Ytterbium
La mission
L’attente interminable du nouveau film a mis en pause ma bondmania pendant un certain temps. Mais avec la sortie, enfin imminente, de Mourir peut attendre, quelle bonne occasion de se replonger dans les quatre aventures de l’ère Craig.
Casino Royale et moi
Novembre 2006. Casino Royale est le premier Bond que j’attends avec autant d’enthousiasme. J’ai visionné la bande annonce en boucle au point de la connaître par cœur. « Bond 21 » est une révélation ! Un nouveau Bond et une aventure qui dépassent mon imagination. C’est le début d’une Bondmania, de centaines d’articles sur mes blogs, et de posts sur les forums. C’est aussi le début de ma cinéphilie et de mon amour pour les films bien faits.
Casino Royale en 2021
Je n’avais pas vu le film depuis plus de trois ans. Pourtant, il n’a presque pas pris une ride. Les téléphones portables antiques font bien sûr sourire, et le vestiaire des personnages et un peu tape à l’œil. Mais pour ce qui est de l’histoire et de la narration, Casino Royale est mené tambour battant.
Pour quiconque ne connaît pas la mythologie « 007 », le pré-générique en noir et blanc peut être désarçonnant. De nos jours, où la narration des films est plus formatée, les chances d’avoir une séance pré-générique si radicale, si expéditive et si violente sont faibles.
Le reste du film est cependant une leçon de scénario. Bien sûr, Casino Royale est assez trépident en casant un maximum de scènes d’action pendant la première heure, avant de prendre un rythme de croisière pour la séquence du Monténégro. Il fallait cependant ça pour établir Daniel Craig comme un James Bond que l’on n’arrête pas, et montrer que 007 est toujours à la hauteur pour ce qui est des cascades. L’enquête de l’agent secret est cependant rondement menée, en cochant tous les passages obligés, depuis le briefing à Londres aux voyages exotiques en passant par la conquête d’un soir rapidement liquidée.
La pièce de résistance
Je suis beaucoup plus impressionné par le temps accordé à développer les personnages : introduction, exposition, dialogues… Le film prend le temps de donner aux personnages le temps de parler et de s’affronter et laisser l’alchimie se développer entre Bond et Vesper. Le film donne aussi le temps aux autres personnages de se mettre en place, et de ne pas être juste au service de Bond et de l’histoire, qu’il s’agisse de Le Chiffre, Mathis ou M. Encore mieux, ces dialogues ne se mettent pas sur la voie de l’intrigue qui continue sans temps morts. Cette façon de développer les personnages semble tellement moins artificielle que les codes établis par la suite dans les Marvel, Mission Impossibles, SPECTRE et autre productions hollywoodiennes en série.
La partie de Poker est bien évidemment la pièce de résistance à laquelle on revient toujours, est celle-ci est toujours aussi efficace. Cependant, ça ne devrait pas faire oublier l’excellence de toutes les autres scènes du film : les courses poursuites du film à Madagascar, Miami et Venise figurent parmi les scènes d’action les plus réussies des derniers James Bond. Elles ne sont sans doute pas aussi mémorables que certains moments de bravoure des autres films, mais en termes de montage, cadrage, décors, mouvement et maquettes, 007 atteint ici la perfection. Tout est lisible et s’enchaîne logiquement, malgré l’inévitable escalade vers les explosions. Les cascades me tiennent encore sur le bord de mon siège et me tirent toujours des exclamations d’admiration.
Bond, Vesper et le Chiffre
Revoir Casino Royale, c’est aussi voir à quel point Daniel Craig est à l’aise dans le rôle. On voit qu’un travail minutieux a été fait pour construire et faire évoluer ce 007 fraîchement promu : Craig s’est emparé du défi pour incarner un Bond sensible, tout en étant physiquement à la perfection pour les demandes physiques des scènes. On oublie maintenant à quel point le « Bond blond » était attendu au tournant par tous les sceptiques. En 2021, dur d’imaginer qu’on ait pu douter une seule seconde de lui, et on comprend mieux pourquoi les derniers films misent tant sur le charisme et l’élégance de Daniel Craig.
En revanche, l’ère Craig s’est très vite enfoncée dans le jeu sur les codes des films 007. Et c’est dommage, car dans ce film, la priorité est mise sur ce Bond à l’égo surdimensionné que rien n’arrête. L’énergie déployée par Craig, et soutenu par la réalisation, électrisent le film davantage que Roger Moore et Pierce Brosnan qui traversaient sereinement les séquences du film.
Quel plaisir aussi de voir Eva Green et Mads Mikkelsen qui ne jouent pas la James Bond Girl ou le méchant du film, mais incarnent vraiment des personnages complexes qui se concentrent sur leur objectif et leur survie. Pas de bavardages inutiles. La vraie réussie de Casino Royale, c’est d’avoir laissé ses acteurs principaux joués des personnages complexe, tandis que la réalisation s’occupaient d’établir les codes de 007 autour d’eux.
All in
Casino Royale est aujourd’hui considéré par tout le monde comme un classique sur lequel on a déjà tout dit. Mais il n’est jamais trop tard pour revenir à ce film, et admirer le travail d’orfèvre effectué sur ce film. Ce film n’a pas juste lancé un nouveau Bond. Il a aussi réalisé un thriller d’action parfaitement mis en scène que peu de James Bond peuvent prétendre atteindre.
Dans un monde reposant aujourd’hui sur les fonds verts, les multiples épisodes et les tentatives constantes de plaire au public sans faire de vagues, Casino Royale reste le film qui ne demande rien à personne, et réintroduit un 007 moderne sans rien laisser au hasard.
Oubliez les Aston Martins : Casino Royale est une Rolls Royce et quel plaisir de reprendre la route avec elle après ces dernières années.
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