Quelques jours après le 50e anniversaire de l’Homme au Pistolet d’or, c’est au tour de Moonraker de fêter le 60e anniversaire de sa parution, le 5 avril 1955 aux éditions Jonathan Cape.
La troisième aventure de Ian Fleming n’a cependant rien à voir avec le film de 1979. Alors pour briller en société voici quelques éléments du roman Moonraker dont il faut se souvenir, 60 ans après.
Le premier James Bond au pays
Après la France dans Casino Royale, et la Jamaïque dans Vivre et laisser mourir, Moonraker est la première, et seule mission de 007 qui a lieu intégralement en Grande Bretagne (si on ne compte pas la nouvelle The Property of a Lady).
C’est inhabituel pour l’agent aux mission internationale, mais cela s’explique par l’intrigue. Dans le livre, M demande à Bond un service personnel. Il soupçonne un nouveau venu dans son Club distingué, Blades, Hugo Drax, de tricher aux cartes, ce qui est du plus mauvais effet, surtout quand la personne en question est un nouveau riche dans qui tout l’Angleterre place ses espoirs pour son nouveau programme de défense par missile. Une fois rendu sur place, Bond a tôt fait de battre le larron au bridge au grand soulagement de M.
Mais quand un des responsables de la sécurité du programme Moonraker est victime d’un suicide/meurtre, c’est Bond qui est envoyé pour le remplacer et enquêter au cœur du programme Moonraker top secret sur les côtes du sud de l’Angleterre. Un Bond 100% anglais donc, qui nous permet de bien profiter des clubs anglais, d’une base de missile et de sous-marins au bord des falaises anglaises de Douvres (avec en prime, une de ces falaises qui s’écroule sur Bond et son allier).
Bond au pays, c’est aussi l’occasion de le voir conduire sa Bentley sur les routes anglaises.
La première menace atomique
Quand il a écrit Moonraker, Ian Fleming ne se rendait pas compte qu’il donnait un titre parfait pour un film qui 14 ans plus tard essaierait de tenir tête à la guerre des étoiles. Mais en 1979, quand les scénaristes ont récupéré le titre pour un film qui n’a rien à voir avec le roman, ils ne se rendaient pas compte que tous les ingrédients des films de Bond étaient déjà dans ce livre de Fleming publié en 1955.
En effet, Moonraker est la première aventure de Bond où le monde est pris en otage par la menace d’un dangereux terroriste. Plus précisément, c’est l’Angleterre qui est en péril d’une attaque de missile. Alors que 007 se débattait plutôt avec des espions et autres trafiquants, il est aux prises pour la première fois avec un compte à rebours qui va signifier la destruction de Londres. Ce ne sera pas la dernière fois.
Des nazis et des soviets
Fleming n’aime pas les nazis, et ça ne le dérange donc pas d’en introduire un au cœur de son roman. Drax est donc un nazi qui après avoir été défiguré pendant la guerre, a recommencé sa vie en Angleterre et est devenu riche et respectable. Cela ne l’empêche pas de gérer son usine de missile par des allemands aux crânes rasés et à la discipline toute allemande, de se lancer sur un grand monologue sur la chute du Führer et du IVe Reich, ni de s’enfuir au moment opportun dans un sous-marin soviétique, puisque les ennemis d’hier s’allient aux méchants d’aujourd’hui. Et pour parfaire cette image, Drax est aussi d’une laideur repoussante, roux, et avec une moustache.
Un méchant nazi peut paraître cliché, mais à une époque où des traîtres communistes sont découverts au cœur des universités anglaises, cette paranoïa n’est pas exagérée pour l’époque. Fleming traite aussi pour la première fois du programme de défense militaire de la Grande Bretagne et de la puissance atomique, et ce qu’il pourrait se passer si elle tombait dans de mauvaises mains. Une paranoïa au pays, digne de la guerre froide donc.
Bond ne récupère pas la fille
Gala Brand est une des seules Bond Girls de Fleming qui n’ait jamais fait son entrée dans les films, et c’est bien dommage ! Agent de la Special Branch infiltrée comme secrétaire de Drax, c’est un personnage mature qui va vite s’allier à Bond et faire face aux périls avec lui (notamment avec une évasion à lampe à souder bien douloureuse, et un écroulement de falaise bien périlleux).
Mieux encore, malgré la tension sexuelle qui s’établit entre Bond et Gala, et son attirance après les aventures vécues, elle s’avère déjà fiancée, laissant Bond le bec dans l’eau.
« Il ne doit y avoir aucun regret. Aucun faux sentiment. Il doit jouer le rôle qu’elle attend de lui : l’homme dur du monde. L’agent secret. L’homme qui n’est qu’une silhouette. »
De Moonraker à Moonraker
Le film de 1979 n’a pas grand chose à voir avec le roman de 1955, mais on retrouve certains aspects du roman : Drax tout d’abord, qui semble également être un homme intègre au service de l’Angleterre, avec son programme de navette spatiale, et ses idéaux racistes.
La deuxième ressemblance est la condamnation à mort de Bond sous le Moonraker pour y être brûlés vifs au moment du décollage. La différence est que dans le livre, Bond et Gala ne disposent pas de gadgets, et doivent s’échapper de sous le missile à l’aide d’un chalumeaux et de moult souffrances.
De Moonraker à Meurs un autre jour
Bizarrement, c’est Meurs un Autre jour qui se rapproche le plus du roman. On y retrouve un anglais respectable qui a fait fortune dans les dernières technologies de défenses, mais qui cache un fait un éminent représentant d’un autre pays qui a décidé de se venger. Gustav Graves est donc proche de Drax, et Bond qui vient battre Graves à l’escrime rappelle la partie de bridge de Moonraker où Bond vient humilier Drax (les deux clubs partagent d’ailleurs le même nom ! Blades).
On retrouve aussi un personnage similaire à Gala Brand avec Miranda Frost qui est un agent secret infiltrée comme secrétaire de l’ennemi (et fait amusant : il fut d’abord annoncé par EON que Rosamund Pike allait jouer un perssonage du nom de Gala Brand avant que celui-ci ne soit renommé en Miranda Frost). Enfin, on y retrouve aussi l’écroulement des falaises, le vilain qui se fait la malle pendant que l’explosion commence, et Bond et son amie qui se retrouve à rôtir sous les feux d’Icare alors qu’ils sont encore prisonniers.
Moonraker introduit aussi l’idée de faire une fortune à la bourse avant de détruire Londres. Cela fait partie du plan de Drax, mais sera repris par Alex Trevelyan dans Goldeneye.
Un livre plein de passages à adapter
60 ans après, Moonraker regorge encore de passages extrêmement bien mis en scènes qui pourraient être portés à l’écran !
Bond qui répond à l’appel à l’aide de M, et vient dans son club pour tricher face au méchant et le faire perdre au cartes. C’est un affrontement qui est finement décrit dans le livre, et pourrait apporter beaucoup de tension s’il était introduit dans un James Bond, avec le nouveau Bond faisant équipe avec le M de Ralph Fiennes pour faire face à un anglais pas si respectable.
Le personnage de Gala Brand mériterait aussi de faire son entrée dans la saga : un personnage à la fois espion, qui sait se débrouiller seule, souffre aux cotés de Bond plutôt que d’être en détresse et provoque une forte attirance chez Bond. Le personnage de Camille, fort et autonome était un peu dans cette ligne, mais l’on devrait avoir une bonne espionne anglaise aux cotés de Bond.
Le passage où Bond se retrouve seul dans l’usine à missile qui surchauffe et est prête à se détruire au moment du décollage du missile est également un passage fort, et un brin sadique qui met Bond dans une situation réellement périlleuse, et qui pourrait pousser notre espion jusqu’au bout. Enfin, pourquoi pas ne pas avoir une enquête de Bond qui l’amène au cœur de l’Angleterre ? Voila qui permettrait de redécouvrir le Royaume Uni en dehors de Londres.
Précisons d’ailleurs que dans une des toutes premières versions du scénario de Meurs un autre jour, le personnage qui finalement se nomme Miranda Frost, avait pour nom au départ Gala Brand