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Ian Fleming, espion de sa Majesté : le débarquement

Suite et fin du reportage sur l’unité créée par Fleming pendant la guerre.

La face cachée de Ian Fleming : si ses activités d’écrivains sont bien connues, les missions menées à bien par l’auteur des James Bond durant la 2nd guerre mondiale le sont moins. Rien que pour vos yeux, CJB vous propose le témoignage de Justin Rowlatt, dont le grand-père Theo Ionides était membre d’une unité secrète mise en place par Ian Fleming lors du débarquement allié de la seconde guerre mondiale.
Cet article est la suite de “Ian Fleming, espion de sa Majesté : aux origines de la 30 Unit Assault disponible ici

Le débarquement de Dieppe
Malgré leurs nombreuses compétences, la première incursion du « Commando A », comme on l’appelait alors, fut un échec. C’était en Août 1942, il s’agit du désastreux débarquement allié de Dieppe. Fleming était présent pour assister à la catastrophe : sa seule expérience au combat.

Paul McGrath
Paul McGrath est l’un des derniers survivants de ce raid. Malgré ses 90 ans, il a gardé ses souvenirs intacts. Ses yeux clairs brillent et son visage s’illumine dès qu’on lui parle de la 30UA ; à l’exception de Dieppe : Il était assis sur le pont du destroyer qui le conduisait avec ses camarades à la bataille. Comme ils approchaient de la côte, les canonniers allemands creusés dans la falaise ont ouvert le feu à pleine puissance. Un énorme obus a explosé à 6 mètres (20ft) de lui. Plus de 70 ans après ce jour, McGrath cherche encore les mots pour décrire la terreur noire qui l’avait saisit comme une onde de choc. Il dit qu’il était « gelé sur le pont, complètement paralysé ».

« J’étais pétrifié par une telle terreur qui abasourdit mon esprit, avait-il écrit, j’étais allongé sur le pont, rigide comme une sorte de cadavre prématuré, paralysé par la pensée d’une mort affreuse, immédiate et terrible. Le jeu de la guerre est soudainement devenu mortellement sérieux. Les soldats en face essayaient vraiment de ME tuer ! »

Quand l’embarcation s’est heurtée contre un objet submergé à quelques mètres de la plage, il s’est rendu compte que le jeu avait commencé. Les engins et les canons firent pleurer la falaise tandis que McGrath et les autres commandos enlevaient leurs kits et repoussaient leurs armes. Ceux qui savaient nager plongèrent héroïquement du bateau et nagèrent à travers une mer écumée de balles. McGrath, qui n’était pas un bon nageur, raconte qu’il commençait à se noyer alors que l’écran de fumée se dégageait lui permettant d’être rescapé de justesse par un bateau allier qui l’a embarqué. C’était le seul navire à répondre aux nombreux appels de McGrath.
Mais près de 1,000 soldats n’ont pas eu cette chance.Cet épisode meurtrier qu’est le raid de Dieppe est considéré de la part des historiens comme un désastre total. Les commandos de Fleming revinrent les mains vides alors qu’ils n’avaient même pas mis le pied à terre.

Machine de cryptage Enigma
Pourtant, de retour à l’Amirauté, Godfrey n’avait pas perdu la foi. Des remplaçants furent recrutés pour remplacer les hommes manquants et la nouvelle équipe a ainsi été formée pour l’« Operation Torch », un assaut en Afrique du Nord. Et les « Peaux-Rouge » de Fleming, comme il les appelait, eurent davantage de succès. Ils ont été déployés à nouveau durant les offensives de Malte, la Sicile et l’Italie en 1943. Cette racaille d’espions et de marins saisirent des codes, des documents secrets et toute sorte d’équipement allemand comme une machine Enigma. Ils ont même mis à sac un amiral italien.
Arrestation de l’admiral Karl Donitz
Ainsi, lorsque les Alliés mirent en place la plus grande offensive de toutes, l’Operation Overlord (nom de code pour la bataille de Normandie), en commençant pour le D-Day – les haut gradés décidèrent que la 30UA soit de la partie. Cela signifiait plus d’hommes : donc tandis que la 30UA était en Méditerranée, les homme de la pièce 39 mirent en place une campagne de recrutement. Dans une nouvelle base de Littlehampton, dans le Sussex de l’Ouest, ce nouveau cadre a appris les bases essentielles des commandos. Et parmi eux, mon grand-père.
Une condition essentielle pour joindre cette unité était le secret absolu. Tous les membres devaient signer l’ « Official Secrets Act ». C’est pourquoi mon grand-père s’est toujours tu devant ma grand-mère à propos de son nouveau rôle. Elle savait seulement qu’il avait été en préparation avant sa visite à Londres en 1944, mais pas quel y était son rôle. Les dernières photos de lui ont été prises lors de cette visite quand il a emmené ses deux filles – ma mère Penelope et sa sœur Anthea – au château de Hampton Court sur une après-midi de printemps.
Lt Ionides avec ses filles en visite à Hampton Court Palace quelques mois avant sa mort. Ma mère est à droite.
Ma famille a découvert son implication il y a quelques années seulement et par hasard. Mon cousin Alexander est ophtalmologiste au Moorfields Eye Hospital de Londres, le seul à porter le nom de jeune fille de ma mère « Ionides ». Un jour, un de ses patients lui posa une question surprenante.

« Ionides est un nom peu courant, a-t-il dit, votre grand-père s’appelait-il Theo ?
-Oui, répondit Alexander.
-A-t-il combattu lors de la seconde guerre mondiale ?
-Oui, répondit-il encore.
Puis vint la révélation.
-Saviez-vous qu’il avait fait partie d’une unité spéciale de Commandos top secrète mise en place par Ian Fleming ? »

Sa réponse était un non retentissant. Cet historien amateur avait ouvert un chapitre dans l’histoire familiale dont nous n’avions aucune idée de l’existence. Mon grand-père est né en Mars 1900, enfant du milieu d’une famille nanti d’origine grecque qui avait connu des temps relativement difficiles. Nous avions les lettres écrites à ses parents depuis son école pendant la première guerre mondiale. Il était manifestement très excité et souhaitait s’engager. Dès ses 18 ans, il joignit la Royal Navy, mais au cours de la formation, la guerre cessa et l’Aspirant Ionides n’a, à sa grande déception, jamais pu connaître le feu de l’action.
Il quitta la marine peu de temps après et obtint une place à Oxford, dans la nouvelle discipline de l’université : l’ingénierie. Il n’a jamais validé son diplôme, sans que nous ne sachions pourquoi, mais il avait gardé ses compétences dans le domaine. Theo n’a jamais mené une vie stable. Au début des années 1920s, il travaillait pour la compagnie commerçante grecque « Ralli Brothers » en Inde. Sa sœur Elfrieda lui aurait apparemment raconté que les fêtes y étaient fantastiques. Mais la « Ralli Brothers » n’a pas prospéré et mirent la clef sous la porte après le crash de 29. Il dut retourner à Londres et à cause de la grande dépression, se retrouva sans emploi. Il réussit finalement à retrouver du travail dans un pressing. Il s’agissait d’une toute nouvelle technologie à l’époque en Angleterre et probablement plus glamour qu’il n’y paraît aujourd’hui.
Et lorsque la guerre a éclaté en septembre 1939, l’heure était pour lui de s’engager. Après avoir servi comme aspirant, sa place évidente était dans la marine. D’après l’histoire de notre famille, il a du se battre pour les persuader qu’un officier de 39 ans pouvait être utile. C’était finalement sa compétence d’ingénieur qui lui a permis d’entrer. On lui a finalement proposé une commission de sous-lieutenant dans la réserve des volontaires de la Royal Navy. Mon grand-père est devenu expert en matière de torpilles et mines. Il était habile pour désamorcer les choses, mais également en technologie, si bien qu’on l’envoya à l’étranger pour chercher de nouvelles armes.
Il semble qu’il ait attiré l’attention de Fleming quand il présenta à l’Amirauté les entrailles d’un nouveau type de torpilles particulièrement intrigantes en provenance de Sicile. Après quelques mois d’entraînement Commando à Littlehampton, il embarqua sur un bateau pour rejoindre la plus grande force d’invasion par voie maritime dans toute l’Histoire – le débarquement du D-Day. Malheureusement, la suite des événements ne lui permit pas d’accomplir sa tâche.
J’ai réussi à retrouver trois vétérans survivants de l’unité, des hommes qui étaient avec lui durant ce périple. Aucun ne connaissait personnellement mon grand-père dans la vie mais 70 ans plus tard, tous se souviennent très bien de sa mort. Quatre jours après le D-Day, le débarquement à UTAH Beach était facile. « Comme marcher à terre à Margate (station balnéaire en Angleterre) » se souvient l’officier de deuxième classe : Bill Marshall.

Les problèmes sont venus après que les membres de la 30UA ne soient couchés durant la nuit dans un champ à quelques miles des côtes. Les vétérans se souviennent tous de cet avion allemand qui est soudainement apparu au-dessus de la haie et des bombes qu’il a larguées, un nouveau type d’arme antipersonnel qu’il découvriront plus tard. Près de 70 ans plus tard, je me suis assis avec chacun d’entre eux comme ils le décrivaient lors de la pluie de bombes qui explosaient, envoyant des éclats d’obus dévalant sur tout le champ.
« Il y avait comme une sorte de bourdonnement, comme si des papillons voltigeaient. » raconte Marshall, manifestement encore intrigué par le bruit bien des années plus tard. Mais la réalité n’était pas aussi douce au sujet de cette arme. Vingt-deux hommes furent blessés dont trois mortellement – l’un était mon grand-père.
Allen ”Bon” Royle comme on l’appelait dans l’unité me raconte comment il se dirigea vers les blessés, la plupart hurlant à l’agonie. « Je me souviens quand le service médical a ouvert les boutons de chemise de ton grand-père. Je ne sais pas pourquoi je m’en souviens si bien. Sa chemise était imbibée de sang artériel. » me dit-il.
« Ils ont ouvert et j’ai pu constater sur sa poitrine l’endroit par où l’obus était entré. Je pense que c’était un obus à ailettes. Il a du mourir sur le coup, j’en suis certain. »
Je suis maintenant surpris de constater à quel point je suis impassible alors qu’il me décrit la mort de mon grand-père. Je suppose que ces sept décennies m’éloignent trop de cette horreur mais le journaliste que je suis, est toujours impatient d’entendre les vies de ces vieux braves en temps de guerre.

Traduction par Sir Godfrey du document original : Justin Rowlatt pour BBC News

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