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L’héritage de l’espion #6 – le cinéma de Guy Ritchie

J’ai récemment proposé, sur ce site, un article à propos du film « Le Ministère de la sale guerre » réalisé par Guy Ritchie et sorti en 2024 sur la plateforme d’Amazon (oui, les nouveaux proprios de notre espion chéri).

Si vous vous souvenez bien, mon avis sur le film était des plus mitigés. Trop sage, trop inspiré d’autres films, le dernier Guy Ritchie m’avait laissé dubitatif. Ce qui est d’autant plus embêtant que le travail du bonhomme ne manque habituellement pas d’intérêt. De plus, et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, il n’est pas rare de voir l’influence des films de la Eon sur le travail du réalisateur anglais.

Mais tout d’abord, qui es-tu vraiment, Guy Ritchie ?

Bah c’est moi, l’est bête lui.

Né à Hatfield dans le Herfordshire en Angleterre en 1968, Guy Stuart Ritchie connait une scolarité compliquée du fait de sa dyslexie et de son gout un peu trop prononcé pour la drogue (ou les femmes selon les dires paternelles). Renvoyé du collège à 15 ans, le petit Ritchie devra naviguer, à sa majorité, de petits boulots en petits boulots. Barman, maçon, bref, les boulots habituels dans les biographies de stars arrivées par la petite porte. Il rencontre alors un ami, réalisateur de publicité, qui l’embauche comme petites mains sur son plateau. C’est ainsi que le jeune Ritchie va découvrir l’univers du cinéma. Premiers essais, quelques pubs, des clips musicaux, et le bonhomme se fera remarquer avec son premier court-métrage « The Hard Case » en 1995. Succès d’estime, le film tapera quand même dans l’œil d’un certain Matthew Vaughn (si si, celui là même). En 1998, Ritchie parle à Vaughn de son idée de long-métrage, Vaughn est emballé et le projet final, « Arnaque, crime et botanique » lancera la carrière des deux loustics.

En 1998, Guy Ritchie fera également une autre connaissance, plus médiatique celle-là. En effet, via Sting il fera la rencontre de l’icône pop Madonna, que vous vous connaissez pour son inoubliable (c’est du sarcasme) rôle de Verity dans « Meurs un autre jour » et pour l’épouvantable (là pas de sarcasme) chanson titre de ce dernier. Les deux jeunes artistes vont tomber dans les bras l’un de l’autre, si bien qu’ils se marieront, et auront un enfant, Rocco, en 2000. Pendant quelque temps, l’ami Ritchie sera identifié du grand public surtout comme étant Monsieur Madona à la ville. Après le succès de son deuxième film, « Snatch » en 2000, Ritchie se fourvoiera en réalisant l’ignoble, l’horrible « A la dérive » en 2002. Monument à la gloire du ridicule, le film sera un échec tant public que critique et entachera l’image des deux stars pendant un temps.

Les années 2000 c’était ça aussi, ne l’oublions jamais.

Ritchie essaiera alors péniblement de se refaire une respectabilité en revenant aux films de gangsters qui ont fait sa réputation avec le très moyen « Revolver » en 2005 et le bien plus réussi « RockNRolla » en 2008. Si les films ne sont pas des cartons au box-office, ils suffisent tout de même à prouver que Ritchie en a encore sous le capot. C’est peut-être ce qui poussera Joel Silver, producteur notamment sur « Permis de tuer » (c’est bon, je rigole), à signer avec le réalisateur anglais pour un reboot de la saga Sherlock Holmes avec l’américain Robert Downey Jr. en tête d’affiche. Relecture hollywoodienne bourrine pour les uns, dépoussiérage rythmé et ludique pour les autres (perso, moi j’adore), la proposition de Ritchie ne laisse pas indifférent et relance la carrière du cinéaste.

On pourrait déjà faire une pause ici en observant que les deux films Sherlock Holmes de Ritchie (2009 et 2011) empruntent énormément à la saga James Bond. Dans leur sens du rythme, dans l’iconisation d’un grand vilain qu’il faudra éliminer. Et, plus simplement, dans la structure narrative du récit qui évoque souvent les films de Eon Productions. On y ajoute quand même la patte Joel Silver qui donne un aspect buddy movie assez savoureux à l’ensemble. Mais le prochain projet du bonhomme ira beaucoup plus loin dans l’hommage.

Avec la seule B.O de Zimmer que je supporte. Chapeau.

Sorti en 2015, « Des agents très spéciaux » est une authentique lettre d’amour de Ritchie pour le genre de l’espionnage old-school. Adapté de la série TV « The Man from U.N.C.L.E », le film suit les aventures de Napoleon Solo, un agent américain, et de son homologue russe Illya Kouriakine en pleine guerre froide. Rivaux naturels, les deux agents vont toutefois devoir collaborer pour le compte de l’obscure agence U.N.C.L.E. Des voyages autour du monde, des complots à envergure internationale, un agent secret classe et distingué (américain à l’écran mais incarné par le britannique Henry Cavill), des espionnes rusées et impitoyables et un grand méchant. Bon, nous sommes entre connaisseurs, je ne vais donc rien vous apprendre en vous disant qu’un certain Ian Fleming était attaché à la série originale. Le projet devait même s’appeler « Ian Fleming’s Solo » avant que le créateur de James Bond ne lâche le projet contre 1 livre symbolique (longue histoire).

Napoleon vs. Solo

En ce qui concerne le film de Guy Ritchie, mis à part quelques longueurs et une dernière partie un brin déceptive, il reste un bon exemple de ce qu’un retour aux sources pourrait donner à la saga James Bond. Jamais trop sérieux, mais pas trop loufoque non plus, le film de Ritchie profite de plus d’une mise en scène particulièrement inventive. Une vraie bonne surprise qui supporte très bien le revisionnage.

Jusque là à l’aise avec l’exercice du blockbuster révisionniste à la cool, le père Ritchie se prendra les pieds dans le tapis pour son film suivant. « Arthur, la légende d’Excalibur », sa tentative de revitaliser le mythe arthurien au cinéma est un échec tant artistique que public. Trop long, ringard, et surtout laid à faire peur, ce nouveau projet de studio rappelle à notre réalisateur qu’entre les exigences de la production et un style qui commence à trouver ses limites, il est peut-être temps de se renouveler.

Non, rien à faire ça vient pas.

Le film suivant sera celui… du remplissage de poches. En effet, notre angliche rebelle va rentrer dans le rang en signant avec Disney pour l’adaptation live de leur classique d’animation « Aladdin ». Pur produit de commande, le film, pas une honte non plus, s’oublie aussi tôt vu. La deuxième rédemption viendra avec le film suivant, « The Gentlemen » initialement un projet de série et qui marque un retour aux sources pour Ritchie. Bien à l’aise avec ses gangsters anglais bigarrés, le réalisateur signe un nouveau film efficace mais qui marque une évolution dans son style. Plus posé, moins porté sur les excentricités de mise en scène, on sent que Ritchie a vieilli, et qu’il se repose plus sur son scénario. Un changement qui va permettre à son cinéma de moins vieillir rapidement et de se refaire auprès d’un public devenu un peu las de ses folies passées.

Rattrapage pour Charlie Hunnam.

Après un très réussi remake du « Convoyeur » de Nicolas Boukhrief nommé « Un homme en colère », Ritchie reviendra à notre genre de prédilection avec « Opération Fortune : Ruse de guerre ». Si le film ne retrouve jamais le fun jubilatoire de « The man from U.N.C.L.E », il reste cependant une proposition d’espionnage/action plus qu’agréable et profite à nouveau du goût du réalisateur pour le dépaysement et les idées de montages (visuels et sonores). Le film bénéficie de plus d’une excellente bande son par Christopher Benstead, compositeur attitré de Ritchie depuis « The Gentlemen ». Un petit film de chevet que, personnellement, j’aime regarder de temps en temps quand le style Daniel Craig me semble trop sérieux pour l’occasion.

Ho regardez, Jason Statham qui sourit… ha non.

Viendront finalement, « The Covenant » (je sais pas, j’ai pas vu) et notre fameux « Ministère de la sale guerre », qui m’a tant fait râler. Actuellement, Ritchie est sur une centaine de projets, tels qu’une série « Young Sherlock Holmes », le film d’aventure « Fountain of youth » avec Nathalie Portman ou encore la série « The associate » avec Tom Hardy et… Pierce Brosnan ! Wait & see comme ils disent chez eux.

La question rituelle maintenant, Guy Ritchie ferait-il un bon réalisateur pour un James Bond ?

Absolument pas à mon humble avis. Malgré l’amour et le respect que je porte au cinéaste, des exemples récents nous prouvent que le bonhomme a du mal à s’insérer dans une dynamique de studio. Surtout quand ledit studio a un contrôle créatif total sur le projet.
S »il n’est pas un sacro-saint « Auteur » comme le veut la critique française, Ritchie est un réalisateur qui a sa propre identité artistique. Il utilise son dispositif cinématographique: son, lumière, montage, acteurs, etc… pour raconter ses histoires et il se pose de vraies questions de mise en scène. Si ses effets peuvent parfois être gratuits, il est indéniable que le visionnage d’un (bon) Guy Ritchie est une expérience viscérale et engageante pour le spectateur.
Or, on l’a déjà dit, notre bon ami anglais a du mal à concilier son style avec les impératifs actuels des studios. Au pire, nous aurions le droit à un mélange effroyable de narration décousue avec des effets de style indigestes (« Arthur »); au mieux, Ritchie se mettrait sur pilote automatique et effacerait son style pour n’offrir qu’un film quelconque (« Le ministère… », « Aladdin »). A partir de là, il n’est pas très stimulant d’imaginer ce qu’aurait pu donner un James Bond réalisé par Ritchie. Et quand on mélange les exigences de la Eon à des envies de mise en scène plus extrêmes et énergiques, cela nous donne le « Quantum of Solace » de Marc Forster… donc non merci.

Qui pour un James Bond chez les GV ?… Nan ?

La franchise a besoin d’artisans. Des travailleurs appliqués et consciencieux pour mettre en ordre, organiser, et rendre un travail qui sera ensuite validé par le studio. A l’exception de l’anomalie Sam Mendes, la franchise n’a jamais eu de véritables auteurs pour mettre en scène ses épisodes. On peut le déplorer, mais c’est ainsi que l’industrie fonctionne, et les exemples récents (« Marvel », « Harry Potter » ou « Mission : Impossible » tendent à prouver que l’uniformisation est de mise en ce qui concerne la gestion des franchises).

Et même en tant qu’anomalie, je ne pense pas que Ritchie aurait pu faire l’affaire. Trop frontal, trop bourrin, le cinéma du bonhomme sent les bas-fonds londoniens et pas la classe et l’élégance qu’on associe généralement à notre agent secret chéri. Le cinéma de Ritchie parle, en sous-texte ou frontalement, de la classe ouvrière, des laissés-pour-compte, des marginaux, des profiteurs et des micro-sociétés qui se bâtissent sur la misère et les injustices sociales. Nous sommes donc loin des préoccupations de notre agent adoré.
Laissons à d’autres réalisateurs le soin de mettre en scène les aventures de 007 et prions pour que, quoiqu’il arrive, quelle que soit la raison, même si la Eon est au fond du gouffre, Marc Forster ne revienne JAMAIS réaliser un épisode de la saga.

L’héritage de l’espion #3 : IO Interactive

L’héritage de l’espion #4 : Argylle

L’héritage de l’espion #5 : Le Ministère de la Sale Guerre

Paul Darbot

Si vous n'êtes pas intéressé par le sujet, il est probable que ce soit l'une des passions de Paul. Passionné de musique, de cinéma et de l'univers de James Bond, il pourrait vous en parler pendant des heures. Donc, si vous décidez d'aborder ce sujet avec lui, faites-le en connaissance de cause ! Vous pouvez écouter ses compositions musicales sur son site web : https://pauldarbot.com

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