Daniel Craig s’engage aux cotés de l’ONU pour la lutte contre les mines et engins explosifs. Qui aurait pu penser à un engagement plus cohérent avec le rôle d’agent secret incarné par le James Bond en date. 007, l’espion le plus explosif qui a passé 50 ans à dynamité les écrans de cinéma se retrouve de l’autre coté de la caméra pour dénoncer les dégâts de ces engins.
James Bond à l’ONU
Daniel Craig, ambassadeur de l’ONU c’est, niveau symbolique, comme si James Bond passait dans le vrai monde pour le sauver.
Ne nous y trompons pas, les acteurs précédents ont également leurs combats dans la vie réelle : Sean Connery pour les enfants et l’indépendance de l’Écosse, Roger Moore pour l’UNICEF et la lutte contre le foie gras, Tim Dalton pour le théâtre, Georges Lazenby pour défendre ses dividendes et Pierce Brosnan contre la pêche des baleines. Comme beaucoup de personnalités, les acteurs avec une bonne renommée ont l’habitude de trouver une cause à défendre.
Sauf que Bond au service de l’ONU, à la défense de la veuve et de l’orphelin, et qui soudainement nous parle des risques des enfants dans les zones non déminées, ça donne tout de suite une impression d’engagement planétaire. Ce double-rôle symbolique, personne ne s’y trompe puisque que même le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki Moon, fait le parallèle avec la vie de l’espion :
« Comme les spectateurs du monde entier, j’ai retenu mon souffle en regardant M. Craig incarner James Bond, désamorçant des bombes seulement quelques secondes avant qu’elles n’explosent. En tant que 007, M. Craig avait une licence pour tuer. Aujourd’hui, nous lui donnons une licence pour sauver.»
James Bond, défenseur du monde ?
Cet engagement est d’autant plus inhabituel, que malgré 50 ans que 007 sauve le monde de la destruction, ces aventures sont toujours fictives et déconnectées du monde réel : elles nous font oublier les crises et tragédies que l’on voit tous les jours avec l’excitation des aventures. Les méchants, mêmes s’ils font échos à des menaces réelles, sont toujours plus grands que nature, et au final, peu en rapport avec les méchants du monde contemporain.
En de rares occasions, Bond devient vraiment défenseur des grandes causes :
1986 : Bond, la révolution et le trafic : Dans Tuer n’est pas jouer, Bond fait front côte à côte avec deux causes : la lutte des Moudjahidins contre l’occupation russe, et la lutte contre le trafic de drogue. Au lieu de faire exploser un repère, on voit Bond s’engager dans une guérilla en faisant sauter des ponts, et en volatilisant les chargements d’opiums.
C’est un engagement aux cotés des afghans qu’on ne verrait pas aujourd’hui puisque assimilé à du terrorisme. Pourtant, le trafic d’opium reste aujourd’hui plus que déterminant dans l’économie afghane.
2002 : Bond et les mines. Avant même que Daniel Craig ne s’engage pour la lutte contre les engins explosifs, le pré-générique de Meurs un autre jour nous montrait un autre type de déminage, avec Bond faisant exploser des mines lors d’une poursuite en hovercraft. Pourquoi cette séquence nous rapproche du monde réel ? Parce que pour la seconde fois, Bond arrive dans une zone de guerre, où les menaces ne sont pas des lasers mais bien un champs de mine hérité de l’Histoire. Nous sommes dans l’ère Brosnan, donc le contexte est surtout un prétexte pour une course poursuite explosive, mais je me souviens qu’à l’époque, Bond pénétrant dans la pire dictature de son temps, dans le champs de mine bien réel de notre monde, c’était quand même drôlement impressionnant.
2006 : Bond et les banquiers
Désolé ? Désolé ? Pourquoi n’essayez vous pas de faire une phrase avec ça ? « Désolé que Le Chiffre gagne, continue à financer le terrorisme et tue des milliers d’innocents ? »
Oh, James ! Depuis quand prends tu autant de recul sur ta mission ? D’habitude, la façon dont tu mènes tes missions, c’est avant tout une suite de péripéties. Voila que tout d’un coup, tu te rends compte de l’impact de ton métier ?
Bon, Vesper a tôt fait de lui rappeler que ce n’est que du baratin, et qu’il s’agit surtout d’une question d’égo pour le nouvel agent secret. Il n’empêche que Casino Royale nous amène brièvement pour la première fois dans des deals militaires, entourés d’enfant soldats. Tout de suite, le monde de Bond semble plus réel.
2008 et la soif :
Quand Bond découvre un écroulement à la dynamite, et un barrage dissimulé au fin fond de la Bolivie, il n’a pas l’air d’en avoir grand chose à faire, tout tourné qu’il est vers sa vendetta. Pourtant, le film enchaîne sur une scène surréaliste pour un James Bond, où 007 et sa girl marchent dans le désert en costume de soirée, et passent comme des fantômes à cotés de populations désespérées devant des puits desséchés. C’est la première fois que l’on voit des pauvres à l’écran dans ce monde de luxe que sont les James Bond (si l’on excepte le petit vendeur d’éléphant dans le colonialiste Homme au Pistolet d’or).
Quantum of Solace, sous la patte du réalisateur Marc Forster, coupe donc le rythme de ce film avec des plans sur les populations pauvres de Port au Prince, de Bolivie et de La Paz : du jamais vu dans un James Bond, et ça fonctionne plutôt bien. On sent d’ailleurs que le réalisateur suisse est plus à l’aise avec ces sujets sociaux, qu’avec James Bond.
On pourrait enfin compter Skyfall, qui avec l’explosion du MI6, rappelle les actions de terrorisme et de piratage de plus en plus présentes dans notre monde, mais ce genre d’explosion-sacrifice est à la mode dans tous les films de héros un peu sombre actuels.
C’est de la bombe !
Enfin, profitons de l’engagement de M. Craig contre les engins explosifs pour voir quelle utilisation en sont faits dans les films : bien sûr, nous avons les actions de compte à rebours, où Bond arrête les engins explosifs à quelques secondes prêts. C’est un grand standard des années Connery, Moore et Dalton. Quand il s’agit de Brosnan, on aura plutôt tendance à laisser tout exploser.
Le deuxième type d’explosion sont les actions terroristes de Bond : depuis Goldfinger, Bond est souvent envoyé en commando pour tout faire exploser, depuis les raffineries d’opium et les plantations de hachisch jusqu’aux marchés terroristes et les usines d’armements russes. Bond expert en explosions, cela donne du rythme et de la classe, mais à l’ère du terrorisme international, c’est sans doute quelque chose que l’on va voir de moins en moins.
Le troisième type d’explosion classique est l’explosion du repère du méchant. Dans les années 60 et 70s, on pouvait moins facilement faire exploser des décors qu’avec les fonds verts et effets spéciaux d’aujourd’hui. Les explosions étaient donc gardées pour le bouquet final. De Docteur No, jusqu’à Quantum of Solace et Skyfall, il est intéressant de voir comment à chaque fois, Bond trouve un prétexte et un moyen de tout faire exploser. Et avouons le, malgré que nous soyons habitués aux explosions des blockbusters, quand la Perla de Las Dunas, ou le manoir Skyfall partent en fumée, nous spectateurs, restons efficacement cloués dans nos sièges.
Le Bond de Brosnan et les explosions pour le fun. Les années 1990 sont les plus explosives de toutes. Les 4 films de l’ère Brosnan semblent chercher par tous les moyens, en bons disciples de Michael Bay, à faire exploser tout type de véhicules. Cet abus d’explosion a sans doute contribué à l’atmosphère plus sombre des films des années 2000, où on privilégie les corps à corps, et que les explosions gratuites se font très rares.
Ainsi, les bombes et autres explosifs dans les James Bond sont surtout des feux d’artifice, ou des menaces scénaristiques utiles. L’engagement de Craig à l’ONU, c’est aussi une façon de rappeler que derrière ces feux d’artifices, les bombes dans notre monde n’ont pas grand chose à voir.
Bel engagement Mr. Craig !
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