James Bond et Thomas Newman

Retour sur la participation du compositeur Thomas Newman à la saga James Bond.

Thomas Montgomery Newman est né le 20 Octobre 1955 à Los Angeles. Issu d’une grande famille de musiciens et de compositeurs, il est le dernier fils d’Alfred Newman, l’homme derrière ce petit jingle :

Dans les années 50, Alfred Newman faisait partie des rares compositeurs sous contrat avec les grands studios Hollywoodiens. Son concurrent principal était Max Steiner à la Warner. A eux deux, ils représentaient 90% de la musique de film de l’époque. Inutile de préciser qu’avec un tel héritage, le jeune Thomas Newman n’était pas un inconnu quand il a débarqué dans l’industrie cinématographique au milieu des années 80.

Mais là où le père écrivait de la musique purement orchestrale, le fils s’est dirigé vers des territoires sonores plus expérimentaux. Son style avant-gardiste et minimaliste le fera connaitre du grand public à la sortie en 1999 du film « American Beauty » réalisé par un certain… Sam Mendes.

Drame familial très ancré dans l’Amérique pré-11 Septembre, « American Beauty » connaîtra un succès critique important à sa sortie. Le film gagnera cinq oscars dont celui du meilleur film et celui  du meilleur réalisateur. La bande originale de Thomas Newman sera également nominée mais perdra en face de la B.O. du « Violon Rouge » de John Corigliano.

Déjà reconnu à Hollywood pour les bandes sons de films tels que « Les évadés », « La ligne verte » ou encore « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux », Newman sera de plus en plus courtisé par Hollywood dans les années 2000 et 2010. « Le monde de Nemo », « Wall-E », « Jarhead » ou encore « Les Sentiers de la perdition », autant de films marquants qui permettront au compositeur d’affirmer son style expérimental.

L’annonce en 2010 de Sam Mendes au poste de réalisateur pour le futur « Bond 23 » sera rapidement et logiquement suivie de celle de Thomas Newman à la musique. Mais quid de David Arnold ?
Après avoir œuvré avec succès sur les cinq derniers films de la franchise Bond, Arnold acceptera cordialement le passage de relais. Il pourra cependant se consoler grâce à son poste de directeur musical pour la cérémonie de clôture des J.O de Londres de 2012.

Skyfall (2012)

Mais que peut apporter le style de Thomas Newman à la saga 007 ?
Connu principalement pour des films dramatiques et intimistes, le style de Newman semble assez éloigné de l’univers de l’agent secret. Peu habitué aux scènes d’actions spectaculaires, on était en droit de se demander si la musique de Newman ne serait pas trop en décalage par rapport au film, un peu à l’image de ce qui s’était produit en 1995 avec Eric Serra (prononcez « RXRA » n’est-ce pas ?) sur « GoldenEye ». Comme vous pouvez l’entendre ci-dessous, les craintes étaient infondées, et Newman a su faire parler la poudre :

Finalement qu’est-ce qui fait le style de Thomas Newman ? Des compositions élégantes et très bien orchestrées, un goût pour la synthèse et les textures sonores, un attrait pour les musiques du monde. Tous ces éléments se retrouvent dans cet impressionnant premier morceau. L’utilisation de cuivres pétaradants et la présence du célèbre « Bond Theme » servent à faire le lien entre le style du compositeur américain et l’univers de 007.

L’autre personnage central de cet opus est évidement M. Incarnée pour la dernière fois par Dame Judi Dench, la directrice du MI6 et patronne de Bond nous est présentée sous un jour plus sombre qu’à l’accoutumée. Il fallait donc un thème musical faisant ressortir la noblesse mais aussi la noirceur du personnage. Thomas Newman nous propose un arrangement de cuivres à la fois sobre mais riche harmoniquement et que n’aurait pas renié John Barry. Sur l’album officiel, le thème est exposé une première fois dans le morceau « Voluntary Retirement » puis, plus loin, dans une version plus enrichie sous le titre « Mother ».

La pate inimitable de Thomas Newman se retrouve finalement dans le morceau « Adrenaline » fermant l’album de « Skyfall ». Il s’agit du titre le plus volontairement éloigné du style historique de la saga. Newman y expose toute ses obsessions musicales et c’est un bonheur pour le fan d’entendre une telle audace dans un James Bond.

Skyfall sort en octobre 2012 dans les salles et les résultats au box office ne se font pas attendre, le film est un succès. Après la déception « Quantum Of Solace », les critiques et le public saluent le retour aux sources de la saga, la réalisation de Mendes et l’incroyable photographie de Roger Deakins. La bande originale de Newman ne suscite, elle, qu’un intérêt limité. Il faut savoir que, pour le grand public, les musiques de la saga James Bond se résument aux morceaux titres des épisodes. La chanson d’Adèle, non écrite par Newman, est partout à la TV et à la radio, et on fait souvent peu cas du reste des musiques du film. C’est la raison pour laquelle l’écriture des musiques et du morceau titre est devenue un Graal pour les compositeurs de la saga. John Barry lui-même a dû attendre « Goldfinger » avant d’avoir la confiance du studio pour écrire la chanson thème.

Le succès de « Skyfall » entraîne assez logiquement la MGM à réengager la même équipe technique. Mendes revient à la réalisation et, bien évidement, Newman à la musique. Le volet suivant de la saga, « 007 Spectre » est ainsi mis en chantier avec l’espoir de renouer avec le succès du précèdent film.

Spectre (2015)

Nous ne reviendrons pas ici sur les qualités de cet opus, mais force est de constater qu’entre « Skyfall » et ce dernier film, quelque chose a changé dans l’approche musicale de Newman.

Avec son aspect plus sombre et ses visuels inquiétants, « 007 Spectre » offre au compositeur l’occasion de pousser plus loin les expérimentations synthétiques. Thomas Newman est également connu pour ses accords enrichis joués par des ensembles de cordes en sourdines. Cette technique permet de développer une atmosphère mélancolique et élégante. On peut entendre cet élément caractéristique dans le morceau « Secret Room » sur l’album du film.

L’une des critiques majeures faites à Newman pour ce nouvel opus, est la réutilisation importante de thèmes composés pour le précédent film. Cela s’explique certainement par le fait que, contrairement à « Skyfall », le compositeur n’a pas travaillé pendant la post-production, comme cela se fait habituellement, mais pendant le tournage ! L’ensemble du film souffre de l’aspect « accéléré » de sa production, ce qui ne l’empêche pas de construire sa propre atmosphère. Il est notamment intéressant de noter que « 007 Spectre » semble être, pour Sam Mendes et Thomas Nemwman, une répétition tant stylistique que thématique de leur projet suivant, « 1917 ». 

La sortie de « 007 Spectre » sera plus compliquée que celle de « Skyfall » en terme de critiques. Trop terne, trop timoré, le film divise et, bien que possédant des qualités évidentes, le film impressionne moins que son prédécesseur. C’est entre autres pour cette raison (et parce qu’il ne voulait déjà pas revenir pour un troisiéme opus) que Mendes passera la main à Dany Boyle pour le film suivant. Naturellement, Newman laissera également la main. Un temps confié au compositeur américain Dan Romer lorsque le réalisateur Cary Joji Furukawa remplacera Boyle, la musique du Bond suivant sera finalement composée par le maître du chaos Hans Zimmer.

Sam Mendes fera un film de guerre, « 1917 » à nouveau avec Thomas Newman à la musique, avant de changer de compositeur pour son film suivant, « Empire of light », cette fois mis en musique par Trent Reznor et Atticus Ross.

Newman lui, collabore depuis quelques années avec un autre ancien de la saga Bond, le réalisateur de « Quantum of Solace » Marc Forster. Les deux  hommes ont travaillé sur les films « Le pire voisin du monde » et « White Bird ».