinée du Daily Express et savait en quoi consistait Bond basiquement.

Après un certain temps, Norman a rejoint Barry et Rogers et après discussion, il a remis à Barry un manuscrit de Good Sign, Bad Sign. Barry a clairement identifié le manuscrit dans le paquet de documents du tribunal et a dit qu’il « était difficile à oublier ».

Barry ne l’a jamais entendu jouée, il a dit qu’il le prendrait avec lui pour voir ce qu’il pourrait faire. Rogers a dit à Norman que Barry « ferait ce qu’il devait faire ». Norman a répondu : « Allez-y, je ne suis pas fier ». Barry serait payé 250 £ pour son travail, plus une promesse de travailler sur les futurs films de la série en cas de succès. Norman recevrait le crédit parce que c’était son droit contractuel. Si Barry s’avérait ne pas être satisfait de ces conditions, Rogers devrait trouver quelqu’un d’autre. Barry était excité par l’accord parce qu’il faisait confiance à son propre talent. La réunion s’est terminée et Barry est rentré chez lui. Quand il a examiné le manuscrit, il a estimé qu’il n’était pas approprié pour le Bond Theme. Le manuscrit était confus et ne véhiculait pas grand-chose. Il n’y avait pas de tempo alors que Barry estimait que le thème devait être un morceau avec du tempo. Rien ne bondit hors de la page, la musique n’avait aucune excitation.

Barry a travaillé sur le thème du samedi au mardi suivant, lorsque Vic Flick a été invité à l’appartement de John pour travailler sur le son de guitare du thème. Barry a ignoré la majorité de Good Sign, Bad Sign. Il a pris les deux premières mesures, les a harmonisées et a ajouté des notes verticalement, il a conçu l’orchestre, les cuivres, le saxophone, les cors ; sans cordes. La guitare électrique jouerait en mi mineur. Il a travaillé sur du papier manuscrit pour piano pour produire l’esquisse puis sur papier à partition. Celui-ci a ensuite été envoyé au copiste, George Sallis, qui a pu copier les parties orchestrales individuelles dans les 24 heures. À ce stade Laurie Barry semblait à juste titre satisfaite de la performance de John.

Barry a dit que le Vamp utilisé dans le « James Bond Theme » avait été utilisé plusieurs fois par le passé et avait des origines remontant à Nightmare d’Artie Shaw. Il y avait un Vamp sur le manuscrit que Norman lui avait donné mais le style de celui-ci sur l’enregistrement est dû à Barry. Il avait utilisé des Vamp similaires dans Poor Me et Bees Knees. Barry a admis que les mesures 5-10 du « James Bond Theme » (c’est-à-dire le Riff de guitare) provenaient de deux mesures du Good Sign, Bad Sign de Norman. Cependant elles étaient dans une tonalité différente et il a ajouté plus de notes. Les mesures de Norman n’étaient qu’un squelette auquel Barry a ajouté des choses. La mesure 5 en particulier a reçu des notes supplémentaires pour lui donner plus de dynamisme/énergie. Barry a souligné qu’à part les deux premières mesures, rien d’autre n’avait été utilisé de Good Sign, Bad Sign. Barry a également déclaré que la partition du « James Bond Theme » n’était pas de la même forme que l’enregistrement de la bande originale. Ce fut la décision de Barry d’utiliser de la guitare électrique parce que la guitare était un instrument roi à l’époque et il était essentiel de l’utiliser si on voulait que le thème ait une chance de devenir un succès commercial [au final Flick a joué sur une acoustique]. Barry a déclaré qu’il avait écrit le thème dans son appartement depuis la rencontre du samedi avec Norman et Rogers jusqu’au mardi suivant, lorsque Vic Flick est venu travailler sur le son de la guitare pour l’enregistrement. Barry a téléphoné au studio pour les dates et s’est vu recevoir trois alternatives.

Barry a téléphoné à Sid Margo pour organiser la réservation de l’orchestre. Le thème de la bande originale a été enregistré aux studios CTS le jeudi 21 juin 1962. Peter Hunt avait donné à Barry les timings basés sur la séquence de générique de Maurice Binder. Monty Norman n’a pas été vu après la réunion initiale dans le bureau de Rogers jusqu’à la session d’enregistrement. Après l’enregistrement de la bande originale, la partition/musique du « James Bond Theme » a été remise à la société de production EON.

Le journal de Barry contient une entrée du vendredi 8 juin disant « téléphoner N. Rogers ». C’était un mémo pour lui passer un rappel et ça devait être à propos de la réunion de samedi. La rencontre n’aurait pas pu avoir lieu le samedi 16 car Norman était à Paris jusque tard dans la journée. Le 20 juin il y a une entrée dans le journal de Barry disant « appeler M. Norman ». Barry pense que c’était pour l’inviter à la session d’enregistrement des jours suivants au CTS. Cependant Norman ne s’en souvient pas. Dans la page du 21 juin du journal de Barry se trouve une liste d’instruments pour la session et les noms des musiciens ; elle inclut notamment John Scott au saxophone.

Barry a été interrogé sur son travail sur Call Me Bwana. Il a dit que Norman lui avait téléphoné pour arranger le thème Big Safari pour le film. Il a reçu un manuscrit à orchestrer. Barry a dit qu’il se souvenait peu de son travail sur le film, sous-entendant que c’était un film médiocre et non quelque chose sur lequel il a de forts souvenirs.

On lui a demandé s’il avait rencontré Norman à l’hôtel Mayfair où les John Barry Seven faisaient un concert. Barry a répondu que ce n’était certainement pas en rapport avec Dr No et que l’hôtel Mayfair n’était pas un lieu où les John Barry Seven se produisaient car ils ne jouaient pas le genre de musique de l’endroit. Toutefois il a admis qu’il aurait pu y rencontrer Norman à propos de Call Me Bwana.

Barry a déclaré qu’il n’avait assisté à aucune réunion au Denmark Street Café avec Norman et Rhodes en relation avec Dr No, mais qu’il l’avait fait pour Call Me Bwana. Barry a réaffirmé que Norman et Rhodes à Denmark Street ne lui ont donné aucune esquisse du Bond Theme. En fait, il n’a eu aucune rencontre avec Burt Rhodes pour Dr No. L’esquisse reconstruite qui, selon Rhodes, était similaire à son travail et à celui de Norman qui a été donné, disent-ils, à Barry à Denmark Street contenait seulement, selon Barry, des notes qu’il avait écrites. Rhodes avait déclaré que des années plus tard, que Barry l’avait contacté pour venir dans son appartement près de Harrods et aider à produire une version d’une chanson titre de James Bond dont on avait besoin rapidement pour une démo. Barry ne se souvient pas d’une telle rencontre et dit qu’il n’a jamais eu d’appartement près de Harrods. Barry a déclaré que Norman n’avait donné aucune instruction concernant le Bond Theme et qu’il ne s’est jamais rendu l’appartement de Norman pour des séances de travail sur le « James Bond Theme ». Il a visité la maison de campagne de Norman, peut-être dans un but non professionnel, à l’époque de Call Me Bwana.

John a été interrogé sur l’apparence de la mélodie du Riff dans certaines parties de la musique de Dr No. Il a répété qu’après la session d’enregistrement du 21 juin, il avait remis la musique à EON. La musique du film [c’est à dire les autres pistes que le thème titre enregistré le 21] a été enregistrée du 25 au 26 juin [Count Basie avait précédemment aussi enregistré des pistes, on y reviendra plus tard]. Rhodes avait affirmé que la mélodie du Riff avait été ajoutée à la musique avant que Barry ne travaille sur Dr No et que la première fois qu’il a entendu la musique complète de Barry pour le « James Bond Theme » était à la session de musique. Rhodes avait déclaré qu’ils l’avaient réenregistré lors de ces sessions. La défense affirmera plus tard que oui, elle a été réenregistrée pour la musique de fond basée sur les notes de Barry pour le Bond Theme sur le manuscrit donné à EON. [Ndt : il faut comprendre qu’on s’interroge sur pourquoi on retrouve des notes du James Bond Theme dans d’autres pistes de la musique du film que le thème ; si des parties du Bond Theme se trouvent dans d’autres piste du film dont John Barry n’est pas l’auteur, cela pourrait vouloir dire que Norman est l’auteur du Theme. La question est de savoir si ces parties qui reprennent le Bond Theme ont été ajoutés avant ou après l’arrivée de Barry].

Barry a vu pour la première fois Dr No au London Pavilion Cinema de Piccadilly Circus un dimanche après-midi. Il a été étonné de trouver son thème « partout dans le film ».

Il a immédiatement appelé Noel Rogers pour lui dire qu’il avait été payé pour produire un morceau de musique pour les génériques et que pourtant celui-ci a été utilisé partout dans le film. Rogers a dit qu’il s’attendait à ce que Barry lui téléphone. Rogers a déclaré que Broccoli et Saltzman n’étaient pas prêts à lui donner plus d’argent mais qu’il serait employé sur Bons Baisers de Russie.

Barry a été interrogé sur une réunion qu’il a eue avec l’avocat de Norman dans les années 70. Il a dit que Norman n’était pas présent mais que celui-ci était apparemment mécontent des rumeurs persistantes dans la presse selon lesquelles Barry avait écrit le « James Bond Theme ». Barry a déclaré qu’il s’excuserait volontiers dans le magazine Billboard : sur le côté droit de la page il mettrait son manuscrit pour le « James Bond Theme », et sur la gauche celui de Norman qu’on lui avait remis au bureau de Rogers. En dessous il écrirait : « JE M’EXCUSE. JE N’AI PAS ÉCRIT LE « JAMES BOND THEME » ».

Il n’a plus jamais rien entendu de l’avocat.

Rogers a dit à Barry que Broccoli et Saltzman savaient qui avait écrit le « James Bond Theme ». Ils se serrèrent la main. John ne toucherait aucune redevance et aucun crédit, mais avait la promesse de travailler sur de futurs films Bond. Barry n’a jamais eu l’intention de réclamer de redevances et, au cours des premières années, n’a jamais discuté de la question. Cependant la presse lui posait de plus en plus de questions sur la situation du « James Bond Theme ». Il avait l’habitude de nier qu’il avait quoi que ce soit à voir avec mais a progressivement accepté la vérité quand elle lui a été présentée lors d’interview. Si la musique de Monty Norman avait connu un tel succès, pourquoi n’avait-il pas été employé à nouveau sur les futurs films de Bond ?

On a demandé à John Barry : « Est-ce que Monty Norman a écrit le James Bond Theme ? ».

Sa réponse a été : « absolument pas ».

Contre-interrogatoire : M. Price, avocat de l’accusation, a mené Barry à travers un enchainement dans une peut-être tentative délibérée de semer la confusion en allant dans l’ordre inverse des événements :

  • 21/6 : Enregistrement à CTS.
  • 20/6 : Copiste.
  • 19/6 : Vic Flick à l’appartement pour le son de guitare.
  • 18/6 : Travail.
  • 17/6 : Travail.
  • 16/6 : Rencontre avec Rogers.

Barry a dit qu’il pensait que c’était correct. Price a bondi. Norman était à Paris jusqu’à la fin du 16 juin. Il ne pouvait pas avoir rencontré Rogers et Norman ce jour-là. Barry avait déjà établi que la réunion avait eu lieu le 8. Mais l’accusation avait affaire un homme qui était malade d’une pneumonie depuis une semaine et qui était probablement rempli jusqu’aux globes oculaires d’antibiotiques et d’autres médicaments. L’accusation ne savait que trop bien comment opérer dans ces circonstances. C’était un moment inconfortable, mais l’avocat de la défense a interrogé Barry vers la fin de son témoignage pour prouver, en se référant à son journal, que la réunion avec Rogers était le 9 juin. On a demandé à Barry à quelle heure de la journée a eu lieu son appel téléphonique avec Rogers. Barry a dit qu’il ne pouvait pas se souvenir. Price a répondu qu’il ne se souvenait pas de l’heure de la journée mais qu’il se souvenait pourtant clairement de la séquence des événements avec Rogers. Barry a répondu qu’il était à cette époque impatient de se lancer dans la musique de films et que c’était la chose qui le passionnait le plus. Il a également dit que les gens ont une mémoire sélective. Certains événements restent gravés dans l’esprit plus que d’autres et les appels et réunions avec Rogers sont inscrits dans sa mémoire parce qu’ils étaient importants pour lui.

Au cours de l’après-midi du témoignage de Barry, les bancs publics étaient bondés pour la première fois durant le procès.

Il y a eu un autre problème lorsque Barry a été interrogé sur les redevances pour la composition du « James Bond Theme ». Au tribunal, Barry a déclaré qu’il ne contesterait jamais le droit de Norman à toucher des redevances. Apparemment, cela contredisait sa déclaration de témoin où il a disait : « Je n’ai jamais approuvé que Norman devrait toucher des redevances ».

L’accusation a déclaré : « Si vous êtes confus au sujet des redevances, vous êtes confus à propos de tout ».

L’accusation a ensuite mentionné deux lettres envoyées par les avocats de Barry au début de l’affaire menaçant Norman de réclamer toutes les redevances sur le Bond Theme, à moins que Norman ne retire son action pour diffamation contre le Sunday Times.

Geoff Leonard (auteur du livre « John Barry: A Life in Music » de 1998), qui se trouvait parmi les personnes venues observer le procès, ajoute sur le topic de conversation Yahoo de Peter Greenhill :

J’ai senti que la déclaration écrite de Barry n’avait pas été correctement vérifiée par la défense avant sa soumission.

Par conséquent il se contredisait lui-même à plusieurs reprises devant le tribunal, a été interrogé à plusieurs reprises à ce sujet par l’accusation et n’a souvent pas été en mesure de s’expliquer. Cela doit avoir été noté par le jury. J’aurais pu regarder sa déclaration et régler 95% des potentiels problèmes avant qu’il ne la signe. Ils savaient que j’étais disponible mais n’ont pas pris la peine de demander, à part pour quelques dates, ce qui est incroyablement stupide et un peu arrogant à mon avis.

Dites que je suis pessimiste, mais je ne vois vraiment aucun espoir pour le Sunday Times maintenant, mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils perdent. Barry a fait de son mieux mais on l’a laissé tomber. Parfois il arrivait comme un homme qui n’avait pas été correctement informé et qui avait du mal à comprendre les questions, même celle venant de son propre camp ! Même la découverte de son propre journal de 1962 a finalement été utilisée contre lui en fin de compte, pour démontrer une divergence de date. Sur le plan positif il n’a pas juré (à part « Jeesus ») et n’a crié qu’occasionnellement.

Laurie Barry a dit qu’ils étaient très reconnaissants pour le soutien (visible) de Peter [Greenhil] et moi-même et nous avons été rejoints par Don & Shirley Black, Philip Masheter (de « Rare Discs »), « Dave » du Leicester Square Odeon et Brian Protheroe, le musicologue (ndt : ne serait-ce pas plutôt Guy Protheroe ?).

Barry fera face à une autre heure de contre-interrogatoire demain, puis ils se dirigeront directement vers l’aéroport de Heathrow pour prendre le premier vol de retour vers New York. Jonpatrick (le jeune fils de John et Laurie Barry) leur manque clairement. Laurie m’a dit que c’était la première fois qu’elle était séparée de lui depuis le jour de sa naissance.

Soumis au jury

La déclaration finale du Sunday Times était magistrale et bien meilleure que celle de l’accusation, qui était ennuyeuse et contenait beaucoup de lecture de grandes sections de la transcription. Ce matin le juge a résumé l’affaire pendant 2 heures et demie, puis le jury s’est retiré pour décider de son verdict à 13h05. À 16h30, toujours aucune décision de prise et la porte-parole du jury, une femme possiblement à la fin de sa vingtaine, a déclaré au tribunal qu’il n’y avait aucune chance qu’une décision soit prise dans un avenir proche. Par conséquent le jury a été renvoyé chez lui pour le week-end et a été chargé de revenir lundi matin à 10h00. Le juge a indiqué qu’il souhaitait initialement un verdict unanime, mais qu’il pourrait accepter une majorité si cela n’était pas possible, mais il donnerait des détails plus tard. Il n’y a pas de limite de temps pour leurs délibérations.

Cet après-midi toutes les parties intéressées, à l’exception du juge, ont regardé Dr No en vidéo en attendant un verdict !

Verdict (lundi 19 mars 2001)

Après quatre heures de délibération, le jury a rendu un verdict unanime en faveur de Monty Norman et lui a accordé 30 000 £ (de l’époque) de dommages et intérêts. John Barry n’était pas présent (il était apparemment rentré à New York).

Mark Warby, représentant le journal, dont les frais de justice dit-on s’élèveraient à 500 000 $, a déclaré que l’article était un commentaire neutre sur un différend.

Monty Norman a de son côté déclaré : « Je suis absolument ravi et blanchi (vindicated). Le Sunday Times a toujours dit qu’il ne s’intéressait qu’à la vérité. Eh bien, maintenant ils ont la vérité ».

Postérité

Après 2001, Monty Norman explique sa version des dessous du Bond Theme sur son site :

En Jamaïque, j’ai rencontré le grand Count Basie qui faisait un concert ici. Il m’a demandé de lui envoyer des musiques de Dr No que son orchestre pourrait jouer. Basie a par la suite enregistré quatre pistes : Dr. No’s Fantasy, The Kingston Calypso, Underneath The Mango Tree et The James Bond Theme.

Dr. No’s Fantasy, la version du Bond Theme que Basie avait enregistrée était une incarnation précaire. Cubby, Harry et moi voulions un thème principal distinctif pour aider à promouvoir le film. J’avais eu une idée, Count Basie l’avait déjà enregistré et ce n’était pas si mal, mais ce n’était pas encore cela ; nous ne nous pensions pas que cela collait assez au personnage de James Bond, le côté sinistre. Alors que je travaillais encore dessus, une certaine musique que j’avais écrite quelque temps auparavant, appelée Good Sign, Bad Sign m’est revenue en tête.

Burt Rhodes était l’orchestrateur original de la musique de Dr No, et il a fait un excellent travail. Mais nous avons reconnu que nous avions besoin d’un son frais et contemporain pour le thème principal et dans le jeune et prometteur John Barry, nous avons trouvé un merveilleux arrangeur, donc le tout a très bien fonctionné, explique Monty. Je pense toujours que l’orchestration originale de Barry est probablement la meilleure. Bien qu’il y en ait eu de très bonnes.

[…]

Après le Dr No, ils m’ont demandé de composer un film de Bob Hope appelé Call Me Bwana. À la fin du film, je n’avais toujours pas de contrat avec Harry qui était le principal producteur du film. J’ai dit : « Écoute Harry, j’ai fait tout le travail. Bob et tout le monde en est satisfait. N’est-il pas temps de parler d’argent ? ». Et dans une réponse aussi bonne que celles de Sam Goldwyn, il a dit : « Monty, si tu veux parler d’argent, nous ne pouvons pas faire affaire ! ». Finalement j’ai obtenu mon contrat avec Bob Hope mais je n’ai plus décroché de films Bond après ça !

En 2019, le Daily Mail publie une interview de Norman dans laquelle le compositeur évoque notamment quelques souvenirs du procès de mars 2001 :

[…] Puis il se souvint soudainement de la mélodie de Good Sign, Bad Sign […]. La chanson, avec son tabla et son sitar, évoque des images de papier peint flock et de restaurants indiens, mais comme l’admet Norman, « c’était bien mais trop ethnique, avec cette ambiance indienne. Mais j’ai eu l’idée de diviser les notes et de les mettre sur une guitare. À partir de ce moment, j’étais sûr d’avoir le bon son de James Bond ».

De retour à Londres, Norman s’est rendu compte qu’il avait besoin d’un orchestrateur pour obtenir ce gros son de Bond. « Je savais que j’allais avoir besoin de quelqu’un qui comprenait le son pop de l’époque, et diverses personnes ont suggéré John Barry ».

« J’étais compositeur et j’étais entré dans ce domaine par le chant, donc mon attention était sur la mélodie et je n’avais jamais assez appris sur l’orchestration. J’ai dit à Barry exactement ce que je cherchais. Il est parti et est revenu avec une orchestration fantastique. Il a accéléré le rythme et il y avait évidemment les cuivres, qui faisaient partie des grands groupes ».

Norman admet que ses rencontres avec Barry ont été difficiles : « Ce n’était pas quelqu’un qui riait beaucoup, plutôt un personnage sombre, mais un brillant compositeur, sans aucun doute ».

Même aujourd’hui, Norman a l’air dévasté quand il se souvient de l’article du Sunday Times. « L’impact sur moi a été énorme», dit-il.

Concernant le procès de 2001 : « Le jury n’a pas pu prendre une décision rapide et a dû partir pour le week-end », explique Norman. « Je suis devenu une boule de nerfs. Si nous n’avions pas gagné, j’aurais tout perdu ».

« Barry avait l’air épouvantable, il était furieux pendant le procès. Mon avocat n’a pas aidé quand il a fait le résumé, déclarant qu’il était inutile de prendre tout ce qu’il avait dit au pied de la lettre ».

Barry est décédé en 2011, mais les deux hommes n’ont jamais enterré la hache de guerre. A-t-il des regrets à ce sujet ? « Pas du tout», dit Norman. « Je ne l’aimais pas ».

Norman ajoute : « Je suis très fier et ravi que je sois l’homme qui ait écrit le James Bond Theme ».

De son côté John Barry a apparrament continué de clamer qu’il était lui aussi le véritable auteur du Bond Theme, notamment dans une interview avec Steve Wright à la radio de BBC en 2006 selon cet article de MI6-HQ. Avec une étrange mention à Don Black à laquelle on ne sait pas trop quoi penser :

J’ai donc écrit la chanson avec Don Black, mais nous n’avons pas pu obtenir de crédit à cause de choses légales – [Norman] a avait signé pour faire le film. Je pense que j’ai obtenu 125 £ et je pense que Don a obtenu la même chose. Nous avons enregistré le premier Bond thème et Lionel Bart est allé voir le film et il a dit « Eh ! Monty Norman n’a jamais écrit ça ! » et j’ai dit « il a signé pour faire le film, je suis arrivé dedans à la dernière minute », je sais qu’il ne l’a jamais écrit mais j’ai dit « s’ils continuent, si c’est un succès, alors je ferai le reste des films ».


Pour conclure, Warren Ringham a lu les rapports originaux de Peter Greenhill et en a discuté longuement dans l’épisode James Bond Theme du podcast The Music of Bond #2 de James Bond Radio. Ringham est un musicien professionnel qui joue dans un groupe hommage de grande qualité, Q The Music Show, il apporte donc beaucoup et a une capacité à illustrer musicalement ce qu’il se passe dans ce récit ; cela aide énormément à comprendre les parties de la chanson « James Bond Theme » déconstruite. Si vous êtes anglophone, on vous recommande fortement de l’écouter :


Sources et ressources : le rapport que Peter Greenhill avait partagé sur le The John Barry Discussion Group de Yahoo et qui a été reproduit sur le site de James Ollinger (et sa version 2001) ; l’article du Sunday Times qui a mis le feu aux poudres ; le livre The Music of James Bond de Jon Burlingame ; le site de Monty Norman ; James Bond Radio ; Court row over James Bond tune du Daily Mail ; Composer sues over Bond thème ‘slur’ de BBC News ; Bond theme writer wins damages de BBC News ; Composers in court battle over who gave Bond his licence to trill du Telegraph ; Discord in court over Bond thème du Guardian ; Composer Monty Norman speaks to Event about his battle with John Barry over the 007 theme tune du Daily Mail ; ‘Nonentity’ behind Bond theme tests his reputation in court du Times ; £30,000 damages for composer of 007 thème tune du Telegraph ; avec des remerciements à Jack Yan et Andrew Carslaw.

Clement Feutry

Fan passionné de l'univers littéraire, cinématographique et vidéoludique de notre agent secret préféré, Clément a traduit intégralement en français le roman The Killing Zone et vous amène vers d'autres aventures méconnues de James Bond...

2 commentaires

  • Mon avis dans tout ce bordel c’est qu’ils sont tous deux auteurs du thème de Bond. Monty Norman pour le riff de guitare et John Barry pour la partie orchestrale. Intéressant en tout cas cet article. Merci de l’avoir mis en ligne

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