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Ces récits que Ian Fleming n’a jamais terminé ou publié

L’une des pièces les plus rares de la littérature de Ian Fleming est sans doute son livre/carnet de 128 pages qu’il appelait apparemment The Golden Book of Words dans lequel il écrivait des idées, des intrigues, des phrases courtes, titres, et parfois même de longs extraits qu’il jugeait intéressants de faire figurer dans les futures aventures de James Bond. The Bondologist Blog s’est penché sur ces éléments, et on vous propose une traduction !

Ce carnet n’a jamais été publié officiellement, les extraits connus ont été rapportés par un journaliste du Daily Express qui a eu la chance de jeter un coup d’œil dedans peu avant la mort de l’auteur, en février 1964. Le journaliste a rapporté/copié plusieurs entrées : il était notamment fait mention d’un nom, « M. Szasz », que Fleming pensait idéal pour un méchant (avec d’autres noms : Betty Freshette, Pearl Dazzle, Pelikan Strat, Doctor Thong, Manny the Girl) et le proverbe « l’ennemi de mon ennemi (est mon ami) ». Ainsi que de plusieurs idées d’intrigues :

  • Bond, en tant qu’agent double, doit tuer son propre assistant afin de préserver sa couverture…
  • Une bataille sous les chutes du Niagara.
  • Un bal masqué où le clown bienveillant est le tueur russe et où la foule pense qu’un vrai combat fait partie de la bouffonnerie.
  • Une bagarre dans une fête foraine avec un homme sur des montagnes russes qui se fait tuer par un autre homme qui se trouve sur la grande roue.
  • Un millionnaire veut un enfant. Il kidnappe une fille. La viole. La retient prisonnière jusqu’à la naissance du bébé. Il passe un accord avec elle. Elle le signe. Il la jette. Elle obtient sa revanche en prouvant que le bébé était déjà en marche une semaine avant qu’il ne la kidnappe. (James Bond n’est donc pas mentionné ici, mais il pourrait s’agir d’une nouvelle à la Quantum of Solace).

Le carnet de Fleming contenait également quelques phrases courtes :

  • La plupart des gens sont inconscients jusqu’à 17 ans, rêveurs jusqu’à 25, éveillés à 39, fous après 40 ans, mort après 60 ans.
  • La douleur est une adresse privée. Seuls ceux qui ont été sur ce chemin auparavant connaissent le numéro confidentiel.
  • Elle avait une bouche mal taillée aux lèvres courtes, fières comme une blessure à moitié guérie.
  • Vous n’avez pas d’amant si vous n’aimez pas…

Ce carnet qui fut possédé par la belle-fille de Fleming, Fionn O’Neill jusqu’en décembre 1992, a été vendu chez Sotheby lors d’une vente aux enchères pour la charité. Apparemment, il a été acheté par trois nièces de Ian : Kate, Lucy et Nichol Fleming pour 30,000 £. Bien évidemment, certaines des idées contenues carnet ont été utilisés, c’est notamment le cas d’un nom, « Blofeld », que l’auteur aurait apparemment écrit en 1958. Un autre titre, Gokushi, a été considéré par Fleming. On vous recommande de découvrir sa signification dans l’article de Kevin Collette dans son article paru sur James Bond-fr.com.

life-of-ian-fleming-frontLe livre The Life of Ian Fleming de John Pearson contient quant à lui des extraits de nouvelles non terminés. Bien avant que Fleming n’écrive Casino Royale, il y avait une organisation, connue comme le Greek Syndicate, qui faisait dans les jeux de Baccara en France. Parmi les membres de ce syndicat, il y avait un certain Nicolas Zographos que Pearson décrit comme « le plus célèbre distributeur de carte au baccarat, un homme qui travaillait autrefois dans le transport et qui avait des manières douces et une mémoire infaillible pour les cartes et les visages ». L’homme était très bon en mathématiques. Peu avant sa mort, Fleming a commencé a esquisser une nouvelle dans laquelle James Bond rencontrait un certain Zographos ; elle n’est pas allée plus loin qu’une page et demie :

« C’était comme ça, M. Bond », Zographos avait une façon précise de parler avec les minces extrémités de ses lèvres tandis que ses yeux grecs demi-durs, demi-doux mesuraient les réactions que ses mots provoquaient chez l’auditeur… « Les Russes sont des joueurs d’échecs. Ils sont mathématiciens. Des machines froides. Mais ils sont aussi fous. Des fous qui abandonnent le jeu d’échecs et les mathématiques et qui deviennent des joueurs. Maintenant, M. Bond ». Zographos posa une main sur la manche de Bond et la retira rapidement parce qu’il connaissait les Anglais, tout comme il connaissait les caractéristiques de chaque race, chaque race avec de l’argent, dans le monde. « Il y a deux joueurs… l’homme qui mise et l’homme qui accepte la mise. Le bookmaker et le parieur. Le casino et, si vous voulez » – Le sourire de M. Zographos était sournois aux secret partagés et fier avecle mot juste – « les pigeons [the suckers] ».

Bien que cette nouvelle ne fut jamais terminée, on remarquera que Zographos est toutefois très brièvement évoqué dans le second chapitre de Casino Royale :

[…] disposant en outre, d’après ce qu’on raconte, de certains fonds appartenant à l’ex-roi d’Égypte. Depuis des années, ils essaient d’avoir leur part des bénéfices réalisés par Zographos et ses associés grecs, grâce à leur monopole sur les principaux baccaras de France.

Un extrait d’une seconde nouvelle est également trouvable dans le livre de Pearson :

Au petit matin, à environ 7h30, les gémissements filandreux de la radio ont apporté des visions d’un million de foyers qui se réveillait dans toute la Grande-Bretagne… de lui, ou peut-être d’elle, en train de se lever pour faire le thé du matin, pour sortir le chien, pour alimenter la chaudière. Et puis est-ce que cette chemise est faite pour un autre jour ? Les chaussettes, le pantalon ? Le Ever-Ready, le rasage Gillette, le Brylcreem dans les cheveux, le chapeau melon ou homburg, le parapluie et la mallette ou la valise d’échantillon ? Ensuite, ‘Dodo’, la famille quitte le salon pour le béton artériel, avec probablement elle au volant. La station de briques rouges, les autres maris, les autres femmes, le click-clack de 8h15 autour de la courbe du parcours de golf. Bonjour Sidney ! Bonjour Arthur ! Après vous, M. Shaker… et la vie terne prend de la vitesse et effleure les rails entre les conifères et les arbres à feuilles persistantes humides/tristes.

Bond alluma sa couverture chauffante électrique et attendit son eau chaude avec une tranche de citron et contempla le monde avec horreur et dégout.

Ian Fleming avait aussi commencé a travailler sur le roman de James Bond, Per Fine Ounce, avec Geoffrey Jenkins…

Mais Ian Fleming, ce n’est pas que James Bond (bien que principalement si), il y a d’autres histoires non-Bondienne que l’on ne lira probablement pas car jamais publiées ou achevées, par exemple Pearson rapporte :

Il [Fleming] a inventé une histoire sans fin à propos de Graf Schlick, le seigneur local qui vivait dans un grand château au bout de la vallée, et lui a fait commettre les crimes les plus terribles et perpétuer des tortures innommables. À la fin de l’une de ces histoires, quand le Graf a effectué plusieurs infamies sur quelques vierges qui ne protestent pas, le châtiment prend [l’une d’elles avait la lèpre, et le Graf en meurt douloureusement].

Fleming a écrit cela Kitzbühel en 1937, lorsqu’il était fasciné par un aristocrate local, le Comte Max von Lamberg. Charlie Higson s’inspirera également de von Lamberg/Schlick pour son roman Sur ordre de Sa Majesté. À cette époque, Felming écrit aussi une courte nouvelle qui ne sera jamais publié : Death, on Two Occasions.

Voici d’autres idées d’histoires de Ian Fleming :

Un homme met en gage ses affaires après la mort de sa femme. Il se fait plaisir en s’offrant un repas et s’endort à l’intérieur du restaurant. Un serveur appelle la police pour que l’homme parte. Lorsqu’elle arrive, l’homme boit du poison ; le serveur suppose à tort que l’homme est encore une fois endormi.

La gare de Venise était à son moment plus chaud, le plus poussiéreux, le plus sale. Tony sortit de la poêle à frire de son train. Son col se libéra de son cou dans un flux de transpiration.

Il se trouve que dans Des villes pour James Bond (Thrilling Cities), Fleming écrit :

J’ai eu l’idée, à titre de plaisanterie, d’écrire un essai sur Venise et d’y décrire la ville sans jamais parler des canaux, des gondoles, des églises et des piazzas. Très sérieusement, je me concentrerais sur la pureté des lignes de la gare, sur les opérations de la Bourse […]. Mais, sauf pour s’amuser à ce qui ne serait, après tout, qu’un médiocre canular, il n’y a absolument rien à raconter sur Venise.

State of ExcitementDans les années 60′, la Kuwait Oil Company a aussi demandé à Fleming d’écrire un livre sur le Koweït et son industrie pétrolifère. Ian Fleming l’a terminé en décembre 1960, mais ce livre qui était intitulé State of Excitement: Impressions of Kuwait, ne fut jamais publié car le gouvernement du Koweït ne l’a pas trouvé à son gout, même « désagréable »… Un petit chanceux a eu la chance de le lire à l’Université de l’Indiana de Bloomington (où il repose) et a posté une courte review, Fleming écrivait notamment qu’il s’était vu servir des yeux de mouton lors d’un diner avec la royauté…

On vous renvoie d’ailleurs au livre James Bond, le Dossier secret de Kevin Collette, paru en 2012, qui a pu bénéficier des analyses d’un membre de la Ian Fleming Foundation sur le contenu de ce livre assez unique en son genre.

Hors-sujet, mais Raymond Benson rapporte aussi dans son The James Bond Bedside Companion que Fleming s’est aussi mis dans la poésie dans les années 1930 où il a recueillit les poèmes qu’il avait écrit plus jeune dans un livre intitulé The Black Daffodil, qu’il a fait imprimé en privé. Mais Fleming, qui avait honte de ces écrit, a bientôt brûlé tous les exemplaires du livre. 007 Forever en a compilé quelques extraits :

What is a book ?
A mirrored pool
Of thoughts, ideals
So often better left unsaid
So often better left
With the soft outline of dream.

How much I loved that way you had
Of smiling most when very sad
If the wages of sin are Death
I am willing to pay
I am so weary of the curse of living
The endless, aimless torture, tumult, fears.

There once was a girl named Asoka
Who played three young fellows at poker
Having won all their money
She thought it so funny
They calmly decided to choke her.

Were it not for vain imagining
I could let time for ever pass
Without a thought
But now the tinsel mist that memory brings
Colours my loneliness
Since I met you, I see you everywhere
The azure of your eyes, your red, red lips
The golden mystery of your hair
Well, now I am content
To pass my life in dreams
Of when we meet again.

On Crossing The Brenner Pass

While everyone was feeling tired and hot
Alone I was in love with all the world
I felt how far apart I was from all the train,
I thought I was a part of some small stream
Just on from all the scrambling rivulets
Which hurried down towards the sunkissed south
Eager to greet the emerald sea which lay
Flawlessly still in amber gold setting

[divider][/divider]

(Au passage j’en profite, si jamais vous vendez la version française de The Life of Ian Fleming paru chez Plon en 1967 sous le titre de La Vie de Ian Fleming, contactez-moi !)

Sources : The Spy Who Came In With The Gold d’Henry Ziegler, The Life of Ian Fleming de John Pearson, Ian Fleming d’Andrew Lycett, The Bondologist Blog (Brian McKaig)abj007, Artistic Licence Renewed, Biographie de Nicolas Zographos, Artistic Licence Renewed (2), 007 Forever, 007 Forever (2).

Clement Feutry

Fan passionné de l'univers littéraire, cinématographique et vidéoludique de notre agent secret préféré, Clément a traduit intégralement en français le roman The Killing Zone et vous amène vers d'autres aventures méconnues de James Bond...

3 commentaires

  • Belle analyse . Qui reprend donc point par point plusieurs dossiers que j’ai rédigé en 2008 pour le site http://www.jamesbond-fr.com – mais sans me remercier !
    D’autre part , mon livre ‘ James Bond , le Dossier secret ‘ paru en 2012 consacre plusieurs chapîtres aux ouvrages non terminés par Fleming .
    Et offre aussi une analyse chapitre par chapitre de  » Kuweit – state of Excitement  » par un membre du bureau exécutif de la Ian Fleming Foundation, qui a eut accès à l’un des manuscrits stocké à la Lily Library . Merci pour lui, aussi …
    🙂

  • Le rédac chef de CJB reprend la main
    Il faudrait savoir, tu veux être crédité ou pas ?
    Clément fait un gros travail d’archéologie du net pour trouver des contenus anglophones rares, et les rendre accessible aux lecteurs francophones. Si j’en crois le Bondologist Blog, qui est expressément cité comme source principale de la recherche de Clément, leur article a été publié par Brian McKaig en 2007, soit un an avant ton dossier (très bien écrit d’ailleurs) pour les amis de James Bond-fr.
    J’ai donc retiré tous les éléments « exclusifs » de ton dossier de l’article paru sur CJB, en renvoyant directement à ton dossier pour ces éléments, comme tu le demandais. Le reste étant adapté de l’article du Bondologist, j’estime que c’est bon.
    C’est dommage que Clément n’ait pas trouvé ton article de CJB-fr sur internet, ni lu ton bouquin au cours de sa recherche, mais il était honnête dans son adaptation de l’article du Bondologist.
    Pour conclure, j’aimerais dire qu’il n’y a pas de détenteurs absolus du savoir bondien. Kevin et Clément sont deux archéologues des histoires méconnues bondiennes, et on a besoin de plus de personnes comme cela !
    Sur CJB, on indique clairement les dossiers et articles qui ne sont pas des productions originales, et on contacte toujours, quand c’est possible, les auteurs des articles originaux pour les prévenir du travail de traduction que l’on fait. Nos amis de Literary 007 nous ont d’ailleurs invité à faire un dossier in english sur la France dans les livres de Fleming. Tu nous préviendra si on risque d’empiéter sur quelque chose que tu as déjà fait.

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