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Réalisé par Sam Mendes – les Thèmes

“Le Petit Mendes Illustré” : les thèmes et images de prédilection du réalisateur de Skyfall

Un psychopathe, de la transparence, de l’enfermement, des rapports de famille, des plans de dos… on est bien chez Sam Mendes

C’est souvent qu’un réalisateur, après avoir réalisé des films très personnels et souvent dérangeants est invité à prendre la direction d’une grosse production. C’est arrivé à Marc Forster, Matthew Vaughn, Christopher Nolan, et aujourd’hui à Sam Mendes avec Skyfall. S’ils sont engagés pour leur talent et leur “patte” personnelle en termes de réalisation, la production encadre cependant leur créativité en gardant en main les rênes du scénario, et en imposant à l’ “artiste” un cahier des charge très contraignant. Ainsi, l’arsenal technique et financier auquel accèdent ces réalisateurs est souvent accompagné de contraintes qui les obligent à suivre certains codes, et canaliser leur touche personnelle à l’intérieur de ces balises. Le réalisateur a cependant une marge de manœuvre dans le choix de son équipe technique : ici par exemple, Mendes a amené avec lui son compositeur habituel, Thomas Newman, ainsi qu’entre autres, son collaborateur pour les décors Denis Gassner (qui était déjà présent sur QOS).

La question qui se pose alors est d’une part, si le réalisateur réussit à s’approprier le budget et les moyens techniques mis à sa disposition pour garantir un film de qualité et, par delà la réalisation, si on retrouve la fameuse touche personnelle du réalisateur à travers le traitement d’un produit cinématographique relativement formaté. En ce qui concerne Skyfall, la question de la réalisation semble faire l’unanimité : Mendes nous offre plus de deux heures de grand spectacle flamboyant, loin des cadres imposés par Jason Bourne, exigeant au niveau de la technique et des effets spéciaux, et parfaitement maîtrisé dans son montage (à part, de mon point de vue, en ce qui concerne l’homogénéité du film). Mais Skyfall est-il vraiment dans la lignée des films de Mendes ? Il s’agit de sa 6e réalisation, mais y retrouve-t-on l’approche et le traitement qui faisaient le charme des Noces Rebelles, d’American Beauty ou de Jarhead ?

Si Mendes a parfaitement assimilé les codes de la saga James Bond, ET réussit à faire un film de grande qualité, il a aussi réussit à importer ses thèmes de prédilection, et à les décliner dans l’environnement bondien. Il s’agit parfois de détails anodins, de plans discrets, ou de motifs originaux, mais si l’on revient sur la filmographie de Sam Mendès, on les retrouve dans la construction de ses précédents films, et on découvre alors qu’ils s’agit de bien autre chose que des ressemblances.

Ces éléments sont : l’utilisation de la pluie, le personnage du psychopathe, le motif de la maison. D’un point de vue technique, on retrouvera également l’utilisation abondante de la transparence et des reflets, les plans de dos, ainsi qu’un dénouement du traitement des personnages assez unique.

“Parlez moi de la pluie”

De gauche à droite : American Beauty, Jarhead, les sentiers de la perdition, Skyfall

Les grosses productions sont en générales avares de pluie et d’ombres. Les blockbusters présentent souvent une météo au beau fixe et des nuits remarquablement claires. Chez James Bond, il fait toujours beau (à certaines exceptions, notamment dans les derniers films où la pluie a une fonction bien définie). Skyfall s’éloigne de la norme : Londres est sous une grisaille pluvieuse, du début du film au retour de Bond inclu. Le temps est à l’humidité et les services secrets prennent l’eau de toute part. De même, les scène de nuit en Angleterre sont sombres, et les rues faiblement éclairées lorsque Bond et M quittent la ville. Enfin, le premier assaut sur le manoir Skyfall se fait dans une pénombre assez inhabituelle pour un James Bond, et le final dans les landes écossaises se fait à la lumière des flammes.

Cette utilisation des éléments est très intelligente : elle resserre le cadre de l’action sur les personnages (la froideur des extérieurs isole les personnages, limite l’environnement dans lequel ils évoluent, et les rend plus vulnérables du fait de la visibilité amoindrie). Ce traitement se retrouve dans plusieurs film de Mendes. Se sont d’ailleurs sous la pluie que les règlements de compte se font dans ses précédents films : dans American Beauty, les personnages errent, isolés sous la pluie et se retrouvent enfin dans le cadre de la maison. Dans Jarhead, les personnalités se révèlent sous la pluie de pétrole et les puits enflammés qui éclairent la nuit. Enfin, la construction des Sentiers de la Perdition est intégralement construite autour de la thématique de l’eau, et les moments clés du films se déroulent de nuit, et sous la pluie ou la neige, synonyme de mort.

Cette utilisation de la pluie se retrouve dans Skyfall pour les retrouvailles de Bond et M à Londres : l’environnement menaçant amène les personnages à se retrouver dans l’ombre de la maison de M. Les flammes qui éclairent l’Écosse permettent également de jouer sur les clairs-obscurs, en faisant des personnages des silhouettes qui se pourchassent dans l’obscurité, et se dirigent (ou fuient) la lumière.

La figure du psychopathe

de gauche à droite : Peter Sarsgaard dans Jarhead, Wes Bentley dans American beauty, Jude Law dans les sentiers de la perdition, Michael Shannon dans les Noces Rebelles, Maggy Gyllenhaal dans Away We Go et Javier Bardem dans Skyfall

Les méchants des James Bond sont rarement des personnages normaux. Mégalomanes, ultra-violents, sans respect pour la vue humaine, défigurés… Ils sont cependant pour la plupart froidement manipulateurs. Ce n’est pas le cas de Silva qui est un personnage au sang chaud, sans retenue ni dissimulation, et objectivement fou. Si l’on remonte à la source de sa folie, on y trouve une fascination pour la mort et l’ombre, ainsi qu’une inadaptation aux exigences des services secrets. Cela en fait un personnage dangereux, portant un regard très lucide sur le monde des espions qui se courent les uns après les autres, ainsi qu’une attitude pour le moins peu conformiste en public.

Enlevez son rôle d’antagoniste principal, et vous retrouverez un personnage typique des films de Sam Mendès. Chacun de ses films présente un personnage au premier abord totalement fou, mais qui se révèle souvent moins torturé que les personnages principaux en apparence sain d’esprit. Ces personnages de fous (internés, à la marge, rejetés) sont pourtant un objet de fascination tant pour le public que pour les personnages : ils sont en liberté dans la société, mais ils menacent l’ordre des choses bien établi. Les protagonistes prennent donc soin de ménager ces personnages potentiellement dangereux. Ce n’est que au fur et à mesure, quand les héros explosent sous la pression sociale, que ces fous apparents apparaissent enfin comme des personnages plutôt rationnels, et lucides sur l’action du film.

C’est le cas de Ricky Fitts dans American Beauty : un adolescent au visage de psychopathe, fasciné par la mort et qui filme de façon obsédée ses voisins. Mais au fur et à mesure que les habitants du quartier deviennent fous et s’affrontent les uns les autres, l’adolescent devient le personnage le plus rationnel et sécurisant de l’histoire. On retrouve ce personnage obsédé par l’image et les cadavres dans les Sentiers de la perdition, à travers le tueur à gage incarné par Jude Law. Lancé à la poursuite des héros, ce personnage se fait pourtant oublier au cours de l’aventure, au profit des règlements de compte mafieux. La galerie des fous s’élargit avec LN (jouée par Maggy Gyllenhaal) dans Away We Go : une mère ultra-protectrice qui dépasse les standards de la communauté hippie. Le couple malsain qu’elle forme avec Georges Krasinsky constituera un bon contre-modèle pour les héros à la recherche d’une relation épanouie pour leur enfant.

On a enfin mon personnage préféré, John Givings (premier grand rôle de Michael Shannon) qui malgré son instabilité constitue un personnage repère dans la société de Revolutionnary Road : alors qu’il reste stable et fidèle à ses principes, on voit le couple DiCaprio/Winslet qui évolue et se déchire. Jarhead constitue un cas assez particulier en ce que chaque soldat est un personnage traumatisé. C’est pourtant le plus inacceptable d’entre eux (le personnage de Troy, soldat illégal et trouble avec un casier judiciaire) qui supportera le mieux la pression et saura garder la tête froide le plus longtemps.

Silva est un méchant dans la veine des grands méchants de James Bond, mais il s’inscrit également dans la gamme des fous lucides de Sam Mendes, qui forcent les héros à évoluer et prendre en main leur destin.

“Home” Le motif de la maison

La figure de la maison (de gauche à droite) : American Beauty, Jarhead, Away we go, les noces rebelles, Skyfall, Les sentiers de la Perdition

LE motif essentiel dans les films de Sam Mendes. Selon les histoires, la maison est un soit le cadre de l’histoire, soit l’objectif distant et invisible vers lequel les personnages tendent. La maison de banlieue américaine est le catalyseur des frustrations dans American Beauty et les Noces Rebelles. Les personnages en sont prisonniers comme ils sont prisonniers de leur vie sans relief. Pourtant, au fur et à mesure qu’ils se battent pour rompre la monotonie de leur vie, la maison devient attrayante et un repère rassurant pour les héros en quête de liberté. Dans les autres films de Mendes, les personnages sont toujours en fuite. Leur foyer a été détruit (Les sentiers de la perdition), un déménagement s’impose (Away we go), ou il s’agit d’un lieu qu’on aspire à retrouver (Jarhead).

La maison devient alors le lieu final où se dénoue l’histoire. On a alors toujours ce plan des personnages rentrant dans leur foyer. Lieux clos et calmes, elles ne sont pourtant pas synonymes de fin heureuse : les personnages y trouvent souvent la mort, en croyant pourtant y avoir trouver un refuge. La morale des films invitent souvent à dépasser cette étape : il s’agira d’y élever ses enfants malgré les épreuves (Away we go, les noces rebelles), de trouver un nouveau foyer (les sentiers de la perdition, American Beauty), ou de comprendre que le vrai foyer était la guerre dans le désert (Jarhead).

Avec Skyfall, Mendes savoure le retour de James Bond à ses origines, en l’amenant à contempler les murs épais du manoir isolés dans un environnement hostile. Cependant, comme dans les sentiers de la perdition, il s’agira d’y confronter la mort et savoir se libérer du bâtiment afin de pouvoir passer à autre chose.

Suite de l’article : les motifs visuels dans les films de Sam Mendes.

Jamesbonderies

Commenter

  • Quel délice de lire des articles aussi bien foutus !
    J’ai vu pas mal de films avec Mendes et je n’avais relevé que la pluie et son utilisation abondante des miroirs et reflets. J’étais bien en dessous, il y avait des tas de choses !
    Bravo pour ça et le reste !

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