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Ken Adam & Goldfinger : folie des grandeurs et grandeur des décors

Le chef décorateur Ken Adam nous a quitté aujourd’hui, le 10 mars 2016 à l’age de 95 ans, nous informe la BBC. Son génie pour les décors et les plateaux gigantesques était reconnu par tous, et la Cinémathèque de Berlin lui avait même consacré une exposition l’année dernière. C’est à lui que l’on doit le coffre fort de Fort Knox, le volcan de On ne vit que deux fois, les bureaux penchants du MI6 dans l’Homme au Pistolet d’Or, le gigantesque Liparus de l’Espion qui m’aimait ou encore la formidable base spatiale de Moonraker.

Pour l’occasion, nous partageons cet article publié au départ dans le magazine Le Bond du Club James Bond France pour les 50 ans de Goldfinger. Cette petite analyse revient sur ce qu’a apporté Ken Adam à la touche magique de Goldfinger.

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Avec Goldfinger, James Bond trouve un style qui n’appartient qu’à lui même, et qui s’imposera pour les 50 années à venir dans l’esthétique des aventures de l’agent secret. Cette midas touch, ce sont des décors démesurés uniques, des ambiances chatoyantes, et un nom : Adam… Ken Adam.

Dans Dr. No et Bons baisers de Russie, les James Bond profitaient des destinations choisies par Ian Fleming dans ses romans : salles de jeu d’échec, plages de sables blond de Jamaïque, orientalisme historique d’Istanbul, charme désuet de l’Orient Express. Le monde de James Bond était celui d’un globe-trotter envoyé dans des endroits exotiques. Les intérieurs en revanche, faisaient très studio et les repères des méchants un brin carton-pâte. En arrivant à Goldfinger, les studios se retrouvent avec un handicap majeur : comment rendre sexy les décors d’une Amérique des sixties plutôt grise ?

La réponse est apportée par le chef décorateur Ken Adam. Il avait déjà marqué son empreinte sur deux décors qui se distinguaient de Dr. No : la salle à manger du docteur, décrite par Ian Fleming, et rendue plus vraie que nature à l’écran, et surtout la salle de la Tarentule, où l’on a l’impression que le Professeur Dent terrifié se fait interroger par la salle elle même. Ken Adam a passé la main pour Bons Baisers de Russie, occupé qu’il était à immortaliser la cellule de crise du Dr. Folamour pour Stanley Kubrick.

À son retour en 1964, Ken Adams a les mains libres pour donner aux décors une esthétique que seuls les films de James Bond pourront se permettre. Le secret de son cocktail : une base de réalisme, une grosse dose de fantaisie, une touche d’expressionnisme, et le tout plongé dans un luxe clinquant. La fameuse scène du laser est emblématique de ce genre. Toute la salle est organisée autour du laser. C’est un paris assez osé car dans l’usine de Goldfinger, il est absurde qu’un seul outil occupe le centre de la pièce. Mais en agrémentant la pièce de machines dans le fond, en rajoutant des poutres en diagonales, dans le plus pur style de l’expressionnisme allemand et des couleurs dorées, la scène devient tout à fait crédible pour une séquence qui va devenir culte.

Que ce soient la salle de réunion de Goldfinger, le jet privé, l’usine, la raffinerie de pétrole du prégénérique ou Fort-Knox, aucun des décors n’a vraiment de sens, mais tout cela fonctionne admirablement. Les décors reflètent constamment le thème de l’or, cher à Goldfinger, avec des ambiances dorées, depuis la chambre d’hôtel de Bond, jusqu’à la salle de bain du jet privé de Pussy Galore. On peut bien sûr voir ces décors comme reflétant le luxe, et la folie des grandeurs de Goldfinger, qui le poussent à projeter sa fascination de Fort Knox dans une salle entière pour un public qui ne vivra pas pour l’apprécier. Mais au delà des symboliques sur l’or, c’est bien un nouveau style qui nait pour caractériser le monde de l’agent 007.

Au final, je suis heureux qu’on ne m’ait autorisé à rentrer dans Fort Knox, parce que ça m’a autorisé à faire tout ce que j’avais envie.
Ken Adam

James Bond commence donc à traverser avec le plus grand naturel possible des salles tout à fait fantaisistes qui n’auraient normalement aucune raisons de l’être, telles que la salle de la raffinerie de pétrole dans le pré-générique. Mieux encore, plutôt que d’être de simples éléments relégués à l’arrière plan, les décors rentrent dans l’action même du film. La scène mythique entre Bond et Oddjob est toute entière construite autour de l’architecture fantasmée du coffre fort, Oddjob ralenti par les escaliers pendant que Bond gagne du temps avec la machine, jusqu’aux grilles mêmes enfermant les lingots d’or qui serviront à mettre un terme au combat.

De même, le discours de Goldfinger aurait été très ennuyeux, s’il n’y avait pas eu la maquette émergeant du sol, Bond espionnant sous la maquette, et au final, les gangsters assassinés par la pièce elle même. Bref, le décors devient un élément de la mise en scène et de l’action, depuis la salle de bains piégée du jet de Goldfinger, jusqu’à la chambre d’hôtel de Bond qui apporte une mise en scène formidable pour la découverte du corps de Jill Masterton. Et toujours ce thème de l’or décliné dans les couleurs qui vient unifier l’ensemble du film.

Un autre raison pour lesquelles les intérieurs semblent réalistes, c’est que les extérieurs eux sont plus vrais que nature. Finis les décors naturels anonymes et les fonds projetés défilants. Les Alpes Suisses deviennent un vrai circuit de course (amenant de superbes plans où Bond observe Goldfinger observé lui même par Tilly Masterton. Les extérieurs de Fort Knox sont reproduits fidèlement par Ken Adams grâce aux autorisations obtenues d’un ami colonel de Cubby Broccoli. L’on passe un bon quart d’heure dans une décharge publique à s’émerveiller devant un broyeur de voiture. Mieux encore, le luxe s’invite dans Goldfinger avec l’arrivée des hôtels de luxe, des jets privés, des Rolls Royces, et des clubs de Golf 5 étoiles. Fleming nous avait habitué à ce monde de l’argent où évolue Bond, et 007 se retrouve enfin à l’écran à travers ces moments de luxe avec toute la décontraction qui lui sied.

En fin de compte, le paris était assez osé de proposer des décors et des atmosphères aussi fantaisistes alors que les premiers Bond jouaient plutôt la carte du film policier réaliste et terre à terre. Mais le public a répondu au delà des espérances. À partir de là, Ken Adam aura toute liberté de faire vivre son imagination délirante, qui culminera avec la station spatiale de Drax quinze ans plus tard.

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Fort Knox

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