Des opportunités manquées
Le scénario de CR, réglé comme du papier à musique vient à manquer à la pseudo suite directe que prétend être Quantum of Solace. L’intérêt du film revient alors à attendre désespérément un affrontement verbal ou un dialogue donnant de l’épaisseur à la course à pied frénétique de l’agent secret en crise de réconfort. À défaut de cet élément dans le film, ce sont donc les scènes d’actions magistrales qui assouvissent notre soif de qualité bondienne. La poursuite aérienne et la lutte finale dans l’hôtel en feu permettent alors de savourer les qualités de l’agent secret se révélant dans l’action.
Assez bizarrement, lorsqu’on regarde QOS à la suite de CR, on en vient à oublier l’intrigue précédente pour s’intéresser à l’acharnement musclé de Bond pour l’affaire Greene. Celui-ci gagne du crédit, faisant passer à la trappe la menace de Quantum dont, en fin de compte, on se soucie peu, au même titre que l’affaire Vesper.
L’enchainement des deux films permet aussi de remarquer les opportunités manquées de Quantum of Solace. Bien sûr, Casino Royale n’est pas exempt de reproche, mais les longueurs des courses poursuites de Madagascar à Miami se font vite oublier lorsque l’on observe QOS. Le premier opus avait réussi à nous livrer une partie de poker pleine de tension, et une bataille dans l’escalier réellement mouvementée, tout en gardant une certaine classe (la richesse des lumières chaudes joue ici un rôle non négligeable). Je me suis alors dit que des scènes comme celle de l’opéra ou la soirée de Dominic Greene sont passées à coté de bien des choses qui auraient pu en faire des scènes bondiennes mémorables.
En copiant le modèle de CR, la scène de Bregenz aurait devenir considérablement plus marquante. En ajoutant quelques plans stables, et en profitant des décors, et de la musique réellement somptueuse, QOS aurait pu fournir à la saga une scène d’action sur fond de musique d’opéra, qui aurait évité de faire de cette scène, une sortie de secours musclée de la salle de spectacle. Bond aurait pu montré ses capacités à se débarrasser de plusieurs ennemis, tout en nous permettant de profiter au mieux des décors et de l’ambiance de l’opéra.
Idem pour la soirée en Bolivie. Le tango électro qui sert de musique de fond aurait admirablement servi à un moment permettant aux différents personnages de dialoguer en pimentant réellement l’atmosphère classe de la soirée (type Casino Royale) par des affrontements verbaux : on aurait pu imaginer quelques lignes de dialogues tendues entre Bond et Mathis, Leiter et Greene, ou donner un rôle plus important à Fields par exemple.
Un diptyque ?
En conclusion, je dirais que Quantum of Solace et Casino Royale sont loin de former un dyptique cohérent. Les oppositions sur lesquelles joue QOS par rapport à CR (rythme plus nerveux, couleurs plus pâles, désabusement vs enthousiasme de CR) passent ici inaperçus tant CR n’a pas besoin d’être complété.
En revanche, QOS s’assume très bien comme épisode indépendant, assurant une liaison entre le reboot de CR, et les épisodes, (on l’espère) plus classiques à venir. Pris tout seul, Quantum of Solace présente à mon sens un Bond vraiment original, qui exploite correctement le passé de Bond et des idées intéressantes. Cela n’est hélas possible que si l’on met à distance Casino Royale pour accepter de se plonger dans l’intrigue du 22e Bond : c’est à dire, garder en mémoire l’affaire Vesper pour suivre l’intrigue là où elle commence, mais en sachant s’en détacher pour apprécier ce que Marc Forster nous propose… ainsi que les faiblesses qui vont avec.
QOS comme suite directe de CR est à mon sens un échec et les producteurs l’on bien senti puisqu’il semble que l’idée d’une trilogie soit exclue. En revanche, QOS constitue une suite acceptable, si l’on accepte de lui donner son indépendance, et qu’on lui évite la comparaison avec Casino Royale. Je pense qu’il restera cependant un Bond mineur faisant pâle figure face à son prédécesseur. CR de son coté, est bien parti pour devenir une référence en matière de film de James Bond.
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