Comme tout Bond fan qui se respecte, il arrive un moment où il faut prendre position par rapport aux deux espions indestructibles que sont Bond et Bourne. Cousins séparés par l’Atlantique, souvent comparés, et concurrents au box-office.
Je procéderai en deux temps. Tout d’abord les rapports et ressemblances entre les deux espions qui font qu’on les associe, ensuite, ce qui les sépare définitivement. Je précise que comme les polémiques qui ont eu lieu comparaient surtout les Jason Bourne avec le reboot de James Bond qu’est CR et Quantum, je me situerai à ce niveau dans mes articles.
Conflits d’identité
D’après tous ce que j’ai pu voir autour de James Bond et Jason Bourne, voici les éléments qui à mon avis concentrent les débats : l’intrigue centrée sur la personnalité du héros, le réalisme et la technologie, les scènes d’actions, et les scènes copiées.
L’espion qui doutait
Si les romans sur Jason Bourne sont antérieurs aux films, ces derniers sont tout à fait représentatifs d’un nouveau genre de héros des films d’actions contemporains. Aujourd’hui, la mode au cinéma est aux personnages torturés, qui affrontent leurs personnalités, en ayant du mal à l’accepter. Évidemment, les héros aux doubles personnalités, ou qui tombent amoureux ne datent pas d’hier. Mais chaque époque accentue une composante des héros : la classe, l’intelligence, l’amour, ou encore les muscles .
Les années 2000 développent le doute chez les héros, en les obligeant à se questionner sur leur nature d’assassin, de sauveur, ou de simple civil. Cette hésitation se transforme même aujourd’hui en moteur de l’intrigue, à l’exemple du dernier Batman. Bien sûr, on observe des situations similaires dans d’autres films antérieur, mais l’accent est plus prononcé dans les films d’espionnages ou de héros de la période actuelle.
Cela pourrait expliquer une part du succès des Jason Bourne, avec ce questionnement sur son identité qui impulse l’intrigue et la motivation du héros. C’est un des premiers à vraiment faire de ce mal-être entre métier et identité le centre de l’intrigue.
Quel rapport avec Bond ?
Le reboot de Casino Royale se fonde en partie sur le retour à un héros plus noir, plus tourmenté, plus sensible, qui tombe amoureux. Un questionnement sur le métier d’assassin de l’agent 007 est posé (Bond se montre parfois plus sensible aux meurtres qu’il commet et à la violence qu’il emploie). C’est aussi un retour à un héros plus violent et moins édulcoré qui peut faire penser à l’agent hyperactif américain qui ne retient pas ses coups.
Ce principe du héros qui doute peut rappeler l’ex-agent de la CIA dont les méthodes violentes sont imposées par son métier. Le nouveau 007 a du mal à s’y habituer, Jason Bourne a du mal à s’en défaire, mais tous deux sont bourrins dans leurs façon de combattre et de tuer : premier point commun ou reprise.
Réalisme & technologie
Voici un carte sur laquelle la trilogie Jason Bourne a beaucoup insisté. Le réalisme est ici indissociable des technologies présentées dans le film. Le monde de Jason Bourne se fonde entièrement sur des technologies de l’information (portables, satellites) et les éléments urbains que Bourne détourne pour se battre. Exit donc les gadgets divers et variés qui font le charme de l’espionnage à la guerre froide. À noter tout de même que les technologies dans les Jasons Bourne sont utilisées à des fins de traque, et peu d’information. Les films de Jason Bourne ont le mérite d’avoir intégré pertinemment les technologies satellites directement à l’action, car il y a peu de scénes de poursuite ou de traque qui n’impliquent les caméras de vidéos surveillance, les repérages satellites et les portables des agents.
Cela participe à l’avatar réaliste des Jason Bourne qui affirment lier l’intrigue à des éléments quotidiens, et des véhicules proches du spectateurs. Les actions effectuées se font dans un champs plus proche du probable (course-poursuites en voitures de ville, à moto ou à pied). En fait, l’argument du réalisme passe surtout par le refus de l’extraordinaire. Pour complèter cet aspect réaliste, la violence est moins édulcorée et les scènes d’action plus brutes. On a aussi des morts plus « sales » ou les ennemis ne sont pas éliminer par un coup de poing propre, mais après des meurtres violents et rapides (utilisation des flingues très directe). Enfin, les combats en corps à corps sont beaucoup plus violents et chorégraphiés, et le fait que le héros semble s’en prendre plein la gueule participe à cet aspect réaliste.
Il ne faut pas oublier non plus les choix des destinations dans les Jason Bourne qui renouvelle le potentiel d’action attaché aux grandes villes européennes, quelque peu délaissées dans les films récents. On découvre que des scènes d’actions palpitantes sont possibles dans les lieux et les capitales les plus fréquentées d’Europe telles la gare de Waterloo, le métro de Berlin ou les rues de Paris. Le fait que ces villes soient proches du spectateur européen et américain (Tanger et Moscou ne sont pas très éloignés de la « civilisation » du spectateur moyen lui permet de s’identifier plus facilement à l’intrigue.
On ne peut pas s’empêcher de faire le rapprochement avec le nouvel agent 007 où les gadgets se font discrets, et presque exclusivement par les portables. Bond se repose plus sur des moyens ordinaires d’informations. Idem de la violence et des courses poursuites proposées. On axe moins l’action sur des systèmes de transports I-Tech : Bond privilégie les voitures sans super ressources cachées, on se bat autour d’un camion à essence, ou dans un vieux DC3. Il y a par ailleurs plus de tôle froissée que dans les autres films.
Quant aux combats ils sont de tout évidence plus musclés, plus sanglants (cf combats dans l’escalier), et les poursuites à pied en environnement urbain ne sont pas sans rappeler les marathons de Jason Bourne traqué par les agents. Des scènes comme la poursuites dans les locaux en constructions de Madagascar, les toits de Sienne, les combats dans les WC ou encore des scènes plus épurées mais plus violentes comme les assassinats par Bond de Drayden ou Dimitrios peuvent permettre de rapprocher les techniques des deux JBs, surtout par comparaison avec l’action plus explosive mais moins violente de la période Brosnan.
Scènes d’actions
Encore un autre rapprochement, et le principal point de comparaison entre Bourne et Craig : la façon de filmer. Pas la peine de s’étendre sur la façon « délicate » de filmer de Paul Greengrass. La caméra à l’épaule propose une nouvelle approche des films d’actions, en obligeant le spectateur à s’immerger dans le délire d’images, pour pouvoir suivre les scènes d’actions. Le résultat sont des combats moins statiques, puisque le spectateur ne se pose pas en spectateur lors de ces scènes, mais bel et bien en témoin de ce qui se passe, l’obligeant à se scotcher au héros sous peine d’être complètement largué.
En quoi peut-on associer cela aux deux derniers Bond ? Peut-être par le fait que la caméra aussi, que ce soit sous la direction de Martin Campbell ou Marc Forster suit Bond de plus près, alterne beaucoup les plans, et n’hésite pas à se focaliser sur des gros plans, rendant la compréhension des scènes plus mouvementée, plus dynamique et moins contemplative que par le passé. Quand on est habitué à la façon pépère de filmer des 20 films précédents, on a vite fait de faire le rapprochement avec la trilogie concurrente. Ce n’est pas la peine de s’étendre davantage puisque c’est la dessus qu’on a le plus discuté… et que nous allons y revenir.
Copié – collé ?
Un autre reproche enfin fait aux deux derniers Bond est de copier sur l’agent américain certaines scènes. Ce sont la poursuite sur les toits de Sienne apparentée à celle de Tanger dans le 3e Opus, la poursuite en voiture de QOS rapprochée de toutes celles ou Bourne est au volant, et les scènes de combats rapprochés (Bond vs Slate, Bourne contre les agents qu’on lui envoie pour lui casser la figure. On pourrait même dans une certaines mesure comparer la mort de Vesper à celle de Marie, l’amie de Bourne, dans le second film : dans les deux cas, la mort est violente et sous-marine.
Une scène enfin, qui à mon avis rappelle trop le cousin américain, est la scène finale de QOS en Russie, trop semblable à l’épilogue du second volet de Jason Bourne, également en Russie : l’agent blessé qui revient se confronter à l’action qui l’a lancé sur sa quête vengeresse… La scène va même jusqu’à reprendre le même manteau, les mêmes éclairages… Il fallait vraiment que les scénaristes de QOS ne savent pas comment conclure (et dire qu’une fin alternative a été filmée…)
On voit donc que le rapprochement entre le Bond des années 2000, et la trilogie Bourne se concentrent sur quelques points, mais on peut déjà remarquer que beaucoup d’éléments de comparaison tiennent moins par le fait qu’ils se rapprochent de Jason Bourne, que par le fait que ces éléments tranchent avec les habitudes des anciens James Bond.
Suite du dossier : The Bond Supremacy
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