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L’espion qui m’aimait : les scripts originaux

Certaines choses doivent rester souterraines. – M

Pour Ian Fleming, son roman L’espion qui m’aimait (ou Motel 007 tel qu’il a été traduit en français) devait rester loin de la vue du public.
ScriptTSWLM 7À bien des égards, ce roman peut être considéré comme le James Bond le plus particulier de l’auteur. Tout d’abord il est écrit à la première personne, avec le « je » désignant une jeune femme du nom de Vivienne Michel et non James Bond, qui n’apparait que tardivement dans le récit. L’histoire raconte la vie de Vivienne et plus particulièrement une soirée durant laquelle elle s’est retrouvée à garder le motel des Sapins Rêveurs (aux États-Unis) en attendant que le propriétaire vienne récupérer les clefs. Très vite deux hommes menaçants, Sluggsy et Horreur, font irruption dans le motel avec de mauvaises intentions… La jeune femme ne peut alors que compter sur elle-même et sur l’arrivée d’un sauveur providentiel, 007…

La réaction des fans et des critiques ayant été si mauvaises à l’époque, Fleming a été jusqu’à rédiger une lettre à son éditeur pour expliquer pourquoi il l’avait écrit ainsi et a demandé à ce qu’il n’y ait aucune réimpression ou version de poche. Par ailleurs, Fleming ne donna pas l’autorisation à Harry Saltzman et Albert R. Broccoli d’utiliser l’intrigue et les personnages du roman pour l’adaptation cinématographique, seul le titre pouvait être utilisé.

Quelques années plus tard, « Cubby » Broccoli se prépare à lancer la dixième aventure cinématographique de l’agent secret de Sa Majesté, dont le titre ne serait autre que L’espion qui m’aimait (The Spy Who Loved Me).

En nous basant sur d’anciens articles de 007Forever et d’abj007, nous allons retracer l’histoire du scénario et voir que certaines choses ont effectivement bien fait de rester souterraines…

L’espion qui plaisantait

Anthony Burgess, célèbre romancier (Orange mécanique, Les Puissances des Ténèbres, Enderby, …), critique, traducteur, compositeur et grand fan de Ian Fleming s’est vu proposer d’écrire le scénario de L’espion qui m’aimait comme il le raconte dans le second volume de son autobiographie, Si mon temps m’était compté (You’ve Had Your Time, 1990, chapitre 4) :

Il explique qu’il a rencontré Albert Broccoli et Guy Hamilton (qui devait à l’origine réaliser le film) à l’extérieur d’un hôtel new-yorkais et qu’ils lui ont tendu une liasse de papiers ainsi qu’une machine à écrire portable. Les deux hommes lui ont alors annoncé qu’ils voulaient qu’il écrive un script pour le futur James Bond, intitulé L’espion qui m’aimait. Ils lui ont précisé que le scénario devait être une histoire totalement originale et qu’il ne devait en en aucun cas s’inspirer du roman de Fleming. Burgess accepta.

Bien qu’il avait le sentiment que cela ne marcherait pas, Anthony Burgess s’est mis à la tâche en suivant la formule traditionnelle des films des James Bond. Il commença donc son script par une séquence de pré-générique qui devait se dérouler à Singapour : Bond se bat contre une bande de musiciens chinois qui jouent du gong et noie l’un des voyous dans un bac de soupe d’ailerons de requins. Il assaisonne le tout avec de la sauce de soja (tandis que le type coule dans le bac) lorsqu’il se fait soudainement toucher par une balle.
Laissé pour mort, 007 reprend ses esprits et trouve un chirurgien chinois qui est prêt à extraire la balle qui s’est logée dans son épaule, en utilisant l’acuponcture (l’implantation de fines aiguilles en divers points du corps) comme technique d’anesthésie. Bond apprend donc des choses sur l’acuponcture et le chirurgien lui donne deux aiguilles (une pour yin, l’autre pour yang), comme un cadeauScriptTSWLM 1 d’adieu.
007 conduit jusqu’à l’aéroport où il voit un Boeing 747 exploser au moment du décollage ! Il s’agit probablement de l’œuvre d’une organisation criminelle nommée CHAOS : Consortium for the Hastening of the Annihilation of Organized Society.

Lors d’un meeting planétaire de CHAOS, situé dans un endroit maritime on ne sait où, nous découvrons le chef de l’organisation : un « monstre » semblable à Orson Welles (basé sur un autre personnage de Burgess, Theodorescu de Tremor of Intent). L’homme est paralysé et assit dans un fauteuil roulant, soigné par un docteur presbytérien écossait. Le chef du CHAOS annonce un programme d’actions terroristes juste pour son propre intérêt, et non pour un gain financier. Le consortium a déjà gagné assez d’argent et doit maintenant apprendre ce qu’est le plaisir du pouvoir.
Les grandes figures de ce monde (rois, présidents, le Pape) doivent faire des actes absurdes ou obscènes en publique s’ils ne veulent pas que CHAOS ne détruise une école, un sanatorium ou encore un orphelinat. L’explosion du Boeing 747 à Singapour est le prix que le Pape a dû payer pour avoir refusé de blanchir personnellement le plafond de la Chapelle Sixtine (sic!).

Il se trouve que le chef du CHAOS a une magnifique fille qui était amoureuse de 008 ou 009, et qui veut maintenant se venger du monde car elle pense qu’il l’a largué (elle ignore que cet agent 00 a été tué par le SMERSH). Son chagrin se manifeste par une hideuse éruption cutanée qu’elle cache avec ses cheveux de corbeaux. Dans une précédente scène, on la voyait bruler des millions de dollars dans une immense cheminée baronniale pour indiquer l’inutilité d’argent face au pouvoir vindicatif (inspiré par la vengeance).

Le script possède aussi une autre jolie femme qui est une chanteuse d’opéra australienne, dont Bond pense qu’il est tombé amoureux. 007 a l’intention de découvrir ce que signifient les inexplicables explosions qui détruisent des cibles innocentes, et par quels moyens elles sont opérées. Il découvre que des gens qui ont eu une appendicectomie dans une certaine clinique allemande ont reçu, sans le savoir, un dispositif explosif nucléaire sous leurs tissus cicatriciels ; celui-ci peut être déclenché à distance via un signal radio.

En infiltrant la clinique, Bond s’aperçoit que c’est l’ancienne maitresse de 008 (ou 009) qui la dirige. Elle conçoit de délicieuses tortures pour lui, mais il parvient à s’en tirer indemne. De plus, il la convainc que 008 ne l’a abandonnée, et elle voit quelque chose en Bond, inévitablement j’ai envie de dire, car 007 se relève être en fait le frère jumeau de 008 (!)… Bref, les deux compères font l’amour et l’hideuse éruption cutanée disparait miraculeusement de son visage.

Bond apprend d’elle que son père a prévu de faire sauter l’opéra de Sydney pendant un gala où seront présents la Reine et tous les leaders du Commonwealth. L’explosion pourra être évitée si le Président des États-Unis se décide à faire des actes obscènes devant la télévision internationale.

À Syndney, Bond découvre que la chanteuse d’opéra dont il est amoureux va jouer le rôle principal dans Salome de Richard Strauss durant la gala, et qu’elle a subi une appendicectomie dans la clinique allemande. Il pratique une opération d’urgence, utilisant ses aiguilles d’acuponcture pour l’anesthésier, et extrait le dispositif explosif du corps de la fille.

L’ancienne compagne de 008, apparemment maintenant amoureuse de 007, voit qu’il y a une relation amoureuse entre Bond et la chanteuse d’opéra. Son éruption cutanée revient et elle essaye de le tuer. C’est n’est pas seulement l’opéra et son public qui seront détruits par une bombe nucléaire, mais tout Sydney.

Hélas, nous ne connaitrons pas la suite de cette histoire rocambolesque puisque l’auteur termine ce passage de son autobiographie par : « Je ne pense pas que je doive continuer ».

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Anthony Burgess s’est également exprimé sur le sujet dans le numéro d’avril 1987 du magazine Life. L’histoire qu’il raconte comporte quelques changements par rapport à celle qu’il écrira dans ses mémoires :

L’auteur précise que le CHAOS a pour but d’humilier de monde et de saper l’autorité des institutions civiles ou religieuses. Cette fois la fille du leader n’a pas eu de problèmes avec 008 mais avec 009, elle hait les services secrets britanniques, ainsi que le monde qu’elle veut voir détruit. Il est dit qu’elle a effectivement torturé Bond à la clinique bavaroise. Cette fois l’opéra de Sydney serait détruit si la Reine et tous ses ministres du Commonwealth ne gambadaient pas, complètement nus, devant les caméras du monde. La punition du Pape était l’explosion d’un couvent et non d’un Jumbo Jet.

Burgess termine l’article en disant que son scénario possédait plus de nudité et de sexe que les films de James Bond ne pouvaient se permettre.

Le script a été rejeté et seul mon pétrolier qui servait de camouflage au palais flottant du leader est resté. Quand le film fut sorti en 1977, j’ai trouvé qu’il s’agissait d’une sorte de gospel synoptique, dans lequel les contributions de nombreux auteurs avaient été aveuglément tirées d’un chapeau et placé dans mixeur.

The James Bond Archives précise qu’il était aussi question d’un kangourou boxeur, d’une scène où Bond et Henry Kissinger étaient nus et que Burgess avait même écrit les paroles de la chanson titre dont voici un extrait : « L’espion qui m’aimait, à cesser de m’espionner, il a fermé son œil d’espion pour tous, moi exceptée ».

Albert R. Broccoli et Guy Hamilton n’ont pas été impressionnés par le script de Burgless, pensant probablement qu’il n’avait pas pris son travail au sérieux. Le complot diabolique n’était pas inspiré, et il y avait effectivement trop de sexe et de violence : la relation entre la fille du leader et Bond impliquait apparemment du sadomasochisme. Il y avait aussi trop de technologie et des séquences d’actions jugées trop lourdes pour les effets spéciaux de l’époque.

Un écrivain ne suffit pas

Après (ou avant, l’info varie selon les sites) avoir rejeté le script de Burgless, Broccoli demanda à plusieurs écrivains (Stirling Silliphant, Derek Marlowe, John Landis, etc…) d’écrire un scénario pour L’espion qui m’aimait. Voici quelques idées intéressantes des différents scénaristes qui ont participé à l’élaboration d’un script :

Cary Bates avait prévu de faire le film Moonraker (et non L’espion qui m’aimait) en faisant revenir le SPECTRE, sous une forme un peu différente, puisque celui-ci serait connecté à un certain Hugo Drax qui possède un repaire sous le Loch Ness. Son plan impliquait le détournement de sous-marins nucléaires et Bond devait le vaincre avec l’aide de… Tatiana Romanova !
Quand Ronald Hardy fut mandaté pour écrire le script, il reprit l’idée du détournement de sous-marins nucléaires, et inventa un dispositif de surveillance électronique avec lequel les méchants pouvaient les détecter. Hardy inventa également deux sbires jumeaux pour le méchant principal.
Anthony Barwick a gardé l’idée du système de traçage. Son méchant obsédé par les nombres, Zodiac, veut détruire des sous-marins nucléaires avec des torpilles longues portées, à moins que les pays occidentaux qu’il veut faire chanter ne lui donnent leurs œuvres d’art les plus précieuses. Et quoi de mieux que deux sbires jumeaux ? Trois sbires jumeaux : Tic, Tac, et Toe, qui étant issus d’une troupe de cirque du KGB, éliminaient leurs ennemis à l’aide de pyramides humaines (ou parfois un lion). Fait intéressant, Barwick avait déjà travaillé avec un certain Gerry Anderson à une adaptation apparemment très similaire de Moonraker dans les années 70 pour EON. Anderson a voulu intenté une action en justice contre à EON pour les similitudes que son script de Moonraker partageait avec celui de L’espion qui m’aimait, mais l’affaire fut finalement réglée à l’amiable, Anderson vendant le scénario à Broccoli pour 3,000 £.

Après tous ces scripts infructueux, Broccoli a estimé que tous les écrivains avaient tendance à trop partir dans le comique et a enfin appelé un vétéran des scénarios bondiens, Richard Maibaum, pour lui demander de l’aide en lui donnant la permission d’utiliser le matériel déjà existant. Sa première idée fut de faire figurer la belle espionne Anya Amasova. Le personnage était très complexe mais convaincant et sympathique ; elle est donc restée jusqu’au script final, mais trouver un méchant approprié s’est révélé être une tache très ardue…

Maibaum veut également ressusciter le SPECTRE sous une forme plus insolite. Au début du film, les Brigades rouges, la Fraction armée rouge, Septembre noir et l’Armée rouge japonaise attaquent le quartier général du SPECTRE, assassinent apparemment Blofeld, et prennent la tête de l’organisation pour instaurer un nouvel ordre mondial. Ils ne veulent ni argent, ni pouvoir, seulement détruire les champs pétrolifères du monde. Pour accomplir leur plan, ils capturent des sous-marins nucléaires, laissant l’Est et l’Ouest se blâmer entre eux pour la disparition de leurs submersibles respectifs.

À la fin, Bond devait demander aux jeunes idéalistes : « Très bien, vous allez faire sauter le monde. Que voulez-vous ? ». Ils lui répondait :« Nous ne voulons rien. Nous voulons juste recommencer, le monde est moche. Nous voulons le nettoyer et recommencer. Donc, il n’y a aucun moyen de nous corrompre ».

Broccoli apprécia le script de Maibaum mais le trouva trop politique et réaliste. Les récentes attaques terroristes appelaient à un scénario qui serait plus une petite aventure fantastique avec un bon vieux méchant fou qui aurait un plan diabolique. Lorsque Guy Hamilton quitta le projet, Lewis Gilbert prit sa place et amena avec lui Christopher Wood pour aider Maibaum :

Maibaum réutilisa son script original de Les diamants sont éternels où le frère jumeau de Goldfinger, un magnat du transport maritime suédois, possédait un pétrolier équipé d’un laser. Le vilain fut renommé en Stavros, celui-ci possédait le dispositif traçage et son plan était de capturer des sous-marins nucléaires en les avalant avec son pétrolier (appelé le Leparus ou Lepadus). Stavros eut également le droit à un homme de main indestructible, Requin, faiblement basé sur le personnage d’Horreur qui apparaissait dans le roman (il mourrait dans un four à la fin du script). Tom Mankiewicz vint polir le nouveau script de Wood et Maibaum mais le méchant n’était toujours pas là… Maibaum dira d’ailleurs quelques années plus tard : « Je n’ai jamais eu Stromberg […] ou ce truc interminable qui se déroule dans le pétrolier ».

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Le script avait été écrit en deux versions : l’une avec Stavros, l’autre avec Blofeld et le SPECTRE. Les deux méchants avaient le même but, seule quelques légères différences résidaient dans leurs backgrounds. Kevin McClory, qui avait les droits sur le personnage Blofeld et du SPECTRE, et qui préparait un James Bond rival, Warhead, voyait du mauvais œil l’utilisation de son personnage pour l’Espion qui m’aimait et intenta un procès en 1976.
Broccoli avait dans l’idée que de que Blofeld réussisse à s’échapper à la fin de l’Espion qui m’aimait et qu’il soit tuer au début de la prochaine aventure de 007, Rien que pour vos yeux (à cette époque, Moonraker n’était pas encore envisagé). Avec les problèmes judiciaires avec McClory, il fut décidé de renommer simplement Blofeld en Karl/Siegmund/Sigmund Stromberg, qui possédait donc coup lui aussi un crane chauve, un chat blanc, etc… De cette manière le public comprendrait de qui il s’agissait vraiment sans que son nom ne soit mentionné…
Les négociations avec Kevin McClory ne tournant pas totalement à la faveur d’EON, il fut alors décidé de retirer toutes traces du faux Blofeld du scénario pour ne pas s’exposer à des poursuites judiciaires.

Stromberg devient donc un personnage original et Christopher Wood créa beaucoup de ses caractéristiques qui n’apparaitront finalement pas dans le film, mais dont on trouvera quelques traces dans la novélisation. Stromberg était donc censé être un ancien nazi qui regrettait le temps des fours crématoires (Requin devait mourir dans l’un d’eux à la fin du script), obsédé par le monde océanique et qui croyait en une race supérieur (qui vivrait dans une cité sous-marine). Stromberg avait aussi clairement les mains palmées.
Après que Curd Jürgens ait été choisi pour le rôle, les touches finales de son personnage furent créées et il devient alors le millionnaire Karl Stromberg.

Broccoli voulait également filmé en URSS mais il ne put en avoir la permission, Richard Maibaum avait apparemment été faire des repérages à Budapest.

Quelques petites finitions…

Voici quelques scènes qui ont disparu du script :

Aziz Fekkesh était censé être le conservateur du Musée égyptien du Caire et Bond devait le rencontrer. Une fois là-bas, il y aurait eu une bagarre avec des agents soviétiques (dans la salle des momies) et des objets anciens auraient été détruits au cours de ce combat. La scène a été supprimée et a plus tard été réutilisée dans Moonraker pour le musée de verre Venini.

Dans la scène du musée, Bond finissait assommé et les Soviétiques l’amenaient dans un autre endroit du Caire où il était torturé. Un peu comme dans la novélisation, ils attachaient des électrodes sur ses parties génitales de 007 pour savoir où était leur sous-marin manquant (pensant que les Britanniques étaient responsables de sa disparition). Anya arrivait lorsque Bond se prenait un autre choc électrique, réprimandait ses collègues et leurs demandait de détacher les électrodes. Bond souriait, assommait rapidement les deux gardes et s’enfuyait en sautant par la fenêtre.

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Plus tard, Bond tombait à nouveau sur Anya Amasova alors qu’il gagnait au backgammon (50000 £) face à Max Kalba. Après que Requin ait tué Kalba, Bond et Anya le suivait dans le désert avec une voiture de sport, mais ils se faisaient attaquer par des Touaregs qui se prenaient finalement une raclé grâce à un collier-grenades d’Anya. Celui-ci était conçu par P, l’équivalent de Q pour le KGB, qui aurait également dû apparaitre dans le film.

 

Dans le script final (146 pages), daté du 23 aout 1976 sur la page de couverture (bien qu’il contienne des révisions ajoutées à des dates ultérieures), et que nous avons personnellement, il y a également quelques scènes qui ont été modifiées par rapport a ce qui a été filmé. En voici quelques-unes :

Dés la seconde page, le script demande au lecteur du script de changer mentalement le nom de Leparus en Liparus. Durant le pré-générique, les deux marins qui jouent aux échecs, Jones et Fraser, avaient un petit dialogue : « Ne t’inquiète pas (Fraser). Tu as encore un autre mois pour découvrir que le fou bouge en diagonale ».

Karl Stromberg était toujours parfois appelé « Numéro 1 » dans le script (bien que cela soit barré au crayon). Celui-ci ne tuait pas le docteur Bechmann ni le professeur Markovitz, il se contentait de leur dire : « Tout ce sur quoi vous avez travailliez ici, tout ce que vous avez appris sur mes plans, vous l’oubliez maintenant ». Cette première scène dans l’Atlantis se déroulait après la rencontre de Bond avec Sheik Hosein, et non avant.

Avec Felicca, Bond était moins tendre : il lui pressait son arme contre la mâchoire en la tenant fermement, « Où est Fekkesh ? ». Cependant, Bond se jetait à terre avec elle au lieu de la mettre dans la trajectoire de la balle (elle meurt quand même) et, dans le combat qui suivait, Sandor ne s’accrochait pas à la cravate de 007. C’est Bond qui l’empêchait de tomber en le retenant par la manchette, « votre vie ne tient qu’à un fil ». Sandor ne tombait pas par la faute de 007 mais à cause de la manchette qui se déchirait d’elle-même.

Bond : Pas un tailleur que je recommanderais.

Après que Bond et Anya soient montés à l’arrière du van de Requin (chacun avec son arme à la main), il y avait un dialogue intéressant que l’on ne retrouve pas dans le film :

Anya : Vous avez trouvé Fekkesh mort, Kalba mort… Vous arrivez toujours trop tard, n’est-ce pas, Mr. Bond ?
Bond : Vrai. Mais j’ai toujours une longueur d’avance sur vous Major.

Tom Mankiewicz voulait aussi ajouter une référence à Tatiana Romanova dans le bar (référence non présente dans notre script). Le passage où Q (initiale venant de Quartermaster) est bien nommé Major Boothroyd dans le film a été ajouté à la dernière minute (il n’est pas dans le script) par Richard Maibaum qui était en désaccord avec un ancien script de L’homme au pistolet d’or, écrit par Mankiewicz, dans lequel Q et Boothroyd étaient deux personnes différentes (bien que pourtant cette distinction se trouve dans les premiers scripts de TMWTGG écrits par Maibaum…).

Bond rend visite à Stromberg dans l’Atlantis, mais alors que celui-ci lui montrait ses créatures, Bond devait voir le bras de l’assistante (orné d’un bracelet et d’une bague) dans le fond de l’aquarium du requin.

La magnifique affiche du Ghana...
La magnifique affiche du Ghana…

Lorsque la « Lotus Special », appelé aussi « Wet Nellie » par Bond (qui est rouge et non blanche) sort de l’eau, 007 ne lâche pas de poisson et tout le monde est grandement étonné : une fille laisse une lotion couler sur son visage, un enfant interpelle sa mère, et un ballon de volleyball heurte la tête d’un joueur. En parlant de la voiture, personnellement, j’ai toujours pensé que c’était de l’huile qui sortait de derrière les plaques minéralogiques pour asperger la voiture de Requin, en réalité il s’agit de « ciment liquide » (ce qui est hautement improbable quand on y réfléchi).

Après que Bond ait libéré les équipages pour la grande bataille, ceux-ci vont à l’armurerie. Cependant, comparé au film, il y avait une courte bataille entre les hommes armés de Stromberg et ceux non-armés des sous-marins, avant qu’ils n’accèdent à l’armurerie. Par ailleurs, avant de libérer les équipages, Bond faisait une ruse en menaçant des gardes de Stromberg avec une arme à court de munitions, l’un d’eux déposait son arme à terre et Bond jetait la sienne pour la récupérer.
Pour Anya, Stromberg prononçait une ligne supplémentaire : « Bientôt vous allez adorer mon monde. Après tout, il n’y en aura plus d’autres ».

La fin de Requin n’est pas vraiment déterminée dans le script, d’ailleurs deux versions de cette scène ont été tournées : une où il survivait en nageant et une autre où il se faisait dévorer par un requin.

 

Pour finir, la fin du film a aussi subi quelques changements lors du tournage, elle devait à l’origine être (à peu près) comme ceci :

À l’intérieur du corridor, Bond atteit la porte marquée d’un « Chambre d’évasion ». Il se saisit de la roue centrale et commence à la tourner. Il se retourne pour parler à Anya :
– Donnez-moi un coup de main. C’est…
Il s’arrête et la regarde longuement. Elle se tient le long du corridor, son arme levée vers lui. Bond hésite et fait quelques pas en avant. Anya tire, la balle vint se loger dans le mur situé près de sa tête. Il hésite à nouveau, puis marche doucement vers elle, ses yeux fixés sur elle.
– Je ne vous louperai pas la prochaine fois.
Bond continue de s’approcher :
– Vous ne m’auriez pas loupé avec la première, si vous vouliez réellement me tuer.
Le visage d’Anya est blanc, son doigt se resserre sur la détente. Bond est près d’elle.
– Anya…
Sa main hésite. Bond tend sa main, et en évitant l’arme, il la pose sur l’épaule d’Anya. Elle secoue sa tête comme si elle venait de se lever. Il l’attire vers lui.
– Allez, allons-y !
Alors qu’il la pousse dans l’embrasure de la porte, le mur au bout du corridor se détache et un torrent d’eau passe à travers. Bond se jete à travers la porte de la chambre d’évasion alors que le déluge d’eau s’engouffre dans le corridor.
Il pousse Anya à l’intérieur de la chambre, il y a juste assez de place pour eux deux. Il claque la porte, la selle et bidouille le panneau de contrôle ; l’eau commence à s’engouffrer. Clippé sur le côté de la pièce, il y a une étrange sphère en plastique d’environ deux pieds de diamètre. Bond l’attrape, la libére et la tient.
– Combien de temps avons-nous ? Demande Anya.
– Assez, j’espère.
Le niveau de l’eau continue d’augmenter autour d’eux.
Le sas de secours s’ouvre et Bond et Anya nagent vers la surface, 007 tient toujours la sphère en plastique. Ils commencent à se débattre près de la surface.

La dernière torpille vint se fracasser contre la surface de l’Atlantis, la structure entière se désintégre et commence à doucement couler vers les profondeurs obscures.
La mer est calme, lisse. Après une courte pause, la tête d’Anya creve la surface. Enfin, elle avale de l’air.
– James !
À quelques pieds plus loin, Bond émerge, tenant toujours la sphère en plastique. Lui aussi prend une grande respiration d’air frais.
– Anya !
Alors qu’elle nage vers lui, la sphère s’ouvre comme une fleur et prend la forme d’un canot de sauvetage.
Ils commencent à monter à bord et à s’allonger épaule contre épaule sur le côté du canot. Alors qu’une humeur d’intimité commence à envahir le lieu, il se détourne, ouvre un conteneur et en sort une bouteille de champagne avec deux coupes en plastique. Il en donne une à Anya et remplit les deux récipients du délicieux liquide. Ils trinquent en silence et portent leurs coupes à leurs lèvres.
– Je pensais que vous alliez réellement me tuer là-bas.
– J’allais le faire.
– Pourquoi avoir changer d’avis ?
– Ce n’est pas censé être le privilège des femmes ?
Il lève son verre vers elle et commence à sourire :
– À l’espionne qui m’aimait.
Elle lui rend son sourire, se penche vers lui et l’embrasse sur la bouche. Alors qu’il ajuste sa position afin de lui rendre le geste avec intérêt, son poignet commence à biper. Il regarde sa montre d’où sort un petit ruban dactylographié. Il arrache la fin de la bande et la parcourt des yeux avec Anya.
– 007 faites un rapport aussi vite que possible – M.
Bond détache délicatement la montre de son poignet, la tient au-dessus des bords du canot par le doigt avant de la laissé rejoindre le fond de la mer. Il regarde vers Anya, elle a un sourire qui ressemblait à une invitation. Ses yeux se détournent d’elle pour scruter quelque chose dans le lointain. Il fronce les sourcils.
Bond rassemble le peu d’enthousiasme qui lui reste et dit :
– Il semblerait qu’ils aient envoyé quelqu’un pour venir me chercher.
Une flotte de navires de guerre aux enseignes flottante au gré du vent coupe l’écume de l’eau à grande vitesse.

Plus tard, Bond ne répondra pas qu’il « marque pour la Grande-Bretagne », mais ferra écho au général Gogol : « Messieurs, nous sommes justes entrés dans une nouvelle ère de coopération anglo-soviétique ».

Retrouvez plus de scripts et autres éléments méconnus sur notre page Orbis Non Sufficit !

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Sources : 007Forever / abj007 / mi6-hq / Si mon temps m’était compté d’Anthony Burgess / Merci à Amaury Prost pour nous avoir fournit certains documents.

Clement Feutry

Fan passionné de l'univers littéraire, cinématographique et vidéoludique de notre agent secret préféré, Clément a traduit intégralement en français le roman The Killing Zone et vous amène vers d'autres aventures méconnues de James Bond...

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