Et si je vous disais que Ian Fleming avait à l’origine conçu le Dr No comme un méchant de série télévisée ? Pour cela il nous faut parler du producteur américain Henry Morgenthau III (1917-2018). Vers 1955 il se décrira comme étant « actuellement producteur pour le ballet de la ville de New York, l’émission télévisée en couleurs de Noël de la NBC diffusant le ballet Casse-Noisette. J’ai également été producteur de l’émission de Mme Eleanor Roosevelt [Prospects of Mankind] et scénariste pour The Doctor de la NBC ».
En 1955, Morgenthau est approché la Jamaican Industrial Development Corporation (JIDC), un organisme gouvernemental jamaïcain charger de développeur de nouveaux business et industries sur l’île. La JICD approcha Morgenthau dans le but d’y développer une industrie cinématographique.
Henry Morgenthau III à gauche et sa famille (Henry Morgenthau Jr., Henry Morgenthau I et Bob Morgenthau).
Dans la première moitié de l’année 1955, Morgenthau se rend alors Jamaïque. Avec un de ses associés du nom de Martin Stone, ils étudient la possibilité de créer une station de télévision en Jamaïque ; pays qui n’est pour le moment pas desservi par la télévision (et qui ne le sera d’ailleurs pas avant 1963).
En parallèle, l’idée d’une série télévisée filmée et se déroulant en Jamaïque du nom de « Captain Jamaica » et composé d’épisodes de seulement une demi-heure fait aussi son chemin. Pour commencer son développement, Morgenthau se tourne vers le scénariste Halsey Melone qui avait participé avec lui au voyage en Jamaïque.
Pirates et mutins
Début juin 1955, Melone a une idée de base pour la série et un scénario pour le premier épisode.
L’histoire se déroule à la fin du 17e siècle. Le héros est Tom Wilder (qui sera plus tard connu comme « Capitaine Jamaica »), un anglais qui, après la mort de sa mère, se met à la recherche de son père : un marin qui navigue sur le bateau d’un amiral anglais nommé Wilfried Hawkins.
Arrivé en Jamaïque, Jamaica apprend que son père est mort, tué par ou sous les ordres de Hawkins, qui a décidé de trahir la couronne pour devenir un boucanier : un pirate. Le père de Jamaica avait fomenté une mutinerie pour stopper les exactions de Hawkins, ce qui lui a valu la mort, et les mutins qui ont survécu vivent maintenant cachés sur des îles proches, survivant grâce à quelques raides sur la Jamaïque et combattant Hawkins quand ils en ont l’occasion (le scénariste s’est inspiré des « nègres marrons de Jamaïque », ces esclaves qui se cachaient dans les collines pour porter des coups aux collons anglais).
Ne pouvant compter sur l’aide des autorités jamaïcaines qui, corrompues par Hawkins, essayent de le tuer ; Jamaica devient le leader des mutins exilé après que ces derniers le sauvent une première fois des autorités.
Ensemble, Jamaica et les mutins essayent de venger le père de Jamaica en s’en prenant à Hawkins ; tout en devant constamment échapper aux autorités et aux hommes de Hawkins à leurs recherches.
Deuxième tentative
Fin août, le concept d’une série se déroulant au temps des pirates est abandonné : Morgenthau et Stone veulent une série contemporaine et dont le public cible serait davantage les enfants que les adultes (« l’une des grandes raisons à cela est que la réputation de Martin Stone dans le domaine des programmes pour enfants qui serait extrêmement précieuse pour obtenir un soutien financier à ce stade de l’entreprise », explique Morgenthau).
Pour ce faire, Melone propose plusieurs idées, à commencer par le titre et le nom du personnage, qu’il propose de changer en « Commander Jamaica », dans la mesure où il existe déjà nombre de séries, films et comics dont le héros est affublé d’un grade de capitaine.
Melone écrit que la direction qu’il veut prendre est « contemporaine, et elle est conçu pour raconter une série d’aventures romantiques, émouvantes mais tout à fait crédibles, remplies d’autant d’action, de conflit et d’excitation que possible, avec du suspense là où l’intrigue s’y prête, et de l’humour lorsqu’il peut s’insérer aisément ».
Il voit le héros (qui n’est plus nommé Tom Wilder) comme quelqu’un d’environ 37 ans, « physiquement fort et attrayant, débrouillard et qui sait garder son sang-froid, et bien sûr très courageux ». Il s’agirait d’un ancien officier de la marine américaine qui fut aussi par un temps professeur de géologie. Il travaille pour une société américaine qui cherche des opportunités d’exploitation minière ou pétrolière sur la Jamaïque et ses alentours marins ; il l’explore l’île à ce titre.
L’une des particularités qui lui donnent un côté original et qui satisfait le côté série pour enfants, c’est que Commander Jamaica est aussi père (et un très bon père) de deux enfants. Un garçon d’environ 14 ans et une fille d’environ 12 ans partagent beaucoup de ses aventures et ont également leurs propres aventures.
Jamaica et ses enfants vivent sur un bateau à voile qui n’est pas le sien, mais loué à un Jamaïcain de couleur nommé Ackey. Celui-ci et sa femme sont des amis de Jamaica et Ackey a plein de cousins sur lesquels lui et Jamaica vont irrémédiablement tomber au cours de leurs aventures, dans un comique de répétition au cours des épisodes. Le personnage d’Ackey est aussi là pour que la série ait entre guillemets son quota de noirs, selon le scénariste.
Alors que Melone se met à écrire quelque chose basé sur ces idées, Morgenthau et Stone continues leur étude visant à créer une station de télévision. Ils envisagent d’ailleurs de cela comme la première étape d’un projet plus vaste visant à créer d’autres stations de télévisions anglaises, au Venezuela et dans les Bermudes. En parallèle, ils envisagent également de créer une usine d’électronique en Jamaïque pour assembler des téléviseurs pour la population qui en aura besoin et pour l’export à l’étranger. (Également brièvement envisagé : une autre série télé qui se déroulerait dans un hôtel jamaïcain).
Adventure Harbor
Vers février 1956, Melone présente ses nouvelles idées pour « Adventure Harbor » : le nouveau nom qu’il souhaite donner à la série.
Commander Jamaica est un héros qu’il veut « inhabituel », banal , « un être humain identifiable placé dans des situations humaines ». Celui-ci a servi dans l’US Navy pendant la Seconde Guerre mondiale, dans un détachement stationné en Jamaïque. Il y a a atteint le grade de commander, devenant responsable d’une garnison construisant et entretenant des installations météo et de sécurité. Il s’est pris d’une profonde affection pour l’île.
L’un des autres personnages clés est Barry O’Daniel, le directeur du port fictif « Adventure Harbor » qui sera filmé dans un composite de lieux en Jamaïque et situé non loin de la ville fictive « Jamaican Town ». O’Daniel demande parfois de l’aide au commander pour ce qui se passe au port, lui envoie des gens qui ont besoin d’aide, engageant ainsi les aventures de notre héros. (O’Daniel était la liaison entre les Américains et les Anglais en Jamaïque durant la guerre et est décrit comme handicapé, suite à une blessure de guerre).
Commander Jamaica, veuf depuis environ 5 ans, a toujours des enfants dans cette version, nommés Larry et Marianne. La goélette du commander est nommée le « Silver Sails » et le héros a aussi d’autres bateaux (dont un à usages de ses enfants) et une petite maison peu utilisée. Contrairement à avant, il ne travaille plus pour une sorte de société minière, mais est un chasseur de trésors, à le cherche de ceux cachés dans des cavernes secrètes en bord de mer ou dans des épaves de navires coulés.
Ackey n’est plus le propriétaire du bateau mais un membre de l’équipage et un très bon ami de Jamaica. Il a une femme, Roberta, qui s’occupe notamment des enfants de Jamaica.
Melone a également écrit un synopsis pour un épisode pilote qui commence avec Ackey sur la goélette amarrée à Adventure Harbor et qui demande à Commander Jamaica s’il va prendre la mer. Jamaica lui répond que oui et il a une séquence de générique. Après cela le commander va voir O’Neil pour lui dire qu’il va mettre les voiles en direction d’un trésor. Toutefois lorsqu’il arrive au bureau du directeur du port, il voit deux hommes en train d’agresser celui-ci. Jamaica intervient et n’étant pas de taille contre lui, les deux agresseurs décampent.
O’Neil explique que les hommes étaient là pour lui mettre la pression afin qu’il retarde le départ d’un bateau de fruits. Les bananes appartiennent à un certain DiLuca qui est au bord de la faillite : si la cargaison ne part pas aux États-Unis avant qu’elle ne soit bloquée par la prochaine tempête qui se prépare, DiLuca perdra probablement son affaire.
Jamaica et O’Neil connaissaient DiLuca et se rendent en voiture à sa plantation située à l’autre bout de l’île. DiLuca confirme ses problèmes financiers et explique que ses camions de bananes arriveront au port demain pour l’expédition en bateau vers les États-Unis.
Le lendemain, Jamaica, O’Neil et DiLuca observent le chargement au port. Les deux méchants décident qu’il est temps de tenter quelque chose : ils mettent le feu au quai de chargement. Jamaica parvient à éteindre le (petit) incendie, se met à la poursuite des deux hommes, les maîtrise et les remet à la police.
Alors que les bananes sont désormais toutes chargées, Ackey et les enfants arrivent au quai avec la goélette. L’épisode se termine avec Jamaica qui promet à ses enfants que demain, cette fois ce sera la bonne pour le trésor.
Quand Jamaica devient un espion
Puis survient un nouveau changement de direction pour le projet : le 9 avril 1956, Morgenthau envoi un mémo à Stone dans lequel il est désormais envisagé que Jamaica soit un espion et à nouveau « capitaine » !
Le nouveau titre proposé est « Captain Jamaica of the CIC », avec CIC désignant le Counter Intelligence Corps : le service de renseignement de l’armée américaine. Selon Morgenthau, l’armée américaine a assuré un haut degré de coopération à la série tant qu’elle apparaît sous son meilleur jour dans celle-ci.
Le document nous dit que notre espion a 35 ans et qu’il était dans les Caraïbes durant la Guerre pour contrecarrer une tentative des Allemands de lancer une invasion sur les États-Unis. Depuis il est un peu une légende sur l’île, bien que la plupart des gens le croient mort suite à un crash d’avion survenu à la fin de la guerre.
« Pour dissimuler son identité, il se fait désormais passer pour un excentrique débonnaire vivant sur un cabin cruiser1 [nommé The Silver Seas] à la recherche constante de trésors de pirates enfouis. En réalité, il utilise le bateau comme quartier général flottant pour communiquer avec ses supérieurs ». Jamaica est du genre à « pouvoir piloter des bateaux ou des avions et utiliser tous types d’appareils de communication. Ancienne star de football américain de West Point, il possède de grandes compétences physiques. Il peut nager sous l’eau comme un homme-grenouille et, dans les situations difficiles, il excelle au pistolet ou dans les arts du judo ». Il est également un maître dans l’art du déguisement qu’il utilise souvent.
La mission du capitaine « est de tenir l’armée informée de toutes les activités et développements » d’ennemies potentiels (il est dit que la Jamaïque peut aussi doubler certains pays d’Amérique du Sud/Centrale ou d’Afrique à l’écran).
Les enfants de Jamaica et le personnage de O’Neil ont été complètement retirés du concept, seul Ackey reste mais a également changé. « Ackey » Montego est désormais un jeune jamaïcain qui est un compagnon de Jamaica, une des rares personnes à connaître son identité. Il l’assiste et l’idée qu’il a des cousins partout a été conservée dans cette itération.
Le premier épisode devrait être en couleur, mais pour le reste c’est incertain.
Un certain George Justin est désigné comme producteur délégué. Morgenthau écrit qu’il aimeraient Sidney Lumet comme réalisateur et avoir Douglas Watson pour jouer le commander Jamaica et Mario Alcalde pour jouer Ackey.
Douglas Watson et Mario Alcalde.
« Le plus grand nombre possible de rôles secondaires seront interprétés par des résidents jamaïcains ayant ou n’ayant pas d’expérience d’acteur préalable », imagine-t-on, avec parfois des acteurs professionnels américains et anglais débauchés durant leurs vacances en Jamaïque espère-t-on.
La série et son pilote devraient être écrits par Halsey Melone et un autre scénariste du nom de Henry Misrock.
Le mémo envisage également un film pour accompagner la série, ainsi que des produits dérivés tels que des jouets et des bandes dessinées.
Un nouveau mémo (date et auteur inconnu) réinstalle Jamaica en tant que « commander », et cette fois il serait membre de la CIA ou des services secrets britanniques.
Entre Fleming
En juillet 1956, Henry Morgenthau entre en contact avec Ian Fleming via une amie commune (Jeanne Campbell). Il n’est pas difficile de voir pourquoi : après tout Fleming était un auteur de romans d’espionnage et résidait une partie de l’année en Jamaïque.
Morgenthau transmet le mémo contenant les idées de base sur Commander Jamaica et écrit à Fleming qu’il aimerait qu’il lui fournisse un scénario et des idées pour le film pilote ainsi que des choses similaires pour la série.
Pour ce faire Fleming devra à un moment travailler en collaboration avec un scénariste, explique Morgenthau, mais pas Halsey Melone car celui-ci n’est plus disponible dans la mesure où il travaille actuellement sur une production hollywoodienne pour un autre producteur.
Morgenthau explique aussi qu’à l’exception des deux acteurs principaux, le casting sera local et que tout sera filmé sur place, dans de vrais lieux, y compris pour les intérieurs (aucun décor ne sera construit en studio).
La lettre de réponse de Fleming arrive quelques jours plus tard, le romancier dit qu’il n’est pas fermé à l’idée d’accepter, mais pas totalement ouvert non plus. L’une des raisons à cela est qu’il « passe deux mois en Jamaïque chaque année, du 15 janvier au 15 mars environ » et qu’il écrit ses romans qui « rapportent une somme considérable » à cette période. « Je ne peux pas écrire les livres à un autre moment étant donné que mon emploi principal est au Sunday Times et je n’ai tout simplement pas le temps, ni la paix, nécessaire pour travailler sur un livre en Angleterre ».
C’est donc compliqué, bien que son affection pour la Jamaïque et l’aspect d’une production éloignée de celles de l’industrie cinématographique habituelle, l’attire tout de même. À ce propos Fleming pointe à Morgenthau une évidence sur son espoir d’engager des acteurs en vacances : « ces gens viennent en Jamaïque pour des vacances, pas pour travailler ».
Concernant l’histoire, Fleming n’est pas fan du titre ; il préférerait par exemple Commander X (avec X pour « Xaymaca », mot qui est à l’origine de l’étymologie du nom Jamaïque).
Il relève qu’il n’y a aucune femme de mentionnée dans le mémo qu’il a reçu, mais qu’il serait facile d’en imaginer pour être « capturées, sauvées, torturées ». Un vilain serait aussi le bienvenu.
James Gunn vs Dr No
Fleming et Morgenthau se rencontrent peu après en personne à New York. De toute évidence Fleming a finalement accepté de travailler sur la série puisque le 27 août 1956 il envoie à Morgenthau deux documents.
Le premier document fait 9 pages est s’intitule « trame pour une série télévisée » du nom de « James Gunn — Secret Agent ».
Le document nous explique que l’histoire de la série « est un affrontement de force et d’ingéniosité entre un agent secret américain, le commander James Gunn, et un espion international à son propre compte d’origine chinoise/allemande : le Dr No » !
Près de la Jamaïque, sur les îles Turques-et-Caïques, se trouve une installation anglo-américaine d’essais de missiles, selon le document. Ces missiles sont équipés d’une petite charge pour qu’ils puissent s’autodétruire au-dessus d’une zone d’eaux profondes une fois leur vol terminé ; histoire que des puissances étrangères ne puisse mettre la main sur leurs composants et leurs secrets technologiques. Toutefois le Dr No, à l’aide d’interférences électroniques, empêche l’autodestruction et dévie la trajectoire de ces missiles afin de les récupérer pour vraisemblablement les revendre à des puissances étrangères. À ce propos, No est souvent en contact radio avec un intermédiaire situé en Europe qui cherche à revendre les prototypes de missiles à ces pays non nommés.
Le service de sécurité de la base de missiles pense que les interférences proviennent de la Jamaïque et un des membres de ce service, le commander James Gunn, est envoyé sur l’île pour enquêter. Pour ce faire Gunn est doté d’un navire du genre patrouilleur des gardes-côtes, équipé d’un équipement de communication mais aussi d’armes comme un canon Bofors. Sa couverture est celle d’un chasseur de trésor, à la recherche de l’or du pirate Henry Morgan. De même, le gouverneur lui détache un membre de la police jamaïcaine du CID (Criminal Investigation Department) pour l’assister : Joe (et non plus Ackey) Montego. À terre, Gunn dispose aussi d’une voiture de sport anglaise, peut-être une MG.
Gunn découvre que l’endroit le plus suspect de l’île est peuplé de gens « à moitiés chinois et à moitié négros » employés par le Dr No. Ils cherchent à éloigner les touristes et les curieux de la base du Dr qui s’avère être une ancienne grande cave autrefois utilisés par les pirates. Une des sorties de cette cave est sous-marine et c’est ici qu’est amarré (si le budget le permet) le sous-marin en forme de soucoupe volante dans lequel le Dr No vie, tel un capitaine Nemo dans son Nautilus (Fleming fait lui-même la comparaison avec Jules Verne).
Le Dr No a aussi un homme de main appelé The Rattler2 (surnommé ainsi car il agite constamment deux pièces dans sa main) qui mène parfois des campagnes de terreur comme des incendies de champs de canes à sucre et des démonstrations de magie noire (incluant une réplique de la Rolling Calf : un monstre nocturne du folklore jamaïcain, souvent décrit comme une sorte de taureau fantomatique aux yeux de feu, traînant des chaînes de fer). Dans le roman, ce sera un dragon.
Le Dr No, décrit comme « immensément gros », a aussi une compagne à moitié chinoise nommée Pearl et qui est une nageuse sous-marine d’exception. Dans le cas où il serait désirable d’inclure un peu d’amour dans la série, Pearl pourrait s’avérer être une esclave non consentante du Dr No. Sinon une touriste (que Fleming nomme Storm) pourrait faire office d’intérêt romantique auprès de Gunn.
Fleming recommande de filmer principalement à Oracabessa et ses alentours, et d’utiliser le calypso « Mary Ann » (Marianne) comme musique signature. C’est celui que Honey chantera dans le roman, référé en temps que « Marion ».
Le script du pilote
Le second document que Fleming envoie avec le précédent est un script de 28 pages pour l’épisode 1. Celui commence par un plan de Morgan’s Harbor au crépuscule, un « yacht » est en train d’approcher. Joe Montego sort d’une taverne (dans lequel un groupe de musicien joue Marianne) et prend un bateau pour aller à la rencontre du yacht du commander Gunn. Fleming décrit notre héros comme habillé de blanc, avec une ceinture noire à boucle en laiton et une casquette de capitaine cabossée.
Gunn allume un cigare Cheroot et demande à Montego si les habitants sont habitués à sa présence. Oui répond Joe, ils croient en sa couverture de chasseur de trésor mais il pourrait être bon d’aller à leur rencontre et leur payer quelque verre afin de ne pas paraître si mystérieux.
Ça fait maintenant une semaine que les fauteurs de troubles asiatiques-noirs de la mine de bauxite ne se sont pas montrés, ajoute également Montego.
Gunn entre dans sa salle radio secrète cachée derrière une bibliothèque et fait son rapport à un amiral de la base des îles Turques-et-Caïques. (Ignorant que les deux sont liés) l’amiral l’enjoint de ne pas se focaliser sur le gang de fauteurs de troubles local mais à se concentrer sur sa mission, c’est à dire découvrir qui intercepte les missiles expérimentaux.
Gunn décide de se montrer aux habitants et qu’il a lui-même besoin d’un verre, donc lui et Montego vont à la taverne. Alors qu’ils jouent aux fléchettes, le Rattler et deux autres membres du gang entrent dans le bar. Soudain un couteau lancé par le Rattler atterrit en plein centre de la cible. Il y a un moment de tension alors que Gunn et Montego regardent le Rattler et ses hommes, tension qui s’estompe lorsque les hommes de No décident quitter la taverne. Lorsque Gunn retire le couteau il lit dessus « sort dehors, le yankee ».
Fleming inclut un peu d’humour avec Gunn disant « je suppose que je vais aller voir si nos espèces d’amis ont une cuillère et une fourchette pour aller avec. On est un peu à court de coutellerie sur le navire ».
Gunn sort et est attaqué par le Rattler ; il y a un combat au corps à corps à l’extérieur de la taverne pendant qu’une foule se rassemble pour observer. Vu que la police arrive, les hommes de No décampent.
Gunn retourne sur son yacht dormir vu qu’il est tard pendant que Montego se rend à une station essence chercher du carburant. Pas de chance pour lui, le Rattler est en train de faire le plein de sa voiture à cette station. Ils assomment Montego, intimident le garagiste témoin de la scène et embarquent Montego dans la voiture.
Au matin, Gunn constate que Montego n’est pas là. Il se rend à la station essence avec sa MG, tombe sur le garagiste et lui demande ce qui est arrivé à Montego. Vu que le garagiste ne parle pas, Gunn le menace avec son revolver et le garagiste finit par lui raconter que Montego a été enlevé par le gang de la mine de bauxite.
À ladite mine, le Rattler est en train de battre Montego pour qu’il révèle la véritable identité de Gunn sur lequel ils ont des soupçons. Il ne parle pas et ils finissent par placer Montego inconscient sur une sorte de long convoyeur de godets suspendu qui mène à un broyeur.
Gunn arrive en trombe au volant de sa MG, tire, parvient à blesser un des hommes pendant que les deux autres s’enfuient. Du blessé, Gunn apprend que Montego est sur le convoyeur. Gunn se remet au volant de la MG et il y a une course contre le temps alors qu’il essaye de rattraper le godet à temps. Il finit par le dépasser, grimpe sur un pylône, saute dans le godet et en resaute avec Montego inconscient juste avant l’arrivée au broyeur.
L’épisode de trente minutes se termine alors que Gunn dit à Montego que l’amiral a fait une erreur en lui demandant de ne pas se focaliser sur le gang ; celui-ci lui semble impliqué. Ils remontent dans la MG où l’ont peut entendre la musique Marianne à la radio, fin.
Clap de fin
Début octobre 1956, Morgenthau écrit à la William Morris Agency, disant qu’il a sélectionné Ian Fleming, qu’il décrit comme « un genre de Mickey Spillane britannique », pour la série. Il envoie ce que Fleming à écrit la William Morris en demandant ce qu’ils en pensent en terme de viabilité commerciale. Celle-ci répond penser qu’il y a à première vue « beaucoup de problèmes, tant avec le plan [général] et la série telle qu’elle qu’elle est proposée » et dit devoir faire quelques recherches supplémentaires.
Fleming n’obtiendra de réponse de Morgenthau que le 3 décembre 1956 pour les documents qu’il avait envoyés fin août.
« Je tiens à m’excuser sincèrement de ne pas avoir communiqué directement avec vous plus tôt. En réalité, j’espérais dans le fait d’attendre obtenir enfin des nouvelles encourageantes à vous transmettre. Je crains que ce ne soit pas le cas », annonce Morgenthau dans sa lettre.
Bien qu’il ne pense que du bien du matériel que Fleming a envoyé, Morgenthau explique que « après avoir discuté avec plusieurs responsables de chaînes de télévision, distributeurs et agences de cinéma, nous avons finalement décidé de ne pas tenter de tourner de films [et séries] en Jamaïque ».
Morgenthau évoque des raisons économiques, notamment le fait que les grandes sociétés hollywoodiennes ont massivement rendu disponible leur catalogue de films pour la télé (ce qui a probablement rendu moins attrayant le marché des nouvelles séries).
Ainsi, ce fut la fin pour ce projet de série jamaïcaine. Quant à la station de télévision ? Il semble également que Morgenthau et Stone n’aient pas non plus poursuivi ce projet.
Fleming lui de son côté allait réutiliser quelques idées de James Gunn — Secret Agent pour son prochain roman, Dr No…
1 Bateau de plaisance équipé d’une cabine avec des aménagements pour dormir et cuisiner.
2Rattle est un mot anglais qui évoque une succession rapide de bruits courts.
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