Commander James Bond France

[Critique] Le 'Solo' de Bond

Une critique du nouveau roman proposée sans spoilers par Ytterbium

Il est très dur de passer après Ian Fleming. Au premier abord, ses romans ont l’air faciles : prenez un agent secret britannique cynique, donnez lui une mission face à un ennemi malsain et vraiment méchant, choisissez un cadre exotique sur lequel Bond portera un regard désabusé, et laissée la mission se dérouler, d’aéroports en bureaux du MI6, de méchants en James Bond girls, de restaurants luxueux en tortures perverses.

Tous ces éléments sont là dans le nouveau roman proposé par William Boyd, et pourtant, l’alchimie a du mal à fonctionner.

Il y a deux ans, Jeffrey Deaver avait déjà tenté l’expérience avec Carte Blanche où James Bond évoluait dans le monde d’aujourd’hui. Le livre avait de l’ambition dans sa mission, mais gagnait en twist et en action, ce qu’il perdait en subtilité et en détails des personnages. La mission était de haut vol, mais Bond n’y avait aucun moment pour respirer et ressusciter l’acidité de Fleming.

William Boyd aurait plutôt tendance à faire le contraire : si le livre regorge de réflexions internes de James Bond et de descriptions de ses habitudes et petits plaisirs, l’aventure peine à décoller. Boyd a fait le pari que ses connaissances de l’Afrique et du contexte des années 1960 lui permettrait de plonger les missions de James Bond dans une géopolitique moderne qui donnerait de l’ampleur à la grisaille des missions de 007 sous la guerre froide. Hélas, le mélange des saveurs (un complot visant le tiers-monde à travers les yeux de Bond) n’arrive pas à donner l’envol nécessaire à l’histoire.

Pourtant, tous les ingrédients sont réunis : Boyd nous présente un Bond vieillissant avec ses petites aventures de célibataire endurci avant de l’envoyer “terminer une guerre” au milieu du conflit opposant le Zanzarim et l’État sécessionniste du Dahum (on reconnaîtra la guerre civile du Biafra au Nigéria ayant eu lieu aussi en 1969) avant de partir en solo vers Washington. Bond y croise les services secrets britanniques et américains, les autorités et les intrigues des différents gouvernements africains, les victimes de la famine, les mercenaires occidentaux sans vergogne, les attitudes des militaires et les manipulations des milliardaires. Des méchants sanguinaires, des James Bond Girls sensuelles et capables, des alliés exotiques. Tout est mis sur le chemin de Bond pour rendre la situation explosive, complexe et de haut vol.

C’est hélas peine perdu. Bond se promène davantage comme un touriste ou un journaliste d’investigation dans les territoires d’Afrique que comme un agent secret à l’assaut d’un ennemi. Au milieu de la jungle, il pense à son appartement de Chelsea, et quand il s’envole vers Washington en solo, l’agent solitaire ressemble plus à un vacancier menant une discrète enquête sur le monde de l’humanitaire qu’à un agent en roue libre, et ce sans jamais manquer un repas.

On reconnaît la parfaite imitation du style employé par Fleming pour nous plonger dans la tête du héros. Mais là, où le père de Bond prenait un affrontement simple entre 007 et son ennemi, en le rendant complexe et malsain, Boyd n’arrive pas à accompagner le cynisme du héros d’actions et de tâches vraiment intéressantes pour Bond.

Au final, on suit sans déplaisir ce Bond vétéran au fil de ses repas, de ses observations, de ses filatures et de ses cocktails. Mais il faut reconnaître qu’avec l’âge, ce Bond s’est émoussé, il est beaucoup plus tolérant qu’à l’accoutumé et n’est plus l’agent de haut vol qui faisait des choses “extraordinaires mais pas impossibles” comme le disait Fleming. Ici, Bond fait des choses possibles dans un conflit extraordinaire, mais ça n’en fait pas un thriller si passionnant.

Faut-il donc brûler Solo ? Ce serait être ingrat envers William Boyd qui a réussi à faire revivre le temps d’un roman le train de vie et le caractère plein de défauts de Bond. Si l’on ne tient pas entre les mains un grand roman d’espionnage, ça reste une promenade documentaire intéressante dans les conflits et enjeux africains, accompagnée de beaucoup de brutalité. L’expérience valait d’être tentée. En attendant, Solo sera toujours pour vous un magnifique livre de cuisine si vous voulez connaître les 1000 secrets de 007 pour réussir un cocktail ou composer un repas.

Critique écrite par Ytterbium sur des Jamesbonderies… entre autres.

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