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IAN FLEMING ET SON ART D’ÉCRIRE 6 : des titres et des noms

Jacque Layani révèle les secrets de fabrication de Ian Fleming pour inventer les noms des ses romans et personnages.

Si les livres de Ian Fleming sont chroniqués, détaillés et amplement couverts chez nos voisins anglais, la France est assez pauvre en auteurs qui se sont penchés sur le phénomène littéraire qu’est James Bond. Heureusement, il y a quelques auteurs francophones tels Jacques Layani, qui ont accordé à l’auteur britannique toute l’attention qu’il méritait. Cela s’est traduit en 2008 par la publication de l’excellent ouvrage Ian Fleming : On ne lit que deux fois (disponible sur amazon en version papier et en ebook). À l’occasion du 60e anniversaire de la publication de Casino Royale, Jacques Layani a accepté de partager avec nous, une chronique sur Ian Fleming et son art d’écrire.

Pendant 007 articles (comme le veut le matricule du site), il va nous faire découvrir tous les secrets de construction des romans de Fleming, la mise en scène du Bond littéraire, ce qui fait de ce héros un personnage si original, ainsi que toutes les façons si particulières dont l’écrivain dispose pour créer ce monde fantasmé de l’espionnage.

Des titres

Fleming a le sens des titres, avec un mélange de formules choc et une forme de poésie populaire : On ne vit que deux fois (qui, dans l’histoire, est d’ailleurs le début d’un haikaï que Bond est censé composer), Vivre et laisser mourir, Bons Baisers de Russie (le titre est plus subtil en anglais : From Russia with Love), L’Espion qui m’aimait
Fleming a aussi le sens des noms, incontestablement. Ne manquant pas de toupet, il ose au passage se servir chez autrui. On sait que le nom du personnage principal est purement et simplement celui d’un ornithologue dont Fleming possédait un ouvrage (Birds of West Indies) sur sa table au moment où il cherchait le patronyme – voulu sans éclat – de son héros : James Bond. Comme on peut s’en douter, le succès mondial des livres et des films, par la suite, ne facilita pas l’existence de l’ornithologue… Quelques années plus tard, l’ornithologue rendra au romancier la monnaie de sa pièce. En voyage à la Jamaïque avec son épouse, il s’invitera purement et simplement à la table de Fleming, sans prévenir. Leur rencontre sera d’ailleurs agréable, Fleming appréciant l’humour du vrai James Bond.
Mais les autres noms ? Goldfinger est le nom réel d’un architecte voisin du romancier, Erno Goldfinger. Comme Fleming n’appréciait pas ses constructions, il en fit le criminel que l’on sait, ne changeant que son prénom (devenu Auric), ce qui est plutôt culotté. Un armurier de ses amis, Geoffrey Boothroyd, qui le renseignait sur les armes à feu, vit son nom devenir, sans gêne aucune, celui de l’armurier du service. Hilary Bray était également de ses amis ; il donna son nom au généalogiste d’Au service secret de Sa Majesté. La liste pourrait s’allonger, notamment avec le docteur James Molony – tout simplement le chirurgien-dentiste de Fleming –, promu dans les romans Sir et accédant au rang de neurologue célèbre.
Docteur No, cela a de l’allure – d’autant que le prénom choisi est Julius –, ainsi que Hugo Drax, mais la palme du nom le plus savoureux revient incontestablement à Ernst Stavro Blofeld. Vesper Lynd doit son prénom au fait qu’elle est née un soir d’orage. Tiffany Case au fait que son père, furieux qu’elle ne fût pas un garçon, abandonna sa mère, lui laissant mille dollars et un poudrier de chez Tiffany. C’est parfois risible mais, dans un tel contexte, toujours touchant.
Les personnages du service secret, dépeints avec grande précision (on connaît leur vie, leurs manières, leurs objets personnels), ne sont par conséquent pas des fantoches ou des silhouettes. Ils sont désignés – et c’est un coup de génie – par des initiales : « M », « Q », « S »… Ce qui ne les empêche pas d’avoir de vrais noms, « M » est ainsi l’amiral Sir Miles Messervy, et sa secrétaire est miss Moneypenny. Un patronyme assez extraordinaire.
Ensuite, vient la litanie des femmes aux noms étranges (Solitaire, Dominetta dite Domino, Kissy, ou même Artificielle… puisque les sœurs de celle-ci portaient toutes un nom de fleur et que, à la naissance de cette dernière, sa mère n’avait plus le moindre nom de fleur en tête !), voire équivoques : Pussy Galore signifie « chatte à gogo » ; Honeychile Rider peut correspondre à « chevauchée de miel », avec les connotations érotiques qu’on imagine. La nouvelle secrétaire de Bond, succédant à Lœlia Ponsonby, est Mary Goodnight… Sans commentaire. Les hommes eux aussi peuvent porter des noms amusants ou parfois érotiques : Tingaling (Chauds les glaçons !), en argot américain, signifie le sexe masculin ; Shady Tree (dans le même roman) veut dire « arbre ombreux » ; tandis que Rosy Budd équivaut à « bouton de rose ». Bien d’autres noms pourraient être cités.
« Chaque connaissance de Ian Fleming courait le risque de finir comme personnage dans un des livres de Bond », dit Ben Macintyre. Ce qui est à la fois exact mais un peu trop rapide. En effet, nul n’ignore qu’un romancier ne projettera jamais une figure authentique dans son récit, ne serait-ce que parce que sa propre interprétation du caractère de la personne suffit déjà à la modifier. L’art n’a pas pour but de reproduire le réel, en tout cas pas nécessairement. Tout personnage est composite. Bond est le mélange d’une vie rêvée – celle que Fleming aurait voulu connaître – et de celles d’hommes ayant réellement existé : Patrick Dalzel Job, officier que Fleming connut durant la guerre ; Fitzroy Maclean, diplomate écossais ; ainsi que quelques autres dont, inéluctablement, le père trop tôt disparu. On a dit que « M » avait été inspiré par l’amiral Godfrey, mais il est aussi issu de Maxwell Knight, qui fut agent secret pendant le conflit mondial. Il y a aussi William Melville, policier irlandais, et d’autres encore. Beaucoup de personnages sont ainsi nés d’une confrontation entre plusieurs hommes ou femmes authentiques.
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Jacques Layani

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