James Bond a vécu beaucoup d’aventures littéraires depuis Ian Fleming. Que ce soit sous la plume d’auteurs de romans de continuations comme John Gardner, de romans spin-off comme Steve Cole ou encore d’auteurs de comics comme Jim Lawrence, il nous parait peu envisageable de voir EON Productions ou quelqu’un d’autre adapter ces œuvres à l’écran. L’une des choses qui m’a toujours intrigué depuis que je m’intéresse aux comics, c’est que sur internet il est possible de lire qu’il existe une « adaptation » cinématographique d’un comics de James Bond connue sous le nom de Blücher, une production norvégienne Norsk Film AS réalisé par Oddvar Bull Tuhus en 1988.
Intrigué par ceci, j’ai décidé de mené ma petite enquête avec l’aide d’un de nos plus fidèles lecteurs, Guy Eloi. Alors peut-on vraiment parler d’« adaptation » pour ce cas précis ?
Pour comprendre l’origine de ce film revenons en 1957. Cette année-là, le Daily Express approche Ian Fleming pour adapter ses romans en comics strips (des bandes dessinées diffusées quotidiennement à coup de 3 ou 4 images dans les journaux). Bien que réticent, Fleming accepte et le Daily Express adaptera tous les Bond de l’auteur de 1958 à 1968. À court de Bond écrits par Fleming, le Daily Express obtiendra les droits pour créer ses propres histoires originales de James Bond.
Certaines maisons d’édition étrangères furent intéressées par les comics strip du Daily Express et ont de ce fait acheter les droits pour en publier des traductions, ce fut notamment le cas de France Soir (France), D’artagnan (Argentine) ou encore Burulan (Espagne).
La maison édition Semic, basée à Stockholm (Suède), fut également intéressé et a commencé à publié à partir de 1965 des traductions des strips dans les pays nordiques avec un succès remarquable. Mais Semic voyait plus loin, comme le Daily Express ou Zig Zag (Chili), ils souhaitaient pouvoir créer leurs propres aventures de James Bond en comics. Ainsi, après avoir acquis les droits pour faire une telle chose, Semic a publié de 1982 à 1991 pas moins de 42 aventures originales de l’agent 007 ! Et malheureusement, aujourd’hui encore aucun éditeur à traduit ces comics en anglais ou en français ; en revanche nos amis belges peuvent quant à eux en trouver certaines en néerlandais.
L’un de ces quarante-deux comics se nomme Operation: Blücher, publié en 1984, écrit par Sverre Årnes et illustré par Josep Gual. Le titre fait référence au vrai croiseur Blücher de la Kriegsmarine. Lancé en 1937, le Blücher a été et touché et coulé lors de sa première et dernière mission de combat le 9 avril 1940, dans le fjord d’Oslo (Norvège), le premier jour de l’opération Weserübung (l’invasion de la Norvège par l’Allemagne nazie).
Dans ce comics, des néonazis vivant en Angleterre ont été envoyés en Norvège pour récupérer des documents secrets, ainsi qu’une petite fortune en lingots d’or, qui repose dans l’épave du Blücher. Ces néonazis ont planté une bombe dans l’épave pour dissuader les autorités norvégiennes d’interférer dans leur opération (en effet si la bombe explose, les réserves de carburant du navire créer un désastre écologique dans le fjord). M envoie James Bond sur place pour s’occuper des méchants ; il est capturé, s’échappe et désamorce les bombes après un combat sous-marin. De retour à Londres, il découvre que son grand patron, le ministre de la Défense, a engagé les néonazis car les documents du Blücher auraient plus prouver qu’il était un traître à son pays.
Quatre ans après la sortie du comics, un film intitulé Blücher sort en Norvège, écrit par Sverre Årnes (l’auteur du comics) et en comparant les deux œuvres, on constate en effet quelques ressemblances. Dans le film, un homme d’affaires allemand qui vient signer des accords pétroliers avec les Norvégiens est accusé par certains d’être un ancien nazi. Des documents qui se trouvent dans l’épave du Blücher pourraient confirmer ou infirmer ces accusations. Le héros du film ne s’appelle pas évidemment pas James Bond mais Vidar Vestheim, un plongeur qui avec un de ses collègues va se rendre à bord du Blücher et découvrir ses documents. Toutefois certaines personnes en hauts lieux sont prêtes à tuer pour avoir ce qu’ils semblent avoir trouvé…
Le début du film contient bien des similitudes avec le comics, comme les documents secrets, la police qui ferme les yeux sur les agissements des méchants ou encore le fait que des plongeurs sont accostés par un policier en bateau qui dit finalement que ça ira pour cette fois. Toutefois le reste film n’a presque rien a voir avec le comics, il n’est jamais fait mention d’or, de chantage à la bombe et la fille de l’histoire est totalement différente. Il faut dire que le comics ne fait que 23 pages alors que le film dure 1h30 ; et encore au final seules quelques infimes cases du comics se retrouvent dans le film. Les publicitaires n’ont jamais profité de cette maigre connexion à Bond pour promouvoir le film.
Alors peut-on vraiment parler d’une « adaptation » ? Non, les liens entre les deux œuvres sont trop minces pour que j’ose utiliser un mot si fort…
Le film est sortie en DVD avec des sous-titres anglais. Il est difficile de se procurer un exemplaire en France mais sachez qu’il est trouvable sur YouTube (avec des sous-titres anglais à cette adresse). Autant vous prévenir, c’est loin d’être un chef d’œuvre, l’intrigue m’a paru affreusement difficile à comprendre et le personnage de Vidar Vestheim n’a aucune personnalité. Le comics était à mon sens meilleur que le film.
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