Les fans de James Bond ont vite été au courant quand la production du 23e James Bond a annoncé que le scénariste Peter Morgan participerait à l’écriture du scénario du prochain film au coté des habituels Neal Purvis et Robert Wade.
Je ne connaissais pas bien les films de cet auteur qui a déjà reçu plusieurs récompenses pour son travail (Golden Globes notamment). J’ai donc cherché à voir certaines des réalisations auxquelles il a participé, et je dois dire que ça m’a plutôt enthousiasmé !
Je n’ai vu que deux des films dont il a été le scénariste : The Queen et Le Dernier Roi d’Écosse. J’ai adoré ces deux histoires de dirigeants de pays. D’une part, la réalisation n’était pas mal du tout, et d’autre part, les acteurs principaux dans ces deux films sont vraiment impressionnants (Helen Mirren en Reine d’Angleterre est vraiment bien dépeinte, et le Tony Blair de Michael Sheen vraiment saisissant et l’interprétation de Forest Whitaker inoubliable).
Outre les différents atouts qui font un bon film, il faut à mon avis remarquer que ces deux exemples (que j’espère représentatif du travail de Peter Morgan) ont une intrigue qui tient à peu de personnages (entre 3 et 5 principaux, auxquels viennent s’ajouter d’autres adjuvants qui ont des rôles vraiment annexes). À l’unité de personnage s’ajoute la densité de l’intrigue de ces deux films : On pourrait croire que de tels éléments embrouilleraient le film et le ralentiraient, mais au contraire, on ne s’y ennuie pas. C’est difficile à dire quand l’on pense que The Queen nous parle pendant deux heures des hésitations d’une famille de vieux s’ils doivent ou non participer aux obsèques de Lady Diana. Idem pour Le Dernier Doi d’Écosse dont l’histoire se résume aux relations entre le dictateur Idi Amin et son docteur, à l’intérieur des palais protégés, loin des différents points du pays qui permettraient de diversifier l’intrigue. Au contraire, le scénario arrive à nous faire nous passionner autour d’intrigues de palais et de discussions politiques.
Est-ce à dire que les scénarios se résument à de la parlotte ? Non bien sûr. Dans les deux films que j’ai eu l’occasion de voir, on a son lot d’action, de paysages, d’entertainment propre au cinéma. Au niveau du suspense, je dois dire qu’on est aussi servi. Le Dernier Roi d’Écosse qui se présente au début comme un film plutôt léger et convivial se termine sur un suspense saisissant et une tension savamment amenée.
La présentation des enjeux politiques est par ailleurs assez fine, car ce n’est qu’au fur et à mesure que l’intrigue se creuse et se tend. On peut prendre l’exemple du personnage principal du film de Kevin Mc Donald, qui veut juste s’amuser en Ouganda, et se retrouve au cœur de décisions politiques, ou du point de départ de celui de Stephen Frears (comment l’enterrement de la Princesse de Galle prend tout d’un coup des propensions politiques assez incroyables). Je n’ai pas encore vu Frost-Nixon, mais j’imagine que le scénario doit être du même acabit ; comment un film tournant autour d’une interview peut-il tenir en haleine le spectateur et être vraiment bien accueilli par la critique, sans un scénario fin, et bien organisé ?
À noter aussi quelque chose que j’apprécie beaucoup dans ces deux films : je ne sais pas s’il faut en remercier Morgan ou non, mais ces long-métrages nous épargnent les chœurs pleurant des paroles pour glorifier l’action des puissants, les clichés des militaires se déchainant aux portes des palais alors que les décisions se prennent ou encore les grandes répliques niaises inhérentes aux films dits historiques. Ici, le cœur de l’intrigue se noue autour de dialogues vraiment prenants, intenses, mais ni surjoués, ni caricaturaux. On peut encore y rajouter un esprit assez British dans la construction du film, que je serais incapable d’expliquer.
Je crois donc qu’on peut espérer du bon(d) pour la prochaine aventure de l’agent 007. Je n’espère pas bien sûr qu’on nous offre un autre The Queen. Cela dit, on est en droit d’espérer une présentation un peu plus poussée des personnages (chose qui manquait cruellement à Quantum of Solace) ainsi qu’un minimum d’originalité dans les ficelles du scénario.
Quand on a une organisation comme Quantum de disponible, il est facile de tomber dans la facilité du cliché, ou de nous représenter des caricatures de mégalomanes. Mais à voir la façon dont Peter Morgan fait parler dans ses films de politique, d’enjeux et de menaces, on peut escompter un minimum de finesse dans la présentation de l’intrigue. C’est en effet crucial dans les James Bond dont le principe est avant tout de proposer une menace à grande échelle, un brin improbable, mais pas impossible que Bond doit affronter, et déjouer.
Un autre enjeu de Bond 23 va être d’étoffer ce qui se passera entre les scènes d’action. Après Quantum of Solace, film survolté, et très complet dans les scènes d’action (sur terre, sur mer, dans les airs, dans les flammes, en voitures, à pied, en bateau, sur les toits…), il va être dur, d’une part de trouver des scènes d’action ne s’en rapprochant pas trop, d’autre part de creuser une intrigue d’espionnage du même niveau que Casino Royale : intense, intelligente et mouvementée dans les dialogues et les relations entre personnages.
Je n’attends donc que de bonnes choses de Peter Morgan, en étant persuadé qu’il saura articuler l’héritage bondien avec une intrigue crédible de premier plan ! L’annonce qu’il a fait que le film présenterait une « shocking story » laisse présager ce qu’il y a de meilleur, avec des rebondissements inattendus dans les aventures de l’espion britannique.
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Ps : voici en tous cas, je pense, un article plus constructif et mieux construit que certaines lettres ouvertes sur lesquelles je m’acharne encore !
Ayant découvert à l’instant le film Frost/Nixon (Peter Morgan qui s’est occupé du scénarioest aussi l’auteur de la pièce origniale), je réaffirme ce que je dis dans cet article ! Quelqu’un capable de rendre palpitant une interviews des années 70s, dont on connait déjà l’issue, et de nous tenir en haleine jusqu’à la fin est vraiment quelqu’un de doué. Évidemment, les acteurs, et la réalisation sont importantes aussi, mais l’histoire doit beaucoup à son scénario (Ron Howard, le réalisateur est d’ailleurs juste bon à mettre en image un scénario)
Toujours est-il qu’avec un scénariste de cette trempe aux commandes, le prochain James Bond pourrait bien s’avérer captivant et donner du suspense, même en dehors des scènes d’actions qui sont le principal atout de l’action des Bond. Des dialogues croustillants sont à prévoir, ce qui fera du bien après les discussions abrégées de Quantum of Solace.