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Fleming : Réflexions dans un double bourbon

Pour marquer le cinquantenaire de la mort de Ian Fleming, nous vous proposons un extrait de Goldfinger résumant parfaitement le style si particulier et jamais égalé de l’auteur britannique. Dans cette scène d’ouverture du roman, on retrouve l’atmosphère d’intrigue du monde de l’espionnage, à travers les pensées noires un brin alcoolisées d’un Bond à la fin d’une mission. Cynisme et méditation sur la vie, aventure mêlées à un temps morts, grande considérations mélangées aux détails matériels… Du pur Fleming pour une nouvelle aventure qui prend son envol quelques pages à peine plus loin. Et si vous préférez la version originale, il vous suffit de cliquer ici.
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James Bond, avec deux doubles bourbons dans le ventre, s’assit dans la dernière salle des départs du Miami Airport, et pensa à la vie et à la mort.

Cela faisait parti de sa profession de tuer. Il n’avait jamais aimé le faire, et quand il devait tuer, il le faisait aussi bien qu’il savait le faire, puis passait à autre chose. En tant qu’agent secret, il détenait le rare préfixe “double-zéro” – le permis de tuer dans le service secret – et c’était son devoir d’être aussi détaché à propos de la mort qu’un chirurgien. Si ça arrivait, ça arrivait. Les regrets ne sont pas professionnels. Pire, ce sont des araignées morbides au plafond de l’âme.

Et pourtant, il y avait quelque chose de curieusement impressionnant dans la mort du mexicain. Ce n’était pas qu’il ne méritait pas de mourir. C’était un homme mauvais. Un homme qu’ils appellent ‘capungo‘ au Mexique. Un capungo est un bandit qui tue pour aussi peu que 40 pesos, ce qui représente environ 25 shillings – même s’il avait probablement été payé plus que ça pour tenter l’assassinat de Bond – et d’après son apparence, il avait été un instrument de souffrance et de misère toute sa vie. Oui, il était certainement temps pour lui de mourir; mais quand Bond l’avait tué, il y a moins de 24h de cela, la vie avait quitté son corps si rapidement et définitivement, que Bond l’avait presque vue s’échapper par sa bouche comme cela arrive, chez les natifs d’Haïti, en prenant la forme d’un oiseau.

Quelle différence extraordinaire il pouvait y avoir entre un corps rempli d’une personne, et un corps qui était vide ! Là il y a quelqu’un, là il n’y a personne. Ça avait été un mexicain avec un nom, une adresse, une licence de travail et peut-être un permis de conduire. Maintenant, quelque chose l’avait quitté, hors de cette enveloppe de chaire et d’habits bons marchés, et l’avait laissé tel un sachet en papier vide, attendant les balayeurs. Et la différence, la chose qui était sortie de ce bandit mexicain puant, était plus grande encore que tout le Mexique.

Bond posa son regard sur l’arme qui l’avait fait. Le coté tranchant de sa main droite était rouge et enflé. Bientôt il y aurait une contusion. Bond l’étira, la malaxant avec sa main gauche. Il avait fait la même chose par intervalle pendant le rapide vol qui l’avait emporté loin de là. C’était un exercice douloureux, mais s’il maintenait la circulation du sang, sa main guérirait plus rapidement. Personne ne pouvait dire quand cette arme serait de nouveau nécessaire. Le cynisme mûrit aux coins de sa bouche.

“National Airlines, ‘la Ligne des Étoiles’ annonce le départ de son vol NA 106 pour La Guardia Field, New York. Les passagers sont priés de se diriger vers la porte numéro sept. Tous à bord s’il vous plait”. Le haut parleur s’éteint avec l’échos de l’interrupteur. Bond jeta un coup d’oeil à sa montre. Au moins encore dix autres minutes avant que le Transamerica ne soit appelé. Il fit signe à la serveuse et commanda un autre double bourbon on the rocks. Quand le verre large et trappu arriva, il fit tourner la liqueur pour que la glace l’adoucisse et en avala la moitié. Il écrasa le bout de sa cigarette et s’assit, son menton se reposant sur sa main gauche, et fixa machinalement la piste scintillante où la dernière moitié du soleil se glissait glorieusement dans le Golfe.

Copyright pour la version originale © Glidrose Productions Ltd 1959

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