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La route vers Opération Tonnerre #1 : James Bond of the Secret Service

Opération Tonnerre constitue un épisode important dans la saga cinématographique James Bond. Il a élevé le budget, le marketing, et bien sûr le box-office à des proportions qui n’avaient jamais été atteintes auparavant. C’est aussi une entrée importante de la saga littéraire avec l’introduction du SPECTRE et d’un long conflit qui en découlera sur les droits cinématographiques du roman et de cette infâme organisation criminelle. Thunderball c’est aussi quelque chose qui a grandi, qui a changé, et qui s’est métamorphosé depuis la première tentative d’en faire la toute première aventure de 007 à l’écran dès 1959 (soit quelques années avant Dr No), à un roman en 1961, jusqu’au gigantesque hit de 1965 avant de devenir Jamais plus jamais en 1983.

Ce qu’il y a de bien avec Opération Tonnerre, c’est que depuis sa conception initiale jusqu’à sa sortie, il reste de nombreuses traces papiers. Et à l’intérieur de ces morceaux rares de l’Histoire James Bond, on peut trouver les idées d’origines, et des indices remarquables sur le processus de création du roman et du film. Vous l’aurez compris, cette série d’articles aura donc pour thème l’évolution du script d’Opération Tonnerre de 1959 à 1965. Ce était à l’orgigine une adaptation française des articles Inside Thunderball de John Cork, nous l’avons depuis étoffé avec des informations trouvées ici et là, dont des centaines de pages de documents/scripts en notre possession, et notamment dans le livre The Battle for Bond et sur Agent007.nu.

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Note : Bien que la genèse d’Opération Tonnerre et les conflits qui en ont découlés ont suscité de nombreux livres, articles et autres écrits (parfois contradictoires), ceci est l’approche particulière de CJB, à partir des sources énoncées plus haut et plus bas. Cela n’enlève rien, bien sûr, au mérite des différents auteurs qui ont écrits sur la question. Nous vous invitons donc à plonger avec nous sur les traces de l’histoire d’Opération Tonnerre. Si nouq n’avons personnellement à CJB pas tous les documents cités, mais nous en avons toutefois une très grande partie.
Chose importante : bien que certains documents qui nous allons voir soient écrits par des auteurs spécifiques (Fleming, Whittingham, etc), cela ne veut pas forcement dire que ces mêmes auteurs soient automatiquement les inventeurs des idées discutées dans ces documents.

Là où tout a commencé

Kevin McClory, un jeune irlandais travaillant dans le domaine du cinéma, souhaite adapté une nouvelle de Leon Ware sur grand écran vers 1958. Ivar Bryce (un ami de Ian Fleming qui est riche) est intéressé par entrer dans le business du cinéma et par le projet de McClory qu’il souhaite financer. Comme à son habitude Bryce parle de son nouveau projet à son vieil ami Fleming, et celui-ci qui désormais un peu méfiant vis-à-vis de cette industrie, lui conseille alors d’être prudent. Bryce et McClory finissent par former une compagnie de production : Xanadu Productions (nommé d’après la maison de Bryce aux Bahamas). Avec Bryce à la production, Kevin McClory réalise alors le film adapté de la nouvelle en 1958 : The Boy and the Bridge. Alors que le film est en plein montage, Ivar Bryce qui se trouve aux États-Unis demande à Ian Fleming de voir comment les choses progressent et de lui faire parvenir des conseils. Ainsi, un beau matin du mois de novembre 1958, Ian rencontre Kevin pour une projection privée d’une version workprint du film à Piccadilly.

Fleming aime beaucoup le film de McClory (bien qu’il le trouve trop sentimental) et alors que les deux hommes se revoient au fil du temps, ils commencent à parler de faire ensemble un film de James Bond, « James Bond, Secret Agent » ou « James Bond of the Secret Service » ! Après tout McClory avait le talent pour le réaliser, Bryce l’argent (avec trois autres investisseurs potentiels) et Fleming avait Bond, qu’est-ce qui pouvait mal tourner ? Ainsi commence un processus fantastique qui couterait à quelques personnes des dizaines de milliers de dollars et qui ferait d’autres des millionnaires…

Kevin McClory avait déjà dans l’idée depuis quelques années de faire un jour un film de chasse au trésor sous l’eau des Bahamas, sur une idée de synopsis qu’il avait écrit avec John Steinbeck. Il voit alors le potentiel cinématographique de James Bond en lisant quelques romans de Fleming (sur une suggestion de Bryce), bien qu’il les trouve un peu trop sadiques et pas très visuels. Alors qu’une grande partie d’Hollywood n’était pas intéressée par adapter James Bond au cinéma, McClory lui l’est et se montre enthousiaste. Fleming semble lui aussi enthousiaste via McClory (« Après avoir vu votre travail sur The Boy and the Bridge, il n’y a personne d’autre que vous que je préférais voir produire James Bond pour le cinéma »). McClory abandonne rapidement l’idée de filmer l’un des romans existants (Fleming avait proposé de faire Vivre ou laisser mourir ou Les diamants sont éternels), préférant créer une toute nouvelle aventure de James Bond pour l’occasion et qui comporterait, tant qu’à faire, des éléments de son projet sous-marin.

29 avril 1959

Le problème concernant l’écriture de quelque chose spécialement pour un film est que je n’ai pas trouvé la moindre idée dans ma tête.

Ian Fleming à Kevin McClory

Fleming a donc du mal à concevoir une intrigue inédite pour le projet de film James Bond qu’il avait en tête avec McClory, et en mai 1959 : Fleming, Bryce, Ernest Cuneo (avocat et ami de longue date de Bryce et Fleming) et McClory se réunissent d’abord à Essex, puis à Londres et esquissent apparemment le contour d’un scénario qui était basé sur un avion plein de célébrités et un personnage féminin appelé Fatima Blush. Le 27 mai 1959, Cuneo écrit un scénario pour le film et l’envoie le lendemain à Ivar Bryce :

28 mai 1959

Cher Ivar,
Ce qui suit a été écrit dans la soirée, simple improvisation donc loin de faire la fierté d’un auteur, cela pourrait possiblement le mortifier. Je ne l’ai même pas relu.

…… Ernest Cuneo.

Cuneo a conçu cette histoire pour répondre à certaines limitations puisqu’ils voulait financer le film dans le cadre du plan Eady Levy. Le plan Eady était une aubaine pour les cinéastes de Grande-Bretagne après la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agissait d’une taxe sur le box-office britannique qui était partiellement réinvestie dans l’industrie du film britannique. Ainsi, les grands studios hollywoodiens voyaient une partie des bénéfices du box-office UK leur échapper, ceux-ci étaient alors redistribués aux films tournés Royaume-Uni. Selon Cuneo, l’histoire devait « être à 75% britannique » pour qu’ils puisse réussir à financer le film ainsi (les Bahamas étaient et sont toujours, bien que devenus indépendants en 1973, rattachés à la Couronne britannique). Il faut noter qu’il était aussi envisagé de construire un studio aux Bahamas et fondé une compagnie pour cela, Xanadu-Bahamas Limited, pour le film et d’autres films qui suivraient. (Xanadu-Bahamas Limited et Xanadu Productions sont dans les fait deux entités différentes ; Bahamas est lié au film de Bond et studio, tandis que Xanadu tout court est censé, en théorie, être limité à seulement The Boy and the Bridge. Par abus de langage la distinction n’a pas toujours été appuyé sur les documents rédigés à l’époque, comme le dira Bryce plus tard : « cela peut paraître maintenant porter à confusion d’avoir le même nom pour le partenariat [The Boy] et la compagnie du studio, mais en pratique nous savions toujours duquel nous parlions »).

Autre chose nécessaire à l’histoire de Cuneo : le fait que Kevin McClory pressente que le box-office du film serait renforcé si celui-ci contenait beaucoup d’action sous-marine, et si celle-ci était filmée avec le système de caméra Todd-AO développée par Michael Todd, un ancien employeur de McClory. En fait, un mémo de McClory semble indiquer qu’il avait la volonté que l’histoire de ce Bond reflète plusieurs ingrédients d’un film à succès de Michael Todd : Le Tour du monde en quatre-vingts jours.

Le concept initial de Cuneo commence par Bond qui est convoqué au bureau de M. Ce dernier l’informe que des signaux radio mystérieux ont été captés d’un avion par un sous-marin britannique dans l’Atlantique. C’est étrange puisque le seul aéronef que l’on connaît être dans la région à cette époque était chargé de transporter des membres de l’USO (United Service Organizations) : une troupe d’artistes britanniques et américains qui vont faire un spectacle pour les troupes alliées dans une base reculée de l’Arctique.

Après une réunion avec les Américains, Bond est mis sur l’affaire tout comme Felix Leiter. Dans la mesure où M veut qu’il se fasse passer pour un « interprète-acteur » pour infiltrer l’USO, Bond va au-préalable demander des conseils à Noël Coward (qui était aussi un ami de Fleming). Comme Cuneo le dit mieux que quiconque :

Bond va, par exemple, vers Noel Coward, qui lui donne 30 secondes pour voir la crème des interprètes britannique en action : Fonteyn, Gielgud, Gingold, Morley – tout le monde de Gracie Fields à Old Vic – en une courte présentation. Les efforts de Bond pour imiter, jusqu’à ce qu’il trouve son métier, peuvent être amusants. Coward et [Laurence] Olivier mettent au point un acte pour lui.

Bond rejoint la troupe d’artiste qui donne des représentation dans diverses bases de l’OTAN à travers le monde. Cuneo demande des plans de caméras Todd-AO de Paris, Rome, Athènes, etc… avec un avion BOAC (Cuneo écrit que BOAC est territoire britannique, ça fonctionne avec le plan Eady).

Bond finit par découvrir qu’un sergent de l’avion est un agent russe de premier rang et qu’un de ses bagages contient une radio à ondes courtes. Il découvre également que le sergent a l’intention de faire exploser des bombes atomiques sur des bases américaine. Bond fait son rapport à M, qui lui dit de remonter la piste : ce sergent n’est que de menu fretin, il veut attraper les gros poisson au-dessus de lui.

On découvre bientôt que le sergent (qui est désormais sous surveillance) a fait une demande de transfert pour les Bahamas. Une piste que suit Bond le conduit à une mystérieuse société écran qui a commandé une flotte de navires de pêche des Bahamas pour un pays soviétique. Ces chalutiers possèdent des coques que Bond trouve anormale et il en étudie les plans. Il s’avère qu’il y a des trappes dans les coques (les précurseurs du Disco Volante) et qu’elles doivent servir à faire monter à bord des bombes atomiques livrées par des sous-marins ennemis.

Bond fait des reconnaissances sur le récif des Bahamas et trouve l’équipage des bateaux, des hommes grenouilles « étrangers […] ennemis », en train de faire des répétitions et de creuser sous l’eau. Il va faire un rapport à M qui décide avec Washington que la chose à faire sera combattre les ennemis sous l’eau.

Dans le final du mémo nous pouvons lire la plus grosse contribution du scénario de Cuneo à Opération Tonnerre : une bataille sous-marine géante qui oppose les méchants à Bond et des plongeurs alliés, pendant que l’USO donne une représentation sur une île non-loin avec des stars comme Frank Sinatra (la caméra devait switcher entre les deux endroits).

Alors que Frank Sinatra, Milton Berle, Dinah Shore, etc, etc… s’entassent dans un avion qui les transportera de Miami à Nassau, des hommes-grenouilles britanniques et américains s’habillent pour la bataille.

Enfin Cuneo ajoute une note comme quoi « les détails de la romance qui a lieu à travers le scénario sont vraiment simples » en imaginant une fille dans la choral de l’USO qui serait en réalité une agent infiltrée de la CIA.

La réaction

Bien qu’il aimait l’histoire de Cuneo, un problème était évident pour Fleming comme il l’écrit dans un mémo destiné à Cuneo et McClory :

Un petit point. Je suis entièrement pour le ton léger avec les acteurs, etc., mais cela doit être gardé de manière très distincte de l’intrigue d’espionnage principal. […] Le numéro de Bond devrait être un numéro de tir au révolver.

Il pense aussi que les Russes doivent être écartés des méchants de l’histoire, notamment parce qu’il pense que l’intrigue devrait être indépendante de l’évolution politique du monde dans la mesure où un film peut prendre beaucoup de temps avant de sortir (et donc que la politique peut changer entre-temps, les Russes seront-ils toujours l’ennemi lors de la sortie du film ?). Il suggère de les remplacer par SPECTRE ! Cette note est la première attestation écrite de l’existence de SPECTRE :

Ma suggestion sur (b) est que SPECTRE, acronyme pour Special Executive for Terrorism, Revolution and Espionage, une organisation privée dirigée par des ex-membres du SMERSH, Gestapo, Mafia, et des Black Tong de Pékin, a placé ces bombes dans les bases de l’OTAN avec l’objectif de faire chanter les puissances de l’Ouest pour 100 millions de livres sterling ou autres.

spectre memo fleming

Il immagine que le QG de l’oganisation pourrait se situer dans un chateau bien gardé en Normandie.

Raymond Benson dit que Cuneo et Bryce croyaient que McClory était venu avec l’idée de SPECTRE. Cela est peut-être vrai, mais Fleming avait une fascination pour ce mot. Dans le roman Les diamants sont éternels, les méchants ont une ville western nommée Spectreville, et rappelez-vous que dans le roman Bons baisers de Russie, le décodeur est nommé la Spektor (et non Lector).

SPECTRE s’est avéré être une remarquable aubaine pour James Bond, un élément qui a contribué à définir les premiers films et les derniers romans. Aucune autre contribution à l’histoire d’Opération Tonnerre ne serait plus importante que la création du SPECTRE.

Ici SPECTRE est l’acronyme de : Special Executive for Terrorism, Revolution and Espionage. Les Counterintelligence, revenge, and extortion sembleront visiblement être des attributs plus attractifs par la suite.

Enfin, Fleming voudrait aussi davantage de présence d’une « héroine » dans l’histoire. Il suggére que M a une agent infiltrée chez SPECTRE : une certaine… « Fatima Blush » ! Celle-ci serait une hotesse de l’air sur le vol de l’USO qui assiterait le sergent, Bond obtiendra des information importantes de sa part. Fleming imagine que Fatima serait également présente dans la bataille sous-marine finale : « La découvrir dans une combinaison en caoutchouc noire moulante va faire s’évanouir le public » et « Le rideau descend alors que Bond et Fatima s’embrassent à travers leurs tubas. Mon imagination se déchaîne légèrement pour cette dernière scène mais vous voyez l’idée » (…et il faudra alors attendre des années pour réentendre parler de Fatima Blush).

Obtenir le scénario

The Boy and the Bridge a sa Première en juillet, les réactions ne sont pas trop favorables (bien qu’il ait gagné quelques récompenses à certains festivals européens) et le film n’est pas très bien accueilli au box-office ; des sociétés de production s’intéressent aussi à Bond (une offre pour un téléfilm Bons baisers de Russie de 90 minutes est notamment faite par Hubbell Robinson avec James Mason en Bond). Fleming a besoin d’une confirmation que Xanadu-Bahamas ferra bien le film.

En échange d’une part d’une valeur de 50 000 $ dans la nouvelle compagnie [Xanadu-Bahamas Limited], je vous donne les droits pour faire le tout premier film qui ferra figurer le personnage de James Bond. J’écrirais un scénario complet que je vous suggérerais, qui pourra être altéré selon vos souhaits, et j’offrais mon aide et des conseils quand ils pourront être utiles.

Ian Fleming

Fleming a reçu un chèque de 50 000 $ de Bryce pour l’utilisation du personnage James Bond dans le film, chèque avec lequel Fleming devait acheté 50 000 $ de parts dans la nouvelle compagnie/studio. (Celle-ci n’ayant jamais été formée au final, le chèque est resté non encaissé). Un second chèque de 50 000 $ pour des options pour de futurs films a été également rédigé.

Ce deal ayant été accepté, Fleming écrit son premier jet de l’histoire pour Xanadu-Bahamas peu de temps après avoir écrit sa note sur SPECTRE (fin juillet 1959). Mais surprise ! SPECTRE n’y est pas, il a été remplacé par la Mafia ! En fait, la Mafia (apparemment sicilienne) est restée l’organisation crapuleuse dans tout le reste des scénarios de Xanadu-Bahamas.

Pour la scène d’ouverture de ce scénario de 63 pages intitulé James Bond of the Secret Service, on nous dit que :

Le film s’ouvre avec une tête et des épaules blanches sur un carton cible qui rempli le centre de l’écran. Celui-ci se tient sur le traditionnel câble et la machinerie (que nous ne voyons pas) contre le mur suintant d’un stand de tir sous-terrain.

« XANADU PRÉSENTE » vient à l’écran à travers la cible ; il y a le rugissement d’un feu automatique étouffé qui pulvérise des balles dans le cœur de la cible qui est ensuite évacuée de côté alors que le « XANADU PRÉSENTE » disparait.

Ceci est répété jusqu’à ce que le générique soit terminé, puis la caméra se retire et nous voyons le visage suant de James Bond qui vise avec un bras tendu tenant un volumineux pistolet automatique. Il tire à nouveau dans le stand mal éclairé et baisse son arme. Nous voyons un plan rapproché de l’arme et de ses mains qui font glisser le chargeur hors de l’arme et qui le place sur une table à côté de lui sur laquelle se trouve une ligne d’autres chargeurs. La caméra recule encore pour montrer L’Armurier (un homme à l’allure militaire, grassouillet, dans un maillot/débardeur et pantalon) qui se tient de l’autre côté de la table près d’une roue qui contrôle les cibles.

Ils ont un échange factuel et très expert sur l’arme qui se termine avec :

Armurier : Qu’est-ce que vous utilisez pour le travail à courte portée ces jours-ci, monsieur ?

Scenario thunderball fleming

L’ouverture se révèle avoir des éléments des introductions des romans Moonraker et Dr No, (Moonraker s’ouvre avec Bond sur un champ de tir, et dans Dr No, Bond est réprimandé par l’armurier pour le fait qu’il utilise un Beretta .25 ; ce qui arrive à Bond dans ce scénario).

Dans le scénario de Fleming, alors que Bond entre dans le bureau de M, le chef d’état-major dit une ligne à Bond qui sera légèrement modifiée pour le roman Opération Tonnerre : « Attachez votre ceinture de sécurité » (Fasten your seat belt). Dans le roman, ce sera plus britannique, « Attachez votre sangle abdominale » (Fasten your lap strap, qui sera également utilisée par Fleming comme un titre de chapitre).

Le méchant est Henrico Largo. M et Ronnie Vallance du « C.I.D. » ont déjà compris que la Mafia veut acquérir une bombe atomique dans la mesure où une écoute téléphonique de la discothèque de Largo a révélé qu’elle compte vraisemblablement en voler une sur le sol britannique.

Bond va enquêter sur Largo dans sa discothèque mafieuse. Là, il rencontre Dominique (Domino) Smith, membre du « Ghost Squad » de Scotland Yard qui est infiltrée dans les lieux : elle travaille dans le club comme une cigarette girl (à ne pas confondre avec la Cigar Girl donc). Bond la rencontre et Domino lui dit d’être prudent, mais 007, se faisant passer pour un membre d’une compagnie de réparateur d’alarme, décide de fouiller le bureau de Largo.

Malgré le déguisement ridicule et les travaux qu’il effectue pour maintenir sa couverture, Largo fait immédiatement prisonnier Bond lorsqu’il le rencontre.

007 est enfermé dans la chaufferie et Domino vient à sa rescousse. Mais alors que Bond revient au QG des services secrets, Largo et ses hommes déguisés en officiers de l’armée américaine volent une bombe atomique sur la base britannique de Shoeburyness .(Apparemment l’un des défauts de Fleming était qu’il n’était pas assez visuel : dans un de ses scénarios, le vol de la bombe ne devait pas directement être vu à l’écran par le spectateur mais expliqué par M au travers d’un briefing).

Thunderball original work Car BlueCi-dessus, une reproduction d’un dessin de Stephen Grimes qui a été présenté au festival international du film de Venise de 1959 dans le but de susciter l’intérêt (et probablement l’argent d’éventuels futurs investisseurs) pour ce premier film de James Bond. Les originaux (apparemment en noir et blanc) furent détruits après le festival, mais des photos avaient été prises et furent heureusement retrouvées par Sylvan Mason, la fille de Jack Whittingham, dans les dossiers préparés pour l’action en justice contre Fleming (dont nous parlerons plus tard). Elle nous a généreusement prêté des visuels des reproductions qu’elle vend sous forme et toiles et d’imprimés sur http://thunderball-artworks.com pour illustrer cet article. Comme nous pouvons le voir, la Bentley 4½ Litre de Bond était au rendez-vous ; Sylvan Whittingham Mason © 2016

Finalement, la bombe est transportée à Nassau. Largo, avec plusieurs membres de la Mafia, occupent une grande partie d’un hôtel en attendant que les puissances occidentales leur versent une rançon de cent millions de dollars pour le retour de la bombe. Domino se fait passer pour une hôtesse de l’air de la BOAC et accompagne Bond à Nassau pour l’aider à identifier les hommes de main de la Mafia. Une fois sur place, Bond rencontre Felix Leiter (bien qu’ils sont censé se connaître depuis Casino Royale, dans ce script c’est la première fois que Bond rencontre Leiter). Les éventuelles cibles pour la bombe sont discutées. Leiter demande un sous-marin de l’US Navy. Bond s’en va plonger près du yacht de la Mafia, nommé The Virginia, mais se fait repéré par une sentinelle : un combat sous-marin entre les deux hommes s’engage duquel 007 sort victorieux.

À une grande fête de la Mafia, Largo se rend compte que ce n’est pas un hasard si Domino se retrouve à Nassau. Il la capture dans sa propre chambre d’hôtel et essaye de lui soutirer des informations en la battant. Bond a pris la meilleure chambre de l’hôtel (au grand dam du chef américain de la Mafia), qui se trouve être juste au-dessus de celle de Largo. Dans une scène qui rappelle le final du roman Les diamants sont éternels, Bond descend du balcon de sa chambre pour se rendre dans celle de Largo. Henrico Largo est tellement occupé avec Domino qu’il ne remarque pas Bond qui marche vers lui avant de le frapper à l’épaule. Bond parle : « Si vous devez tuer votre femme, je voudrais que le fassiez avec moins de bruit… Ne pouvez-vous pas attendre et la tuer le matin ? ». Largo est tellement surpris par cette confrontation qu’il permet à Bond de partir avec Domino sans encombre.

Après qu’il soit parti loin avec Domino, ils ont une scène d’amour. Bond a également la chance de montrer ses compétences jusqu’ici non divulguées de ski nautique alors qu’il en pratique près du The Virginia alors que les plongeurs de Mafia s’entraînent sous l’eau en tuant des poissons.

Largo et Domino s’excusent respectivement pour l’incident de la nuit précédente, et Largo l’invite sur The Virginia pour une fête… Bond donne à Domino un compteur Geiger pour qu’elle examine le Virginia avec. Inutile de dire que Domino est surprise avec le Geiger et qu’elle est violemment interrogée par Largo. Fleming écrit : « Toni (un homme fort de la Mafia) a une cigarette allumée et il y a beaucoup de menaces de torture ».

La cible de Largo est une base de fusées dans les Bahamas. Alors que la Mafia va y planter la bombe, Bond, Leiter, et les hommes-grenouilles de la marine américaine sortent du sous-marin de l’US Navy et les surprennent. Domino sauve finalement Bond en tirant sur Largo avec un fusil harpon.

Thunderball original work Battle AquaSylvan Whittingham Mason © 2016 http://thunderball-artworks.com

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Comme vous avez plus le voir, les éléments essentiels du roman sont déjà en place : bombes atomiques volées, Domino, Largo, et la bataille sous-marine. Cependant tout est un peu embrouillé, le scénario se lit comme s’il avait été écrit rapidement (comme nous le précisions, Fleming recevait à cette époque des offres pour des films ou séries Bond et était probablement pressé de finaliser le film de Xanadu pour pouvoir en accepter) et pas trop pris au sérieux par Fleming.

De manière fascinante, la plupart des éléments cinématographiques sont également là : l’humour de Bond est évident, mais pas aussi lisse qu’il le deviendra dans les films. Même l’introduction type de Bond est présente : « Mon nom est Bond, James Bond ». Plus étonnant, le scénario contient des monologues de Bond, en voix off, comme pour un film noir de détective. Mais, comme nous le verrons, l’histoire d’Opération Tonnerre ne fait que de commencer…

Ci-dessous un mémo de Fleming (non daté, mais qui accompagnait supposément ce script) :

Voici une esquisse de scénario pour un film de James Bond.

C’est l’histoire de la Mafia qui tente de faire chanter l’Occident pour 100 millions de livres en utilisant une ogive atomique volée sur l’une des bases de lancement de Grande-Bretagne comme moyen de pression. La cible est un nouveau « Cap Canaveral » construit sur Grand Bahama.

Les scènes se déroulent en Angleterre, la Manche et Nassau.

Ma préoccupation était d’assembler un récit plus ou moins plausible sur la base de ce complot et le rendre aussi rapide et rempli d’aventure que possible. À mon avis, la principale faiblesse dans le scénario est la minceur de la menace de la Mafia et cela doit être considérablement renforcé, peut-être en insistant plus sur la réunion de la Mafia à Londres.

Il existe d’autres faiblesses qui auraient besoin d’être redressées ici et là, mais il me semble que le fil principal de l’histoire se défend assez bien.

J’ai terriblement besoin de bons noms italiens pour les gangsters de la Mafia et ceux-ci pourraient peut-être être obtenus à partir de l’annuaire téléphonique de Venise !

Afin de fermement garder les pieds sur terre dans de ce film, la production devra être particulièrement rapide afin de ne pas laisser le temps au public de se soucier des improbabilités. La production devra également être particulièrement forte dans la représentation des services secrets et de la Mafia. Toute impression de carton-pâte doit être évitée et le jeu des acteurs devrait être tout au long sous-joué et sans exagération.

Il n’y a pas d’accessoires très couteux, sauf un hélicoptère américain et un sous-marin américain et ceux-ci peuvent probablement être obtenus sans trop de difficultés.

Plus d’incidents/aventures subsidiaires devraient être ajoutés partout où le rythme faiblit mais, pour le moment, mon imagination est épuisée.

J’ai vu George Raft l’autre jour dans un film et il est aussi bon que d’habitude. Il pourrait être utile. Ernest Cuneo devrait définitivement être utilisé comme le Capo Mafiosi qui vient à Londres pour mettre en place le baratin.

Pas d’autres suggestions pour le moment.

Thunderball script 4
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Restez connectés pour la suite de la chronique !

Épisode 2 : Les idées de Fleming pour le cinéma
Épisode 3 : Longitude 78 West
Épisode 4 : Quand Thunderball devient un roman
Épisode 5 : EON s’empare de Thunderball (1961)
Épisode 6 : Un scénario de blockbuster
Épisode 7 : La fin de la route

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Sources et articles de référence sur le sujet : Mr. Kiss Kiss Bang Bang (Inside Thunderball par John Cork), The James Bond Bedside Companion de Raymond Benson, The James Bond Archives de Paul Duncan, The Battle for Bond de Robert Sellers, James Bond : Le dossier secret de 007 de Kevin Collette, Ian Fleming de Andrew Lycett, The Spy Command (hmss weblog), Agent007.nu, The Spy Who Thrills Us, mi6-hq (1), abj007, James Bond Radio (1), Thunderball-Artworks, Sylvan Mason, James Bond Radio (2), mi6-hq (2), 007 Magazine, Sabotage Times, Thunderball Obsessional, KevinMcClory.com, Ciné Magazine hors série N° 1, Bonhams, Dailymail.

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Clement Feutry

Fan passionné de l'univers littéraire, cinématographique et vidéoludique de notre agent secret préféré, Clément a traduit intégralement en français le roman The Killing Zone et vous amène vers d'autres aventures méconnues de James Bond...

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