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With A Mind to Kill : la critique du nouveau roman de James Bond

Quand il en vient à Anthony Horowitz et James Bond, il y a pour moi un premier roman que je n’ai vraiment pas aimé (Déclic mortel / Trigger Mortis), et un second (Forever and a Day) que j’ai vraiment vraiment aimé. Avec un troisième roman, With A Mind to Kill, qui doit sortir demain (USA) et le 26 mai (UK), c’est l’occasion de déterminer de quel côté la balance penche pour l’ère Horowitz en ce qu’il me concerne…

Mais avant même de parler du contenu de cette nouvelle aventure de Bond, j’aimerais m’attarder un peu sur le livre en tant qu’objet. Vous savez à quel point je hais ces saloperies de couvertures volantes plus communément appelées « dust jacket » ? Eh bien à ma bonne surprise With A Mind to Kill n’en possède pas : la couverture est cartonnée et est directement celle du livre (comme ce devrait toujours être le cas). Après peut-être est-ce propre à l’édition spéciale que je possède ? En effet j’ai eu la chance de recevoir de la part de Vintage Books / Jonathan Cape un exemplaire uncorrected proof le mois dernier qui me permet de publier ma critique avant sa sortie en même temps qu’une partie de la presse (merci à eux). (Edit : il semble que ce soit effectivement propre à cette édition et que celles commercialisés sont avec dust jacket).

Passons maintenant au contenu même du livre. De quoi ça parle ?

L’agence de contre-espionnage soviétique SMERSH est peut-être vaincue, mais une nouvelle organisation, Stalnaya Ruska, renaît de ses cendres. Depuis Moscou, le groupe prépare une action qui déstabilisera les relations entre l’Est et l’Ouest.
De retour de sa rencontre avec Scaramanga en Jamaïque, 007 a maintenant une nouvelle mission : découvrir ce que Stalnaya Ruska prévoit et empêcher que cela se produise. Pour réussir, Bond devra faire croire aux Russes qu’il a tué et M et voyager derrière le rideau de fer.
Dans une mission où un faux mouvement signifie la mort, Bond va devoir convaincre qu’il a toujours le cerveau lavé et maintenir sa couverture, y compris auprès d’une analyste psychiatrique soviétique qui cache aussi ses propres secrets (et qui n’est pas nommé Sonya Dragunova contrairement à ce qui avait été annoncé)…

Avec With A Mind to Kill, Anthony Horowitz nous fait voyager, non seulement dans la Russie soviétique avec son ambiance morne, mais aussi dans les années ’60. En effet l’une des grande force du roman est qu’il est parsemé d’objets et lieux d’époque (exemple : l’IBM Selectric) qui nous donnent envie d’ouvrir Google pour en apprendre plus sur ceux-ci. D’ailleurs le roman s’ouvre ainsi :

    Dans la mort, comme dans la vie, la marine ne laisse rien au hasard.
    Le Royal Navy Ceremonial and Drill, une publication d'aspect terne imprimée pour la première fois en 1834, ne consacre pas moins de onze pages aux funérailles avec absolument tout, du transport du corps au peloton de tir en passant par la manière de jouer The Last Post établie en mots soigneusement mesurés. Ainsi, par exemple, « le cercueil sera toujours porté les pieds devant ». L'Union Jack « doit être placé sur le cercueil comme si le quadrant supérieur gauche était sur l'épaule gauche du défunt ». Les honneurs funéraires peuvent être rendus à tout officier ou gradé en service actif au moment de son décès, bien que des dispenses spéciales puissent être accordées « à condition que le cimetière se trouve à une distance raisonnable et qu'aucune dépense publique ne soit engagée au-delà de la valeur des munitions à blanc requises ».
    À onze heures précises, lors d'un jour de printemps parfaitement anglais, trois voitures ont émergé de l'arche centrale du tentaculaire Royal Hospital Haslar à Gosport et ont avancé doucement vers le cimetière avec ses longues rangées de pierres tombales blanches aux garde-à-vous, le témoignage silencieux de deux guerres mondiales. L'hôpital, construit au 18éme siècle, fut autrefois le plus grand bâtiment en briques d'Europe. Au moment du débarquement de Normandie, il avait opéré la première banque de sang du pays. Au fil des ans il avait eu le droit à plus que sa part de morts avec tant de cortèges funéraux que la route devant l'hôpital était connue sous le nom de Dead Man's Mile (le kilomètre de l'homme mort).
    Les voitures étaient noires et brillamment polies, brillantes au soleil : un corbillard Daimler flanqué de deux limousines. Elles se sont arrêtées au bord du cimetière et les porteurs - deux adjudants et deux sous-officiers supérieurs (comme indiqué au paragraphe J/9513 de Ceremonial and Drill) - se sont occupés du cercueil qui était drapé de son drapeau de l'Union correctement placé.
    La mort de l'amiral Sir Miles Messervy, connu de certains sous le nom de « M », avait été annoncée à un monde largement désintéressé quelques jours auparavant. Le manque d'attention était loin d'être inattendu. Seules quarante ou cinquante personnes - dont la plupart étaient présentes dans le cimetière - auraient pu identifier le chef des services secrets britanniques, et même elles, ou très peu d'entre elles, n'avaient jamais connu son vrai nom ou la nature exacte de son travail. Sa carrière avait été esquissée dans la courte nécrologie parue dans la presse. Formé au Nautical College, Pangbourne, puis au HMS Britannia, Dartmouth. Service dans les Dardanelles, commandant du cuirassé HMS Renown, directeur du renseignement naval puis de l'ascension inexorable... Contre-amiral, vice-amiral, amiral. Compagnon de l'Ordre du Bain et, pour faire bonne mesure, chevalier de la Légion d'honneur. Il avait refusé le poste de Fourth Sea Lord en expliquant, selon le Times, qu'« il y avait d'autres domaines dans lesquels il estimait qu'il pourrait être plus utile à son pays ». Les services secrets n'étaient pas mentionnés dans la nécrologie. Ni le fait qu'il ait été assassiné. Il était seulement déclaré qu'il était mort subitement et de manière inattendue alors qu'il était au sommet de son art. Le Premier ministre et First Sea Lord avaient tous deux rendu hommage à sa longue et exemplaire carrière.
    Aucun des deux hommes n'avait fait le voyage jusqu'à Gosport, même s'ils avaient tous deux envoyé des représentants. Un enterrement, en particulier ceux militaires, a une façon de donner à chaque participant le même aspect et la foule de personnes en deuil qui s'étaient rassemblées dans le cimetière était banale, la plupart avec des cheveux gris clairsemés, des costumes sombres, des chemises blanches et des cravates noires, debout en silence, dispersé sur le tapis vert.
    Il n'y avait que deux femmes. L'une était la veuve de Sir Miles Messervy, Lady Frances Messervy. Elle se tenait immobile, soutenue par un jeune homme qui n'était pas son fils. Les deux avaient perdu leur unique fils pendant la guerre. Son visage était caché derrière un voile. L'autre, qui l'avait peut-être mieux connu que quiconque et qui avait certainement passé le plus de temps en sa compagnie, était sa secrétaire, Miss Moneypenny. Elle portait une robe sans manches avec une veste taille courte, non pas noire mais bleu nuit. Elle n'avait pas besoin de voile. Son visage ne laissait rien transparaître.

Le Chapitre 1 en entier est trouvable en preview sur Amazon.

Cela étant dit, si le roman commence relativement fort dans ses premiers chapitres, il arrive un moment où il essouffle, notamment avec une longue partie à Moscou où Bond est avec notre James Bond Girl, attendant désespérément lui-même qu’il se passe quelque chose et… nous aussi avec lui par la force des choses ! D’autant que Katya Leonova est loin d’être la plus intéressante des conquêtes féminines de l’ami James, bien qu’elle ait quelques particularités intéressantes : un schéma mainte fois revu fait que ses sentiments envers Bond tournent de manière bien trop prévisible.

En parlant de choses prévisibles… L’objectif et le plan de cette nouvelle organisation manque cruellement de créativité et de percutant, tant il a déjà été vu et revu (y compris dans Bond). Bien qu’on nous le révèle qu’à la fin, cela fait déjà bien longtemps que l’on a deviné l’objectif et on se retrouve à en être déçu de ne pas avoir eu tord ou d’avoir eu un petit plus qui aurait plus apporté du cachet à la chose.

Autre petit point noir au tableau selon moi : la multiplications de références/rappels aux précédents romans de Fleming qui à la longue sont un peu lourdes. Il n’y avait pas besoin de nous rappeler des choses que l’ont sait déjà ou essayer de surfer sur notre nostalgie.

Bien que ces trois derniers paragraphes sonnent peu enthousiastes (j’ai toujours eu plus de difficulté pour exprimer les choses que j’aime plutôt que celles que je n’aime pas), c’est toutefois une aventure de Bond que j’ai aimé dans son ensemble. On y retrouve des personnages des romans Bons baisers de Russie et L’Homme au pistolet d’or, ce qui est relativement sympa, et nous avons l’occasion d’en apprendre plus sur les événements qui ont eu lieu entre les deux derniers romans de Fleming. D’autant que toutes les scènes dans lesquels Horowitz traite la psychologie du cerveau sont un plaisir à lire (et ça se voit qu’il a lu des ouvrages sur le sujet).

Il est également d’intéressant d’avoir placé Bond au cœur de la Russie, le pays qu’il combat basiquement depuis qu’il est agent, et voir ses pensées lorsqu’il le voit de l’intérieur. C’est d’ailleurs un Bond assez introspectif sur lui-même que nous avons dans ce roman.

Il y a un passage dans ce roman, quelque chose que n’attendait de voir dans une aventure de Bond, un choix impossible (que Fleming n’aurait pas renié) auquel 007 est confronté (bien que malheureusement Horowitz ne lui ait pas donné pas la présence d’esprit d’imaginer toutes les hypothèses les plus évidentes).

Dernier point à aborder : la fin du roman qui risque de décevoir, notamment car le livre s’arrête avant de vraiment avoir bouclé tout ce qu’il restait a bouclé, ce qui peut s’avérer frustrant.

En somme With A Mind to Kill est un roman avec de bonnes idées et dans lequel on passe un bon moment, bien qu’il s’essouffle un peu en cours de route lorsque notre Bond fait le touriste. Les méchants sont un peu à la Bons baisers de Russie tandis que la fin manque peut-être d’un caractère plus final. Pas de sensation d’un trop « politiquement correct » comme j’ai plus avoir dans Trigger Mortis. Les description à la Fleming d’objets/lieux nous transportent. Dommage qu’il n’y ait pas à notre connaissance de traduction française de prévue pour ce roman (un résumé de l’intrigue sera publié sur le site du Club dans les prochains jours pour ceux qui auraient du mal à lire l’Anglais).

Clement Feutry

Fan passionné de l'univers littéraire, cinématographique et vidéoludique de notre agent secret préféré, Clément a traduit intégralement en français le roman The Killing Zone et vous amène vers d'autres aventures méconnues de James Bond...

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