« Ma Bond Girl est différente des autres ». Le cliché de la Bond Girl séduisante et inutile a la vie dure et une mauvaise réputation. Mais malgré les protestation des actrices, les Bond girls ont toujours été différentes. Cette chronique de CJB pose donc la question de la place que les films donnent aux partenaires féminins de Bond, et sur la façon dont le personnage de Bond Girl évolue ! Voir l’épisode 1
Épisode 2 : L’Âge d’or des James Bond Girls
Le cliché de la Bond Girl inutile avec de la flotte dans le cerveau renvoit automatiquement à l’Âge d’or des James Bond, quand Sean Connery étalait son torse velu à l’écran pour le plus grand plaisir des femmes. Cependant, les Bond Girls étaient elles vraiment de belles ingénues décérébrées ? Regardons y de plus prêt, avec un détour par les romans de Ian Fleming
Les Bond Girls chez Fleming : la femme est le tourment de l’homme
Ian Fleming est phallocrate. Il n’aime pas vraiment les femmes dans son monde d’homme. Sous sa plume, les femmes sont de beaux animaux qui doivent rester à leur place. Quand elles rentrent dans le monde des hommes, elle sèment à la fois la séduction et la panique. Les relations hommes-femmes chez Fleming sont toujours basées sur une tension sexuelle établie dès le départ, dans la description de la Bond Girl. Son rôle et sa place ne viennent qu’une fois que Bond les a déshabillé du regard.
Si elles sont sources de plaisir et de désir pour l’agent secret, elles apportent plus de tourments qu’autre chose : quand elles sont impliquées dans la mission, elles compliquent la donne. Si elles sont en péril, elles font dévier Bond de son objectif. Et si il en tombe amoureux, c’est toujours une issue funeste qui se dessine. Dans le dernier roman de Fleming par exemple, Bond conclut son aventure avec Miss Bonnenuit par la réflexion que « à partir de maintenant, il savait que chaque femme ne serait qu’une chambre d’hôtel avec une belle vue« . Les relations ne sont pas faites pour durer.
Si Bond n’a pas une bonne vision des femmes, ça n’empêche pas Fleming de décrire des personnages féminins absolument passionnant : femmes fortes, femmes autonomes, femmes sachant user de leur féminité, femmes pleines de ressources… On ne peut pas condamner les romans de Fleming comme misogyne : son héros a un problème avec les femmes, mais la plupart des femmes qu’il décrit sont des femmes fortes qu’il convient d’apprécier ! D’autre part, ses personnages de femmes sont encore très influencés des modèles de femme fatale des polars et films noirs (voir cette intéressante infographie d’Arte à leur sujet).
L’Âge d’or des Bond Girls : femmes fatales et femmes idéales
Intéressons nous maintenant aux Bond girls au cinéma, en nous penchant toujours sur le « type » de femme qu’on nous présente, et non sur son caractère et ses répliques.
Dans ces films, on trouve donc deux types de femme : les femmes fatales comme Miss Taro, Tatiana Romanova, Pussy Galore, Fiona Volpe, Helga Brandt, Aki. Elle appartiennent à « l’autre camps », et le rôle de Bond et de les faire passer dans le sien. Ce jeu est d’ailleurs bien résumé par Fiona Volpe qui s’exclame :
Mais bien sûr, j’allais oublier votre ego Monsieur Bond. James Bond ! Il suffit qu’il fasse l’amour à une femme pour qu’elle entende soudain la voix des anges. Elle se repent et prend le chemin de la rédemption et de la vertu. Et bien pas cette fois !
A coté, d’autres James Bond girls nous sont proposées : les femmes parfaites. les films les présentent souvent comme le personnage d’Eve : dénudées, innocentes, vouées corps et âmes à Bond… Il lui faut souvent des efforts pour amener ces personnages purs dans son monde. Elles se nomment Honey, Jill Masterton, Domino, Kissy. Bond a alors la plupart du temps un rôle de protection au milieu d’un monde peuplé de méchants.
De part ces configurations, ces femmes n’ont pas beaucoup d’autonomie. Elles obéissent aveuglement à un camps, ou elles obéissent à James Bond. Cela donne de magnifiques scènes d’amour avec l’agent secret, ou de piquantes scènes d’opposition mais pas beaucoup de marges de manœuvre pour ces personnages quand elles ne sont pas face à Bond. Même si elles ont marqué notre imaginaire pour toujours, ces Bond girls ont formé le fameux stéréotype qui n’a pas de volonté propre et existe par rapport à Bond : pour le séduire ou pour lui plaire.
L’âge d’or des années Sean Connery a beaucoup contribué au mythe de la Bond Girl décérébrée. La faute à des films se passant toujours au soleil avec de nombreuses filles dénudées à l’arrière plan, et peut-être aussi à l’attitude très virile et dominante du Bond de Connery qui semble toujours dominer et troubler ces femmes du haut de son smoking.
Au service secret de sa Demoiselle
Les choses changent avec l’arrive d’Au Service Secret de sa Majesté, et de Tracy. Pendant ce film et les quatre qui vont suivre, Bond n’a pas vraiment d’opposition féminine. Il va toujours les avoir à ses cotés, ce qui change la donne.
En revanche, ces Bond Girls s’approfondissent : en effet, elles vont avoir droit à des sentiments propres. C’est elles qui font le choix de rejoindre Bond et de le choisir, et non Bond qui va aller les croquer toute crues. Tracy, Solitaire, Tiffany Case, Andrea Anders… Ce sont des femmes qui ont choisi Bond pour qui il est, et non pas simplement parce qu’il est le mâle dominant au charme ravageur. Par la simple capacité de faire ce choix, cela leur donne des rôles plus intéressants, puisque ce sont Blofeld, Kananga et Scaramanga qui vont essayer de les chiper à Bond et de les séduire.
La relation avec Bond devient donc plus humaine et moins schématique. On nous offre parallèlement des personnages souvent plus fragiles, mais dont les choix attirent notre sympathie : en effet, on les voit qui font des efforts pour se joindre au combat contre l’ennemi. Auparavant, les Bond Girls n’avaient pas vraiment ce rôle. Elles avaient juste à suivre ou s’opposer à Bond.
La contrepartie à cette autonomisation est que l’on a des personnages se rapprochant beaucoup plus du stéréotype de la demoiselle en détresse alors que les Bond Girls de la première vague savaient davantage prendre soin d’elles. On troque un manque de féminisme pour un autre.
A suivre : A la recherche de l’équilibre
Chronique : Les James Bond Girls et le long chemin de l’égalité
Épisode1 : Bond Girls, clichés, rôles et fonctions
Épisode 2 : L’âge d’or des James Bond Girls
Épisode 3 : A la recherche de l’équilibre
Épisode 4 : L’ère Craig et l’avenir des James Bond Girls
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