Dans la grande famille des jamesbonderies, se trouvent entre autres les espions. Et les espions que j’affectionne particulièrement sont les espions de blockbusters. Bien sûr, les films d’espionnages plus confidentiels (comme Espion(s)), ou plus psychologiques (comme The Good Shephered) sont deux fois plus intéressants dans les idées portées par les films, ou le développement des personnages. Mais les espions des blockbusters restent dans mon viseur pour plusieurs raisons :
- Premièrement : le divertissement qu’apporte ces films m’amuse plus que les films de super héros ou de guerre, où les personnages s’inclinent devant les supers pouvoirs, le surnaturel, ou les grosses machines plus ou moins futuristes. Les films d’espionnages forcent à décliner un héros « normal » (avec tous les guillemets qui s’imposent) dans un cadre normal, avec leurs seuls talents et par rapport à une seule intrigue.
On n’est pas juste dans un parc d’attraction avec une grosse ville ou une planète comme bac à sable, et avec un héros testant ses super-pouvoirs et ses supers-machines contre un autre super pouvoir ou une autre super machine. Bref, on a plus de place pour l’intrigue et les personnages. L’action est forcée de concilier ces deux composantes importantes d’un film afin que l’ensemble reste crédible ; composantes qui sont, à mon sens, trop souvent négligées au profit de l’action (avec évidemment, des exceptions en tout genre).
- Secundo, j’adore les héros de type espion, qui peuvent nous faire croire au mythe de la double vie, des talents cachés, de la possibilité d’introduire le doute, la tension, l’excitation, l’exotisme, sous des dehors de normalité. Vous me direz que les héros de comics partent du même principe, mais le facteur « incroyable » (super pouvoir, armure exceptionnelle) me laisse souvent sur le carreau, m’empêchant de m’identifier à ces personnages. L’espion est pour moi, beaucoup plus à même de recevoir mes projections et mes fantasmes de divertissement, même si au final, il mitraille et explose un nombre d’ennemi et de limites du crédible important.
- Enfin, la conséquence de ces deux préférences précédentes, est que j’éprouve d’autant plus de plaisir à comparer la projection que l’on fait au cinéma : 1/ de l’espion-héros, 2/ du monde de l’espionnage et de ces enjeux, 3/ de la façon de se faire dérouler un film et son scénario.
Procédons pas exemple avec cette chère Evelyne Salt ! Il est tellement facile de repérer les grandes tendances du blockbuster d’espionnage, et surtout du cinéma américain, devant un film classique, pas mal fait, mais qui ne vise à rien de plus qu’à l’entertainment.
Salt, espion(ne)
Salt est-elle davantage une espionne qu’un espion, un Jason Bourne rangé ou une Mata-Hari à la James Bond ? La vraie réponse à la question qui est Salt ? est plutôt Angelina Joli. L’actrice a réussi à exceller dans le cinéma d’action au féminin, jusqu’à pouvoir importer son type de personnage qui flingue, grimpe, saute et tape sans perdre de sa féminité dans tous les types de film. Nous sommes ici à la case « film d’espionnage » du cursus d’Angelina. Elle apporte son intrépidité, sa détermination, son habilité à se sortir de façon explosive de n’importe quelle situation avec naturel dans un rôle d’agent double, triple, voire quadruple dans une intrigue où l’action devient vite exponentielle. Au fur et à mesure que tout explose, Salt se mure dans l’impassibilité faisant perdre toute dimension énigmatique à son personnage. Cela permet au réalisateur de ne pas avoir à développer davantage le personnage, et de jouer avec son « action man » au milieu de sa maison blanche en carton offerte par la production.
Ce condensé d’espion est à mon sens une bonne image de l’espion tel qu’on le voit aujourd’hui, dans une forme blockbusterique résumée à quelques éléments. L’espion peut être un homme ou une femme, c’est d’abord un professionnel. Il est charismatique et ténébreux dans tous les contextes, et spécialement dans les scènes d’actions : il utilise toutes les ressources de l’environnement pour s’y mouvoir avec un naturel incroyable, réalisant les cascades dépassant les limites du probable, mais pas du possible. Il se résume à une fausse identité et à un flingue : promesse d’action et d’excitement. Bref, c’est une héros destiné à tout faire exploser, d’une façon ou d’une autre.
Le poster de Salt en dit d’ailleurs plus long : regardez la façon dont le personnage est si visiblement anonymé. La féminité d’Angelina n’est pas le centre du poster (autrement dit, une poitrine plus ou moins dénudée). C’est le corps en général qui est le sujet du poster, avec la question : qui est la personne en noir désignée sous le nom de code « Salt ». Le reste du poster ? C’est de l’action : action dans le fond que regarde Angelina, et dynamique d’action concentrée vers le pistolet (ligne du haut vers le bas). Sans vouloir voir des symboles phalliques partout, remarquons tout de même que l’arme est bien placée pour souligner le coté masculin / actif du personnage d’action mis en scène.
Éternels USA, CIA, Etc
Que le monde est simple vu de chez les américains ! Et en particulier quant il s’agit d’espionnage. L’univers de l’intelligence est tellement bête comparé aux raffinements d’espionnage que peuvent nous fournir certaines séries britanniques (Spooks), les mélodrames psychologiques français (Espion(s)) ou n’importe quel service secret intéressé par autre chose que la nation américaine (Munich). Il y a tant d’opportunités à jouer avec l’international, la géopolitique et les enjeux contemporains pour échafauder une intrigue un minimum intéressante, avec des grands buts et d’importants enjeux.
Nos amis américains en sont encore à la purge expiatoire de leurs méchantes institutions (CIA et autres), ou à la paranoïa visant leur cher président et autres avatars de souveraineté nationale. Ici, le monde de l’espionnage se limite à des caricatures de russes voulant faire un come back digne de la guerre froide : tuons les personnes importantes, déclenchons la guerre ! Serait-ce illusoire d’imaginer quelque chose d’autre comme enjeux qu’un simple attentat révolutionnaire, ennemi contre nation, qui renverserait la balance du monde.Le reste du monde de l’intelligence est résumé par un extrait de Meurs un autre jour en Corée du Nord (méchants coréens en uniforme, et aux tortures cruelles), et par le spectre des extrémistes musulmans prêts à tomber sur les USA au moindre prétexte.
Bref, il est jouissif de voir que l’espionnage américain consiste toujours à mener une belle chasse à l’homme de 2h, entrecoupée de moments d’enquêtes électroniques ultra-rapides, d’exterminations de SWAT et de quelques twists bien placés pour relancer l’intrigue (et évidement quelques scènes émotionnelles ou canines pour avoir une dose d’humanité). Cela dit, je n’irai pas condamner ces thèmes récurrents, chaque région produisant de tels films possède un ou deux travers récurrents spécifiques. Mais je le dis honnêtement : je n’en ai rien à cirer de Mister President, de son drapeau risquant d’être taché de sang ou de ses civils liberties et autre monuments de justice menacés de souillure.
De la ressource et de l’action
Il y a certains blockbusters où on a l’impression d’avoir vu les scènes d’actions des centaines de fois. On en voit la fin avant même qu’elles commencent, ainsi que ses différents rebondissements. Je dois dire que lorsque les fans parlent d’amener Bond en Amérique (pour utiliser un des derniers titres de Fleming disponible : 007 in New York), j’ai beaucoup de doute quant à la possibilité de pouvoir encore mener des courses d’action descente dans ces mégalopole. Jason Bourne, après trois films à puiser dans son répertoire d’action pour nous faire visiter chaque capitale s’en est très bien tiré à New York.
Mais je ne pensais pas possible d’envisager une poursuite plus ou moins à hauteur d’homme dans une ville américaine, sans recourir à de supers gadgets ou pouvoirs. Et bien c’est possible. j’admets avoir été bluffé par la facilité avec laquelle Salt arrive à faire naître et à mener différentes courses poursuites sur le territoire américain. J’ai même été emballé, et avoir été mis une ou deux fois en situation de suspense, avec une musique remplissant bien son office pour suivre l’action.
Quant au déroulement de l’intrigue, je ne pense pas qu’il reste grand chose à voir si on est déjà fixé sur les 36 twists qui jalonnent le scénario. Le fait que je sois resté assis est surtout du à la curiosité de voir qui est Salt, et qu’on nous dénoue tous ces retournements de situation une bonne fois pour toute. Pour le reste, l’issue est facilement prévisible, et les approximations et aberrations de scénario sont aussi béantes que les précipices que franchit Angelina en un saut. À croire que l’histoire n’est qu’un prétexte pour enchainer les scènes d’action.
Ces bons aspects et les défauts me rassurent tout de fois sur une chose : il y a encore moyen de faire un minimum d’originalité et d’attraction dans les films grands publics de ce genre. Mon cher agent 007 ne tombera surement pas à cours d’opportunités s’il retourne un jour aux States.
Je suis content de voir qu’on fait toujours la part belle au mythe de l’espion. Qui est Salt ? En fait, ce n’est pas vraiment ça la question.
Film que j’ai très vite oublié. Pas de suspense, malgré quelques belles scènes d’actions. Le film reprend même le début de ‘Meurs un autre jour’ et la fin de ‘La mort dans la peau’ pour combler un film qui est très pauvre. Mon dieu, une suite est envisagée, je m’attends au pire…
Suite de cet article à venir lors de la prochaine aventure d’espionnage d’Angelina Jolie, pour voir si cette vision de l’espion se poursuit avec The Tourist, qui sortira en fin d’année :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19143941&cfilm=138752.html
Avec cette fois ci l’excellent Johnny Depp, et un vrai réalisateur aux commandes : Florian von Donnersmarck